Dialogue de sourds

Chapitre 1

[Prologue]

Pdv de ??? :
Je regarde cette femme devant moi, en essayant de paraître le plus neutre possible. Elle doit faire son métier et essayer de m'aider, mais j'en ai pas la moindre envie. J'ai promis à papa de venir à une seule séance de psychothérapie, sans grand espoir. Lui non plus ne va pas bien. En fait... personne ne va bien. Putain, ça m'énerve. Ça aurait jamais dû arriver !
Je me lève du fauteuil confortable dans lequel j'étais installé, et me dirige vers la fenêtre. Je regarde la vue, on voit des champs et une forêt au loin. Je pourrai presque ressentir le froid de l'extérieur à travers la vitre. Je me retourne lentement et m'adosse à la fenêtre, en regardant la femme. Elle attend, patiente, que je déballe je ne sais quoi.
Moi j'attend qu'on me rende ce qu'on m'a volé.
Elle ouvre la bouche, hésite quelques secondes puis se lance:

- Monsieur Ordonez, si vous le voulez nous allons commencer cette séance.

Elle sourit, en espérant une réponse. Alors je me dirige vers le fauteuil et m'assois dedans. Je décide finalement de briser le silence:

- D'accord
- Très bien. Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?

Je soupire. J'ai vraiment besoin de répondre à cette question ? Je me revois devant le miroir ce matin, contemplant mes cernes creuses et ma silhouette amaigrie. Même avec le temps ça ne s'améliore pas...

- Comme hier, comme la semaine dernière et comme les mois derniers.
- Vous percevez une amélioration ?

Je lâche un rire nerveux. Cette séance ne sert à rien !

- Non.
- ...Il vous manque

Je regarde mes mains. Cette phrase me fait l'effet d'un couteau dans le cœur, j'en souffre énormément. Mais même après des semaines, je finit par sentir une larme glisser de mes yeux fatigués. Je murmure:

- Énormément
- Vous êtes entouré, monsieur Ordonez. Mais je vois qu'il est écrit dans votre dossier que vous vivez seul; peut-être qu'une compagnie serait utile à votre rétablissement...
- Non, merci mais je préfère être seul

Je me lève lentement, les yeux fixés sur le sol.

- Merci pour cette séance, c'est combien ?
- Votre père prends les frais en charge, ne vous inquiétez pas de cela. Mais réfléchissez et repensez à notre conversation
- Ouais, ok.

Je me dirige vers la porte, et pose ma main sur la poignée froide. J'attends une seconde et ouvre la porte puis pars en murmurant une formule de politesse.
Mon téléphone vibre, c'est un message de Bellamy. Je l'ouvre en levant les yeux au ciel, il est vraiment le dernier à qui j'ai envie de parler...

« Yo ! Pas de nouvelles depuis un certain temps, un repas ensemble ? »

Je ne réponds pas et verrouille mon téléphone. C'est un ami du lycée à qui je n'ai plus parlé depuis au moins un an ou deux, mais là c'est pas le moment pour faire des retrouvailles.