LE TOURNESOL D'ARGENT

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Les flocons de neige tombaient lentement, sans un bruit, derrière la vitre de la fenêtre. L'air glacial avait flouté les carreaux, comme si la maison devait se retrouver isolée du reste du décor.

Il était seul. Comme d'habitude.

Assis dans son large et confortable fauteuil, les jambes et le bas de l'abdomen recouverts d'une épaisse couverture de laine soyeuse, il attendait que l'heure tourne. La réunion avait lieu en début d'après-midi, mais à cette heure de la matinée, il avait encore le temps. Il pourrait s'occuper, regarder peut-être le soleil se lever et étendre son aura dorée sur le manteau de neige qui recouvrait intégralement le paysage. Ou pas.

Ivan Braginsky soupira en ramenant la couverture à lui. Pensif, il jeta un coup d'oeil vers un coin de la pièce. À côté du feu crépitant, dont les flammes délicieusement brûlantes léchaient la pierre grise de la cheminée, en-dessous d'une lampe artificielle, il y avait ce pot qui n'avait jamais bougé depuis sa mise en place. De sa terre sortait fièrement un tournesol aux pétales jaune vif. Ce petit soleil au cœur sucré illuminait les journées d'Ivan lorsque l'astre gigantesque omettait de remplir sa tâche la plus nécessaire. La seule chaleur qui réchauffait la peau d'Ivan, c'était celle d'un feu qu'il avait lui-même créé dans sa maison.

« Comme j'aimerais visiter les pays du Sud », songeait-il avec une profonde nostalgie. « Les plages, les forêts tropicales... la chaleur, la mer, le ciel bleu... les animaux, les insectes, et beaucoup de gens qui parlent bruyamment et s'amusent... »

Ivan porta son attention sur les flocons qui tombaient. Il soupira tristement une nouvelle fois. Personne ne verrait la solitude qui étreignait son cœur à cet instant, car il allait accrocher son sempiternel doux sourire sur son visage pour la réunion.

Se laissant porter par une douce torpeur, comme entrant en hibernation, Ivan ferma les yeux lentement après avoir une dernière fois regardé son tournesol adoré.


Russie...


Ivan Braginsky arborait, comme à son habitude, un grand manteau beige scellé par des sangles sur le côté droit de son torse et décoré d'une médaille en forme d'étoile. Un long pantalon vert olive, de hautes bottes et de gros gants en cuir sombre complétaient le tableau. Il ne se séparait jamais de sa longue et chaude écharpe blanche, qui dissimulait la partie inférieure de son visage rond et enfantin. On ne voyait alors que son nez proéminent, ses doux yeux d'un mauve léger et ses cheveux ébouriffés d'un blond pâle tirant sur le beige. Ivan Braginsky ressemblait à un enfant d'un bon mètre quatre-vingt dont les épaules larges ne passaient pas toutes les portes.

L'homme avançait lentement dans la neige, fendant la marée floconneuse avec ses bottes qui avaient marché dans le sang des innocents. Il souriait malgré les tremblements de son corps grelottant.

« Je vais arriver en retard, les autres vont vraiment s'énerver après moi... »

Il distingua la prochaine étape de son périple qui le menait vers la salle de réunion des Nations. Alors qu'il tâchait d'accélérer le pas pour ne pas se mettre en retard, il entendit un tintement de clochette. Il semblait lointain, léger comme un battement d'aile de papillon, et incroyablement éthéré. Mais il résonna si fort en lui qu'il ne put l'ignorer. Par ailleurs, personne ne venait jamais dans cette région reculée et glaciale de la Sibérie où seul lui pouvait vivre. Partagé entre la surprise et la crainte, Ivan suivit timidement le son, se guidant à son intensité croissante.

Puis, il arriva au cœur de cette forêt qu'il connaissait si bien, devant cette cascade qu'il connaissait si bien. Au milieu des buissons, la petite cascade incrustée dans la roche ne produisait qu'un doux glouglou continu.

Le tournesol d'argent - HetaliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant