Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)

7. Hot boy

J'ai hyper mal dormi et pour couronner le tout me voilà en train de courir pour assister à ce foutu cours de littérature. Je ne peux pas me permettre d'en rater un de plus, sans risquer la radiation.

Je ne veux pas imaginer la tête que j'ai quand j'enfourche mon vélo et trace à toute vitesse à travers le bâtiment de littérature. Mais sans mon café du matin, je manque cruellement de carburant pour avancer.
Je ne dois pas être belle à voir. Au-moins avec ma combi-short, rapide à enfiler, je ne me sens pas totalement immonde.

A l'approche de ma salle, haletante et en nage, je suis soulagée de voir un attroupement d'étudiants devant la porte. Le prof doit être en retard. Je respire et reprends enfin mon souffle.

Mais entrer dans l'amphi s'avère plus compliqué que prévu. Un mur de filles barre le passage. Je tente discrètement de me faufiler, de me frayer péniblement un chemin entre elles, mais je suis comme assaillie par un essaim de guêpes excitées, évitant tant bien que mal de prendre un coup au passage dans les côtes. Quand je réussis enfin à m'extirper de cette cohue, encore pliée en deux, j'aperçois son jean, puis son t-shirt blanc et enfin lui, dans son entier, tranquillement adossé au mur.

X profite du divertissement qu'offrent ses admiratrices en émoi. Capuche relevée sur la tête, sourire en coin, il semble plutôt satisfait. Enervée par cette scène ridicule, je ne peux pas m'empêcher de faire une réflexion. C'est sorti tout seul.

—     Ce serait possible de passer ?!  Merci.  Il est un peu tôt pour draguer, non ?!

Sans même jeter un regard dans ma direction, X continue d'écouter les babillements incessants des filles agglutinées autour de lui.
J'ai été prodigieusement snobée. Quel con ! Et son sourire de charmeur est juste insupportable.

A peine ai-je le temps de m'installer que le prof embraille directement avant même d'avoir atteint l'estrade.

—     Vos copies sont plutôt décevantes dans l'ensemble, lance-t-il.

X lui ne se presse pas et s'assoit seul au bout d'une rangée. Quant aux filles, elles s'éparpillent dans tout l'amphi. Tiens, personne pour lui tenir compagnie ?  

—     Les deux tiers de la classe ont de sérieux efforts à fournir s'ils veulent obtenir la moyenne.

J'écoute distraitement ce que raconte le prof jusqu'à ce qu'il mentionne une copie qui sort du lot. Je me suis plutôt sentie inspirée par le sujet. J'espère qu'il parle de mon travail.

—     Heureusement qu'une composition m'a permis de ne pas perdre totalement mon temps, dit-il l'air blasé. Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu une analyse aussi pertinente. Je vous félicite Mr Hugues, votre argumentation est très intéressante.

Raté pour moi. Mais quand je vois tous les regards se tourner vers lui, j'hallucine.

—     Quant aux autres, tout n'est pas encore perdu. Vous bénéficiez de mon indulgence de début d'année. Je vous offre la possibilité de vous rattraper. Suivez attentivement mes instructions notées sur votre copie, dit-il en plaçant sa main sur le tas qui nous attend sur son bureau. Je ferai la moyenne des deux.

X semble ne pas prêter attention aux commentaires élogieux du prof. Rien ne transparaît. Ni fierté, ni gêne. Il reste impassible. Fausse modestie ou ego sur dimensionné ? Je penche pour la deuxième option.

Un D ! « Bonne argumentation mais en partie Hors Sujet, j'attends votre analyse sur les trois principaux points développés par Mr Hugues. » Mais qu'est-ce que c'est que ces conneries ? Un Hors Sujet ? N'importe quoi. Je m'y connais en auteurs amérindiens et leurs mythes. Je ne peux pas croire que la fille qui m'a texté le sujet ait oublié une partie de l'intitulé ! Et qu'est-ce que c'est que ce sujet de rattrapage ?! Il se fout de moi ?!
Je panique légèrement et me précipite pour rattraper le prof dans le couloir.

—     ­Monsieur, dis-je en courant derrière lui, je suis vraiment désolée de vous déranger, mais je ne comprends pas bien vos instructions. Je ne peux pas travailler en fonction de la copie d'un autre étudiant. Je ne le connais même pas et je ne pourrais pas...Il m'interrompt en levant sa main de façon martiale. 

—     Mademoiselle, vous perdez votre temps si vous espérez m'amadouer. Je ne négocie jamais. Bonne journée. 

Je n'en reviens pas, il ne s'est même pas arrêté. Et merde. On peut dire que cette journée commence vraiment mal. En voyant deux filles passer devant moi, j'entrevois une petite lueur d'espoir.

—     Alison ! Tu vas bien ? dis-je d'une voix légèrement mielleuse en les rattrapant.

Quand je pense que cette fille m'a refilé un mauvais sujet. Elle se retourne ainsi que la grande rousse à ses côtés.

—     Désolée pour tout à l'heure, je n'étais pas très bien lunée. Je manque de sommeil. Cette nuit, un abruti s'est amusé à réveiller tout mon étage en faisant crisser je ne sais pas trop quoi contre le mur.

—     Oh, tu es à la résidence Munger ! s'étonne la grande rousse.

—     Oui, vous êtes déjà au courant ?

—     C'est sur les réseaux. Ça devait être plutôt flippant le remake de Freddy Kruger, les griffes de la nuit, plaisante-t-elle.

—     Ouais, je n'avais pas vu les choses sous cet angle, dis-je. Je préfère la version avec Wolverine.

Freddy trucidait ses victimes la nuit dans leurs rêves. Bon changeons de sujet, elle commence à m'angoisser.

—     J'ai plutôt raté mon devoir, dis-je sans savoir comment m'y prendre.

—     T'es pas la seule, se plaint Alison. Je dois tout recommencer.

—     Je suis désolée pour toi.

—     Ouais, en plus je suis juste ce cours pour faire bien sur mon curriculum vitae. Pas pour me prendre la tête. J'ai d'autres trucs à faire que de plancher sur les chants Navajo.

—     Ce n'est pas moi qui te contredirais, surtout que je suis vraiment mal partie pour me rattraper. Le prof me demande un truc bizarre, dis-je sous le ton de la confidence. Je dois travailler à partir de la copie d'X.

—     Trop cool ! lance la rousse tel un cri du cœur, les yeux remplis d'étoiles.

Elle est sérieuse ?

—     Sauf que je ne le connais pas et je me vois mal aller le voir la bouche en cœur alors que je n'ai pas vraiment été très aimable ce matin. Je me disais que peut-être, je les regarde implorante, vous pourriez lui emprunter sa copie pour moi ?

Elles se ferment tout à coup.

—     On ne le connaît pas assez pour ça, précise Ali. On va juste aux fêtes de sa fraternité, c'est tout. 

—     Sans vous, je suis foutue.

—     Bon, ok, il y a une fête ce soir, annonce la rousse. On lui demandera.

—     Génial, dis-je hyper soulagée, c'est vraiment sympa. Vous m'enlevez une horrible épine du pied.

En échangeant nos numéros avec la rousse qui s'appelle Deborah, j'ajoute sans en avoir l'air :

—     Pas la peine de préciser que c'est pour moi. Vous n'avez qu'à lui dire que vous aimeriez lire et je cite le prof en ouvrant des guillemets « son analyse si pertinente ». Enfin vous voyez, un peu de flatterie aide toujours...

—     Je vois, répond Deborah. Tu ne le connais vraiment pas.

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mon nom d'autrice : Elisa Monte Corvo