Gaétan
Il est 23h30 lorsque je fais claquer la porte et dépose mes clefs sur la petite commode en zinc. Le duplex est plongé dans le noir et il n'y a aucun signe de vie hormis à l'étage où je perçois la faible lueur de son atelier. Elle a décidé de jouer avec mes nerfs ma parole. A tous les coups, Louise est à son établi en train de façonner de nouvelles créations, son casque vissé sur la tête. Je lui ai déjà dit cent fois de se fermer de l'intérieur quand elle travaille mais elle n'en fait qu'à sa tête, foutu carafon ! Si quelqu'un essaye de rentrer, elle ne capterait rien avec sa musique à fond la caisse. Je fais craquer mes cervicales pour soulager la tension dans mes épaules. Vivement que tout ça se termine, l'exposition arrive à grands pas et j'ai hâte d'en finir avec ces journées à rallonge. Je décide de la rejoindre et monte l'escalier en colimaçon pour accéder à la mezzanine. Bingo, comme prévu je vois ses boucles blondes se balancer légèrement au gré de la musique. Elle me fait dos et semble plonger dans ses conceptions, un fer à souder à la main. Je m'approche lentement de son établi et me baisse doucement pour l'embrasser dans le cou. Elle sursaute instantanément lorsque mes lèvres se posent au creux de son cou.
— Oh putain tu m'as fait peur ! s'écrie-t-elle en se retournant vers moi, les écouteurs encore sur les oreilles.
Je croise les bras sur ma poitrine pour lui afficher clairement mon mécontentement. On dirait qu'elle en a strictement rien à cirer de ce que je peux lui dire. Elle se balance maladroitement de droite à gauche sur son siège à roulettes cherchant désespérément ce qu'elle a bien pu faire de mal. Elle se fout véritablement de moi... Autant parler à un mur ! Et après c'est moi qui passe pour le méchant, c'est trop facile.
— Quoi ? me demande-t-elle avec affront.
J'essaye de prendre sur moi pour ne pas faire éclater une énième dispute même si j'en ai ma claque.
— Tu as encore oublié de fermer ! m'exclamé-je d'une voix basse mais menaçante.
— J'ai oublié.
— Bordel, c'est pourtant pas si compliqué ?
Je lisse mes cheveux en arrière pour m'empêcher de partir en vrille. Pas comme la dernière fois. Tout, sauf comme la dernière fois. À mesure que le temps passe, je vois bien que quelque chose s'est cassé entre nous. Quelque chose que je ne sais pas comment réparer. On se prend souvent la tête mais ces derniers temps ça a pris des proportions démesurées, pour des broutilles en plus. On dirait juste qu'elle n'en a plus rien à foutre et ça me rend marteau.
— J'y penserais la prochaine fois, ajoute-t-elle avant de retourner à ses breloques.
— Arrête de dire des conneries, ne fais pas de promesses que tu ne peux pas tenir !
Je redescends avant que ça ne vire à l'orage. Tout ce que je veux, c'est pouvoir rentrer chez moi tranquille et profiter de ma nana avant de me coucher. Est-ce que c'est trop demandé ? J'avais faim mais ça vient de me couper l'appétit. Je m'étais promis de ne pas taper dans mes doses pour le week-end mais j'ai besoin de me relaxer. Je fouille dans le tiroir de la commode à l'entrée et en sort un petit sachet transparent. Il me reste encore quelques grammes ça devrait le faire même si je suis short ce mois-ci. J'attrape un dvd pour préparer ma tambouille puis m'installe dans notre grand canapé face à la télé. Je libère un peu de poudre en tapotant doucement. J'extirpe mon porte feuille de la poche arrière de mon jean et sors une carte d'abonnement avec laquelle je trace deux petites lignes brunes. Mon cerveau jubile d'avance de cette dose de joie éphémère que je vais sniffer. Comme si j'avais d'autres choix. Je laisse ma tête basculer en arrière sur l'assise et fixe le plafond tandis que l'héroïne commence à faire son effet. Mes sens stimulés par la dope, je repère d'emblée le bruit des jolies gambettes de ma princesse sur les marches. Ah elle se décide enfin à me rejoindre ! Finalement la soirée ne sera peut-être pas si pourrie que ça...

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Hurts so good
RomansaPas d'attaches, pas de contraintes. Tel est le mantra de Marek Saulnier. S'endetter sur vingt ans pour un pavillon en banlieue entouré d'une flopée de marmots n'a jamais été dans ses plans. Lui préfère vivre l'instant présent et profite de chaque o...