1. Bye bye Arizona

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Mes doigts picotent. Des frémissements remontent le long de ma colonne vertébrale. Debout face à la baie vitrée, je trépigne seule dans ma chambre. L'impatience me guète. J'inspire profondément. Il faut que je reste calme.

Le dos bien droit, je passe une main dans mes cheveux. Mes doigts tremblent un peu. Pourtant je sais que rien ne dépasse. Je suis toujours impeccable, aussi parfaite qu'une poupée sous emballage. Alors pourquoi je suis si nerveuse ?

- Stanford ? En Californie ! C'est ridicule !

Ces phrases résonnent soudain dans ma tête. Les yeux perdus dans le vague, je revois son visage au moment précis où il a compris ce qu'il se passait.

- Mais pour quoi faire ? C'est une plaisanterie.

Ce souvenir me fait serrer les poings. C'est vrai ça, pourquoi sa fille voudrait-elle aller dans une université prestigieuse, alors qu'elle remplit parfaitement ses attentes en souriant sur les photos.

Qu'il m'ait craché mes ambitions au visage, comme il sait si bien le faire, ne m'a pas étonnée, sa vision rétrograde des femmes est déplorable. Depuis le départ de ma mère, je n'ai vu défilé dans sa vie que des bimbos avides de notoriété et d'argent.

Les battements de mon cœur s'accélèrent. La sortie est juste devant moi. Je n'ai plus que quelques pas à faire. Je me vois déjà dévaler les escaliers et claquer la porte derrière moi. Alors ce n'est pas le moment de flancher. Si je montre la moindre faille, mon s'y engouffrera.

Il n'a pas arrêté de me dire que j'étais son meilleur atout auprès de ses électeurs. L'image d'une famille soudée face à l'adversité, d'un père seul et dévoué à sa fille, ses communicants l'exploitent à foison. Or cette fois, c'est moi qui allais en jouer. Comme s'opposer à lui ne sert à rien. Mon père ne cède jamais. J'avais bien préparé mon coup et vu les choses en grand

Et quoi de mieux que la réception la plus convoitée de tout Phoenix pour jouer ma dernière scène. Le bal du gouverneur, qu'il préside chaque année, rameute les personnes les plus influentes et les plus riches de l'État. Je ne voyais pas de meilleurs spectateurs pour tirer ma révérence.

Alors lorsqu'au détour d'une conversation, j'ai subrepticement lâché ma joie d'avoir été admise à Stanford, je ne l'ai pas fait devant n'importe qui. L'épouse du révérend Crawford est l'une des femmes les plus respectées de notre communauté, mais elle s'avère surtout être une incorrigible pipelette. Avant même d'être revenue aux oreilles de mon père, la rumeur de mon incroyable réussite était devenue une nouvelle officielle.

Toute la bonne société de Phoenix l'a félicité. « Oh, elle est belle et intelligente ! Que demander de plus, Charles. Vous devez être si fier. » « La digne fille de son père, n'est-ce pas ? » Il lui était impossible de me barrer la route après ça. Même la presse s'était emparée de la nouvelle.

A cet instant, je jubilais tout en ressentant la même nervosité qu'en ce moment. La peur qu'une chose imprévue vienne tout gâcher. Avec lui, il ne faut jamais baisser sa garde. Je me devais de jouer mon rôle à la perfection. Contrôler mes gestes, chaque mot qui sortait de ma bouche.

- Père, c'est une incroyable surprise. J'ai postulé sans grand espoir, ai-je-dit en baissant les yeux, la tête légèrement penchée.

Pleine d'humilité et de soumission. S'il savait toutes les heures que j'ai consacrées à étudier pour n'obtenir que de justesse les résultats nécessaires à mon admission, il aurait été sidéré. Sans parler des lettres de recommandation récoltées en douce auprès de son entourage.

Cela fait bien longtemps que je ne me limite plus aux cours de danse, de diction, de maintien et autre polissage indispensable à ses yeux. Je me suis armée de la meilleure arme possible pour m'échapper : ma réussite.

- J'ai bien conscience que Stanford n'est pas Harvard, père, ai-je renchéri, sachant très bien qu'il y avait excellé. Mais les cours de littérature y sont excellents.

Ce n'est que lorsque j'ai mentionné ces cours de littéraire, que ses traits se sont légèrement décrispés. Comme s'il avait d'une certaine façon l'impression de ne pas perdre complètement la main. Mon père a toujours exigé que je sois capable de parler littérature, des derniers livres à la mode, lors des dîners officiels.

Comme si vivre à l'écart de la ville, dans une propriété protégée par des murs de six mètres de haut, perdue en plein désert ne lui suffisait pas. Il fallait en plus qu'on imagine sa fille lire sagement dans sa chambre.

Évidemment j'ai omis de préciser m'être inscrite en filière scientifique. J'ai juste étalé à temps un peu de pommade sur le douloureux affront qu'il venait de subir. Car je ne suivrai qu'un cours de littérature contemporaine, juste pour la forme.

Le bruit du gong qui retentit me faut sursauter. Perdue dans mes pensées, je ne l'ai même pas vue franchir le portail ! Mon sang ne fait qu'un tour. Je me précipite dans le couloir et cours la rejoindre.
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😉Histoire publiée
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Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant