Stormaven , ma ville.Elle s'étend sous mes yeux comme une toile vivante, drapée des ors et des pourpres du crépuscule.
Depuis la vitre du véhicule, je contemple son éclat, comme si je la redécouvrais après une éternité d'absence. Le soleil déclinant embrasait les toits et les ruelles puis dessinait des ombres allongées sur les pavés que je connaissais par cœur.
Les bâtiments aux tours modestes se pressaient les uns contre les autres. Je souris doucement.
Je laisse mon regard errer sur ces ruelles qui m'ont tant manqué, et bientôt, mes yeux furent attirés par une boutique bien particulière : celle de Monsieur Chasden.
L'enseigne, fatiguée par le temps, oscillait légèrement sous la brise du soir.
Derrière la vitrine, je savais que le quarantenaire au regard rusé et à l'allure faussement débonnaire, m'attendait toujours avec cette lueur de malice dans les yeux. Il avait une manière bien à lui de me retenir dans sa boutique en jouant avec une corde sensible que lui seul savait toucher : la foi.
Avec un talent certain, il orientait nos conversations vers Jésus.
Il savait que, sur ce terrain-là, ma curiosité ne faiblissait jamais, et ainsi, sans que je le réalise pleinement, nos débats se terminaient toujours de la même manière, par un achat, même anodin, qui semblait sceller une forme d'accord tacite entre nous.
Un sourire fugace effleura mes lèvres encore une fois tandis que la voiture poursuivait son avancée.
La ruelle de gauche apparut enfin, celle qui menait jusqu'à mon immeuble.
À mes côtés, le prince restait concentré sur mes indications et ne laissait échapper ni parole ni émotion.
Il semblait étranger à cette ville et détaché de son âme, tandis que moi, je la respirais à pleins poumons.
Puis, soudain, mon immeuble apparut.
Un frisson me traversa.
Une vague de souvenirs me heurta de plein fouet.
Quatre mois. Voilà quatre mois que j'avais quitté cette ville, ce refuge, pour me plonger dans un autre monde, loin de tout ce qui avait jusqu'alors constitué mon univers.
Quatre mois que j'avais abandonné ces ruelles et ces échoppes familières qui m'étaient chères.
Quatre mois que j'avais troqué la douceur d'un quotidien pour la rudesse d'une vie dictée par les exigences de la royauté.
Et maintenant, après cette longue errance, je revenais enfin.
Lorsque l'immeuble se dressa enfin devant moi, la réalité me frappa.
Je sentis mon souffle se suspendre et une chaleur douce-amère nouer ma gorge.
Mes doigts tremblants effleurèrent la vitre, comme pour toucher, ne serait-ce qu'un instant, cette ville que j'avais tant aimée et abandonnée.
Les décorations du Nouvel An et les sapins de Noël devant mon bâtiment me firent échapper un petit rire malgré moi.
J'étais enfin chez moi.
Lorsque le bruit du moteur du véhicule cessa dans un dernier ronflement sourd, je détournai le regard de mon bâtiment et de la porte d'entrée qui semblait m'attirer irrésistiblement.
Mon regard se posa sur le prince à mes côtés.
Son regard errait déjà sur chaque coin de cette ruelle les sourcils froncés. Mais sentant mon regard sur lui, il tourna la tête vers moi.

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LE PRINCE ET LA CHRÉTIENNE
RomanceTravailler au palais royal ? Ce n'était pas dans ses rêves. À vingt ans, Merveille n'avait qu'un seul objectif : réussir ses études en médecine , aider sa famille, et garder pour elle certaines blessures qu'on préfère ne pas nommer. Quand une oppor...