La maison. (pensées)

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J'aurais vraiment aimé avoir un appareil connecté à mes pensées et qui écriraient chacune d'entre elles, du moins les pensées "conscientes", sans oublier le moindre mot. Avant, j'adorais écrire, je passais ma vie à ça, j'inventais des histoires, j'écrivais mes pensées, mes questions, j'écrivais tout simplement. Maintenant, dès que je me trouve devant une feuille c'est comme si ma tête se vidait, plus un mot ne me vient à l'esprit, ce n'est plus juste la page qui est blanche, c'est mon esprit. Pourtant, il m'arrive très souvent de penser à des choses intéressantes, d'inventer des histoires farfelues pour trouver le sommeil, de me faire des débats sans fins avec de très bons arguments en plus d'une belle éristique. Il m'arrive souvent de penser et de me mettre à un certain moment à me dire que si je pouvais écrire ce qui se passait dans ma tête le résultat final serait agréable. Pourtant, dès que je me trouve devant une feuille de papier, le stylo à la main, prête à enchaîner les mots et les phrases qui se bousculaient dans ma tête quelques secondes auparavant, c'est le néant. Plus rien ne vient, plus un mot, plus une lettre. Je n'arrive même plus à me souvenir de ce que je pensais si intéressant pour vouloir l'écrire. C'est le vide total dans mon être, un vide qui aspire mémoire et idées sur son chemin. Un vide qui aspire ma conscience.

Alors je me contente de poser mon stylo et de vaguer à mes occupations, le coeur serré car je me rends compte que ce que j'aimais tant avant, ce qui était ma plus grande passion, ce qui était le don inné que j'avais reçu à la naissance, ce qui me plaisait tant, ce qui me relaxait, ce à quoi j'étais forte n'existait plus. On m'a répété encore et encore que ce n'était qu'une phase et que ça reviendrait mais les années passent et le nombre de fois où je me suis posée devant cette maudite feuille dans l'espoir de pondre quelque chose qui me plaira une nouvelle fois augmente, sans jamais fonctionner. Les moments passent et mon esprit et mon corps me persuadent que ce don qui m'était autrefois si précieux et si unique a disparu. Que cette passion avec laquelle j'étais née s'était faites dévorée par la dépression. Cette foutu dépression qui a grignoté chaque chose de mon être, chaque chose qui me faisait sourire et me rendait heureuse, chaque souvenir m'apportant de la joie et enfin chaque chose dont j'étais capable et/où je me sentais forte, où je me sentais originale, où  je me sentais capable. Chaque chose que je savais mieux faire qu'une personne commune.

Cette dépression m'a tuée. On me soigne, pourtant, et on me soigne bien, je le vois par la différence entre celle que j'étais il y a quelques années et celle que je suis maintenant, que ce soit dans la manière de penser et surtout dans la manière de vivre. Mais malgré tout cet acharnement pour me guérir, je reste persuadée que me guérir n'est pas possible. M'aider est probablement faisable mais pas me guérir. Car la dépression s'est ancrée en moi dans un moment précieux, elle s'est installée et a grandit au même moment où je grandissais moi-même, à ce moment propice où je me construisais. 

L'adolescence est sûrement la période la plus signifiante de notre vie car c'est dans ses quelques années qu'on se battît, qu'on installe nos bases. C'est comme une maison, et l'adolescence est le moment où on coule les dalles qui feront tenir cette maison par la suite. Ces bases nous suivront toute notre vie et seront ceux sur quoi notre personnalité entière reposera, ce qui englobera nos croyances, nos préjugés, nos pensées, tout de nous.

Et lorsque la dépression vient s'installer à ce moment, elle fait entrave à ces bases, les obligeant à se mélanger à elle et dérangeant leur construction normale. La dépression devient, en elle-même, une base. Ainsi, mes bases auraient dû être celle d'une personne banale, mes fondations auraient du se composer de rêves, d'ambitions, de défauts normaux et de pensées communes. Ces bases auraient dû ressembler à celle de toutes les autres. Mais ce ne fut pas le cas car mes bases se sont créées tout en étant dérangée par un élément perturbateur dans le pire des sens. Un élément sombre qui dévore tout sur son passage. Ainsi, alors que la plupart des gens grandissent en ayant cette capacité propre à l'Homme de se projeter dans l'avenir pour fonder leur essence, je grandis en ayant une cécité totale quant à ce qui m'attend, non pas parce que je n'en suis pas capable mais parce que j'ai grandi en étant convaincue que je ne vivrais pas après mes 20 ans. J'ai grandie en était persuadée que ma vie serait si courte que je ne connaitrais pas ce futur qui attend le monde, que je ne passerais même pas le cap du travail ou pire, celui des études. Les gens grandissent en ayant une certaine compréhension de la réalité, en ayant des buts et en tentant chacun à leur vitesse et par leurs moyens de les atteindre, les gens grandissent en ayant des habitudes, en se levant le matin sans se poser de questions et en accomplissant des taches logiques et simples sans vraiment d'effort. Je pense que c'est le plus important dans ces fameuses bases. C'est le fait qu'on vit la vie sans vraiment se poser de questions. Sans vraiment devoir faire d'effort. Mais mes bases ne ce sont pas mises en place de cette manière ordinaire car elles ont été enterrée par cette connerie qu'est la dépression. J'ai grandis avec une incompréhension totale à la vie et à tout ce qu'elle contient, la réalité, le monde, les gens... J'ai grandie sans réussir à comprendre ce qui m'entourait et j'étais juste envahie de questions absurdes sur toutes ces choses qui composent la vie, envahie de questions si simple que personne ne se les pose, ou au contraire si compliquée que les gens savent qu'il n'est pas important d'y penser. J'ai grandie en étant envahie par des choses qui ne touchent pas les gens basiques. J'ai grandie avec une conscience épuisante, avec des pensées qui déambulaient dans mon esprit d'une si grande vitesse que j'en finissais malade physiquement. J'ai grandie en me levant le matin et en me demandant pourquoi, en ayant tant de difficultés à faire la moindre tâche si facile qu'elle soit qu'on m'aurait jugée comme fainéante alors que mon esprit est en réalité un barrage à tout. C'est comme un rondin de bois en plein milieu d'une route, il m'empêche de vivre la vie comme elle devrait être vécue. J'ai construis mes bases sur un terrain bancal. J'ai grandie en étant si éloignée du concept de la vie que je n'ai jamais réussi à l'assimiler, la comprendre, et donc l'appliquer. Car mon idéologie n'est pas basée sur la vie comme elle devrait normalement l'être mais au contraire sur la mort. Mon point de départ part d'une idée sombre et inhabituelle; mon point de départ est la mort. La dépression a parsemée mes pensées avec l'idée que la mort est naturelle, mais pas dans le sens où elle est obligatoire et correspond au cycle de la vie mais dans le sens où elle est omniprésente dans mon esprit. Dans le sens où elle est plus normal à mes yeux que la vie ne l'est. Dans le sens où je suis capable de comremdre la mort mais pourtant incapable de comprendre la vie. J'ai grandie en pensant à la mort bien plus souvent qu'à autre choses, en pensant que c'était la seule chose logique dans ce monde dans lequel j'étais née. Les autres grandissent en fêtant chaque année comme une nouvelle année de vie,  j'ai grandie en fêtant chaque année comme une année de moins.

Et c'est un problème bien difficile à réaliser pour le commun des gens, ce problème qui est que mes bases sont fondées sur l'idée que la mort est naturelle, car on ne s'en rend pas compte mais à 14 ans ce n'est pas normal de penser que la mort est logique et qu'elle est plus appelante que la vie ne l'est. C'est bien difficile à expliquer, et vous devez sûrement vous demander, comment peut-on ne pas comprendre la vie? C'est tout de même la chose la plus innée chez l'Homme. C'est la plus naturelle car c'est ce qui le définit, c'est ce que l'humanité cherche à préserver et à chérir, c'est ce qu'on regrette quand on s'apprête à mourir: "J'aurais du profiter de la vie" disent les mourants sur leur lit de mort. Alors pourquoi serais-je différente sur ce point? Pourquoi, alors que c'est le concept le plus commun, essentiel et immédiat de l'homme, je m'en détacherai? Mon hypothèse reste la même, je crois très sincèrement que grandir avec la dépression à dérangé le cours naturel de mon évolution en tant qu'être vivant doté d'une conscience. Cela m'a fait basculer, je suivais gentiment un chemin commun à tous quand la dépression m'a poussée hors piste, m'obligeant à avancer sans route, me laissant perdue dans une forêt inexplorée, me poussant à aller si loin que le droit chemin disparaîtrait totalement de mon monde. La dépression m'a obligée à me créer mon propre monde au lieu de suivre ceux des autres et je me suis retrouvée perdue dans une immensitée inconnue de moi et de tous, faisant en sorte de ne jamais trouvée de réponses à mes questions car personne n'aura jamais mit les pieds là où je suis, faisant en sorte de me laisser courir partout en quête d'une route qui n'existerait pas. Vous ne pourrez malheureusement jamais comprendre ce que c'est que d'être dans un monde sans vous sentir à votre place. C'est comme si je n'appartenais pas à cet endroit voire à cette vie. Comme si j'étais une erreur, une anomalie de la vie, quelque chose qui n'aurait jamais dû être, pour la simple raison que je ne correspond pas à ce qui m'entoure. Je n'aurais peut-être pas dû naître, peut-être que je suis vraiment une de ces erreurs de la nature qui arrive de temps en temps car la nature est faites de telle sorte qu'elle crée les choses de manière à ce qu'elles correspondent quasi-parfaitement dans un ensemble d'autres choses. Mais parfois elle a aussi le droit à l'erreur., parfois, elle se trompe dans sa création et mets au monde quelque chose qui n'est pas en symbiose avec son environnement, quelque chose qui n'y correspond pas. 

C'est un sentiment bizarre, de se dire qu'on ne correspond pas ici, qu'on est pas supposé être ici. De croire que cette chose qui est la plus importante chose de l'humanité n'est pas faites pour vous. Et c'est encore plus étrange car cela te fait te demander tellement de choses, tu te demandes pourquoi tu ne peux pas être comme tout le monde, pourquoi la vie n'est pas faites pour toi, pourquoi  tu es ici si tu ne devrais pas. Tu te demandes comment c'est possible d'être comme tu es, d'être en vie sans vivre, et comment les autres gens ressentent, pensent et vivent. Tu te poses tellement de questions qui ne peuvent pas être répondue, et crois moi, c'est épuisant. Car même si tu sais que ça n'a pas de sens, que tu n'auras jamais de réponse et que tu devrais juste continuer à vivre comme une personne normale, tu ne peux pas t'arrêter. Chaque fois que tu ouvres les yeux le matin la première chose qui s'installe dans ton esprit est, pourquoi est-ce que tu ne peux pas simplement vivre?

J'ai grandie en pensant que la mort était normale, alors malgré tout les efforts que le monde tentera de faire pour me guérir, ce n'est pas quelque chose de possible. J'ai créée ma personnalité profonde sur des bases rendues instables par une maladie morbide, et je ne pourrais plus jamais changer ces bases. Peut-être la préoccupation ne devrait pas être sur me guérir mais plutôt comment m'intégrer au concept de la vie. Peut-être  faudrait-il m'apprendre à trouver la vie aussi normale que la mort ne l'est à mes  yeux. 

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Extrait d'histoire (FR)Where stories live. Discover now