Chute d'un cœur

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M Y L A

Mon cœur bat, me brûle de par la simple présence de ses battements effrénés.

Je ferme les yeux au dessus du vide de l'eau.

Le vide est un doux pardon qui ne me fait pas peur. L'eau est un doux composant glacial qui nous fait vivre ou mourir.

Cet endroit est merveilleux. Le paradoxe des morts et des vivants. Le rivage interdit à franchir en arrière.

Je voudrais voler. Avoir des ailes et m'enfuir si loin, que je pourrais toucher le soleil, jusqu'à ce qu'il fasse fondre ma peau et que ma chaire tombe en lambeau dans un coin isolé du monde.

Le sang s'éparpille dans mes veines. Il bouillonne comme un feu ardent dans ma poitrine.

Tu vois que je suis capable de le faire ? Tu vois comme je suis devenue forte ? Vois et entends comme mon coeur bat fort et vite ! Vois comme je vis et ris dans la musique de mes mots ! Contemples l'humaine éphémère que je suis à présent pleinement !

Et soudain, quelque chose m'arrache à mon doux bonheur et vient me percuter en plein cœur.

La rêverie et les pensées dans lesquelles je m'étais autorisée à rester me sont soudainement prises avec violence. Et cette déchirure brutale dans laquelle on m'oblige à revenir fait mal.

Le vent qui glissait entre mes doigts tendus et mes mèches de cheveux dansantes, cesse soudain de m'offrir la liberté.

Tout l'air qui avait trouvé refuge dans le doux abri de mes poumons s'éjecte avec violence hors de moi.

Les écouteurs qui étaient jusque là, coincés dans mes oreilles m'échappent et tombent. Tombent avec moi. Loin de moi.

Je tombe. Je tombe en arrière. Et tombe encore, jusqu'à me fracasser sur un sol humide de pluie matinale.

Mon ventre... Mes bras... Mes jambes... Ma tête... Chaque partie qui me constitue s'écrase avec lourdeur et s'aplatit sur le sol, comme une crêpe que l'on ferait retomber dans sa poêle.

Une sorte de trouble vient empêcher mon cerveau de penser correctement.

Un corps m'a percuté. Je sens son poids puissant contre moi et la chaleur humaine qui s'en dégage.
Alors, quand je me décide enfin à rouvrir les yeux, ce sont d'autres yeux que je croise.

Des bruns. Profonds et sans fonds. Ils me font vaguement penser aux miens. Si bien entendu, on remplace la terreur qui y reflète par mon espèce de regard vitreux dénué d'émotion. Et dans ces yeux profonds, je vois mon vieux visage sombre miroiter. Les prunelles de l'inconnu brillent d'une sorte de colère à demie étouffée

-Ça ne va pas ou quoi ? Tu veux mourir ? Pourquoi tu étais sur le bord, si près du vide !? Qui es-tu, bon sang, pour vouloir te donner la mort ? les questions s'entrechoquent et m'électrisent.

Une personne est capable de dire autant de choses terribles en seulement quelques instants ? Une personne est-elle capable d'avoir un regard si dur et si froid à cet âge ?

Soudain, la douce protection de mes écouteurs me manque cruellement. Eux, qui s'étaient décidés à remplacer ton vide.

Je me dégage et m'époussette en soupirant. Puis, je dévisage un instant le jeune homme qui me fait face et qui s'est remis debout.
Il semble perdu et écartelé entre de multiples émotions que je n'arrive pas à décripter. De toute façon, je n'ai jamais été douée pour les voir. Ne crois-tu pas ?

Pour toute réponse à ses nombreuses questions, un petit sourire vient s'imprimer sur mes lèvres.

Le pouce de ma main droite vient trouver l'index. Ensemble, dans une danse lente en ligne droite, je les fais passer du coin gauche de ma bouche jusqu'à celui de droite.

Et j'y délivre mon message silencieux.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant