31. This is halloween

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« Papa ferme-les yeux ! »

J'obéis à la petite voix qui provient de ma salle de bain. Emma est avec Samaé et elle l'a aidée à se déguiser. Mais ma petite fille tenait absolument à garder le secret de ce déguisement.

« Raaaaaaaw ! » hurle-t-elle en déboulant dans la pièce.

J'ouvre les yeux et vois devant moi une magnifique petite pirate. Samaé porte une chemise ample blanche surmontée d'un long manteau noir dont les gros boutons argentés contraste avec la couleur sombre. Les manches aux grands revers lui tombent un peu sur les mains, mais ça la rend adorable. Sa chemise est rentrée dans son pantalon en toile noire. Elle a, nouée autour du front et de la taille des bandes de tissus rouges en guise de bandeau et de ceinture. Pour agrémenter le tout, elle a des bottes et un tricorne ornés d'une tête de mort et un sabre en plastique.

Elle sourit comme jamais je ne l'ai vu sourire. La joie qu'elle exprime me fait oublier instantanément tout autour de moi. Mon monde tourne clairement autour d'elle et quand je la vois je sais pourquoi je veux guérir. Elle est mon trésor le plus précieux, la seule pour qui je pourrais aller en prison. Elle est l'amour de ma vie, elle est mon tout.

Je me baisse légèrement et ouvre les bras. Instantanément, Samaé comprend et se jette sur moi. Je la serre fort contre moi.

« Qui t'as trouvé un si beau déguisement ?

— C'est maman Alia ! Elle a tout fait pour me trouver le déguisement pirate que je voulais ! Je suis trop contente de passer cette soirée avec toi !

— Et moi donc mon ange. »

Halloween a toujours été une fête importante pour moi même si ce n'est pas très fêté en France. C'était l'un des moments que je passais seule avec ma mère. On se mettait dans une ambiance flippante et on regardait des films d'horreurs toute la nuit. Pour l'instant avec Samaé on va se contenter de la récolte de bonbons. Mais c'est du temps passé seul avec ma fille et ça n'a pas de prix.

« On y vaaaa ? s'écrit-elle impatiente. Je veux des bonbons moi !

— Il n'y a que ça qui t'intéresse ?! je m'insurge faussement

— Euh... réfléchit Samaé.

— Et moi alors ? »

Elle me fait un grand sourire et dépose un long bisou sur ma joue droite.

« Je veux y aller rien que pour être qu'avec toi papa ! J'ai hâââte !

— Je vais vous laisser alors, déclare Emma. Tu lui mets sa veste il fait froid dehors, ajoute-t-elle pour moi.

— Mais Maman on verra plus mon déguisement !

— Pas de mais ! Tu vas tomber malade sinon. »

Dans mes bras la petite bougonne et gigote pour que je la pose et qu'elle puisse bouder. Avec Emma on la regarde aller s'enfermer dans la salle de bain puisque dans mon appartement c'est la seule autre pièce.

« Elle a hérité du sale caractère d'Alia, et même du tiens, tu l'as contaminée !

— Elle a surtout hérité du tiens oui ! réplique instantanément ma meilleure amie.

— C'est pas faux. » j'approuve en souriant.

Emma me regarde longuement. J'ai l'impression qu'elle m'inspecte, mais en même temps ses yeux sont remplis de tendresse.

« Oui ? je finis par lancer.

— Je suis contente que tu ailles mieux Asher. »

Et moi donc ! Ses yeux sont embués, et je la vois se mordre les lèvres. J'ai l'impression qu'elle va pleurer. De soulagement ? J'étais à ce point un déchet ? Clairement la réponse est oui. Même moi je le sais. Après la mort d'Astéria, j'ai cherché à cacher cette douleur lancinante qui ne me quittait jamais. J'avais l'impression que si je ne la faisais pas taire, elle allait me détruire et me mettre au fond du trou. Finalement je me suis m'y moi-même, en buvant tous les soirs, toutes les journées, sans arrêt... Si la douleur commençait petit à petit à être moins vive qu'au commencement, j'ai continué à boire pour me punir. Malgré ce que disaient les médecins, Alia ; Emma... pour moi j'étais responsable de la mort d'Astéria - je le pense encore certain jour- et je méritais de souffrir encore et encore et encore. Je buvais, et je couchais, je cherchais à oublier et à souffrir en même temps. J'étais perdu. Je m'énervais pour un rien. J'étais méchant. J'étais toxique. Je souffrais plus que jamais je n'aurai cru pouvoir être capable de souffrir. Mais je faisais souffrir les autres avec moi. J'ai pris cette douleur et je l'ai transformé en excuse pour justifier mon comportement alors qu'il était intolérable. Emma souffrait, certainement même plus que moi mais elle a tout fait pour se rétablir malgré son coeur brisé. Contrairement à moi elle n'a jamais fait de mal à personne. Et je n'en ai pris conscience que lorsque tous mes proches m'avaient fui. Lorsqu'Emma a menacé de faire comme eux. Alors oui clairement, j'étais plus qu'un déchet, j'étais un monstre.

Des Cendres sous les CieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant