3. Ma nouvelle vie

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Les cours ont commencé depuis plusieurs semaines. Déjà ! Le temps passe à une telle rapidité, quand on vit enfin sa vie. June ne s'est pas trompée. 

Notre appartement est fabuleux. Chacune a sa chambre, le salon est spacieux et la cuisine est tout équipée. Je ne m'attendais pas à un tel confort sur le campus. Mon père a encore exagéré. Notre résidence est vraiment luxueuse. Vivre ensemble, même si on ne fait que de se croiser, est un rêve éveillé. 

Entre les cours, les labos, les travaux de groupe, le rythme est intense et le niveau élevé. Pas question pour moi d'être à la traîne, alors je m'accroche et cours partout. Enfin je roule plutôt comme tout le monde ici. Pas de temps à perdre. Surtout que ce campus est immense. Parfois je m'octroie un petit détour pour admirer au passage les sculptures de Rodin.

Heureusement malgré la compétition, l'ambiance est bonne. Il ne faut pas se fier pas aux apparences, les rats de laboratoire sont cools. Edison, mon partenaire en géologie, est aussi fantasque qu'exubérant. Un vrai original. Quant à Helen, une petite rousse au visage couvert de taches de rousseur, rencontrée dans la queue des inscriptions, elle est lunaire. En voyant son masque de sommeil coincé dans ses cheveux, je me suis retenue de rire. Lorsque je lui en fis la remarque, imperturbable, elle le retira sans aucune pointe d'embarras ! En voilà une qui n'en n'a rien à faire du regard des autres. Ses petites bizarreries ne l'empêchent pas d'avoir l'esprit vif et affûté. Bien au contraire. Grâce à elle, je ne suis pas totalement larguée en modélisation. 

A passer le plus clair de notre temps ensemble, notre petit groupe s'est formé tout naturellement. Helen, Edi et moi, sans oublier le plus fort d'entre nous : l'irrésistible James. Ce garçon a tout pour lui et pas seulement parce qu'il se passionne comme moi pour l'environnement et l'agriculture bio. Sous ses airs de beau maître-nageur au sourire éclatant, James est aussi brillant qu'adorable. Ce n'est pas pour rien qu'il est la coqueluche de notre amphi. Toutes les filles craquent pour lui.

Mes seuls vrais moments de détente, je les passe avec June à déjeuner dans un des restaurants hors de prix du campus. Parfois je la récupère à la sortie de ses cours. Le bâtiment de droit n'étant pas loin de notre résidence. C'est d'ailleurs à cette occasion que je l'aie revu la première fois. Enfin plutôt vu, comme je n'avais pas pu discerner les traits de son visage sur le terrain. Je l'ai tout de suite reconnu quand il ait apparu dans le couloir bondé d'étudiants, suivi de trois autres mecs. Quelque chose dans sa façon de marcher, de bouger. Ils avançaient ensemble comme un seul corps. 

Tout le monde les regardait.

Un truc vraiment spécial se dégageait d'eux. Une sorte d'aura. Je fus stoppée nette. Prise en pleine scène d'hallucination collective, tout a ralenti. Seconde par seconde. Des filles clignaient des yeux, des têtes se tournaient, des chuchotements et des soupirs se répondaient. L'air était devenu électrique. Ils chahutaient et plaisantaient entre eux sans prêter attention au reste du monde. Surtout le beau blond élancé à la peau bronzée et à l'œil malicieux. Il n'arrêtait pas de faire son show. Le grand ténébreux derrière lui n'hésitait pas à le tacler. Quant au plus impressionnant d'entre eux, tant par ses proportions hors du commun, une véritable armoire à glace, que par l'étonnante douceur qui émanait de sa personne, il semblait préférer rester en retrait. Pas besoin d'en faire des caisses avec un telle carrure. En tout cas leur complicité sautait aux yeux.

Même entouré de ses acolytes, tous canon au demeurant, ce qui peut sembler étrange, il se détachait du lot. 

Je ne regardais que lui et j'étais loin d'être la seule. J'admirais, soufflée, sa beauté d'une perfection irréelle. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si beau. Car il l'est. C'est un fait. Sous son attirail rembourré de footballeur, je n'avais pas remarqué sa silhouette élancée, ses épaules larges, sa taille fine et ses muscles ciselés. Un vrai corps de rêve. Je sais, je le reluque comme un vulgaire bout de viande, mais il est vraiment très appétissant. Même pour une quasi végétarienne. 

Sur le terrain comme dans ce couloir bondé, il maîtrise l'espace d'une démarche fluide et assurée. Il ne regarde personne en particulier mais semble étrangement à l'affût. Je crois qu'il a des yeux verts. Difficile à dire, tant son regard est insaisissable. Son visage émacié, sa mâchoire carrée, sa peau hâlée lui donne un air doux et ténébreux à la fois. Ce n'est pas humain d'être aussi beau.

Depuis, je l'ai croisé à de multiples reprises. C'est toujours le même cirque. Seul ou accompagné, les gens l'observent avec admiration et s'écartent pour le laisser passer. J'évite pour ma part de trop le regarder, plutôt mourir que de ressembler à une de ses groupies. Je jette juste un coup d'œil rapide. Je remarque parfois un nouveau détail. La fossette qui se forme sur sa joue gauche quand il sourit ou son air de rockeur quand sa mèche est coiffée en arrière. 

Mais je n'ai toujours pas vu ses yeux, dissimulés la plupart du temps derrière des lunettes de soleil. Parfois certaines filles tentent des approches plus directes. Sans grand succès. Il semble peu réceptif à leurs minauderies. Ne sont-elles pas assez bien pour lui ? Ou est-il simplement blasé ?

Quant à moi, je me réjouis de ne plus faire l'objet d'attentions particulières, de n'être qu'une fille parmi tant d'autres. Enfin c'est ce que je pensai. 

Avant de le repérer. Le pire c'est qu'il ne cherchait pas à être discret. June et moi n'avions même pas encore posé nos bagages qu'il rôdait déjà aux abords de ma résidence avec sa panoplie de GI Jo endimanché : costume sombre, lunettes de soleil et attitude de gros dur. Je n'ai pas vraiment été surprise. Une partie de moi s'attendait à un tel coup de sa part. Mais ça fait mal de savoir que mon père ne me laissera jamais tranquille.

Son avertissement est clair et sans appel : Ma princesse, je te surveille.

Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant