Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)

15. Quand ta vie bascule dans l'horreur

          
Je comprends pourquoi on ne se bouscule pas ici. Ces toilettes sont vraiment répugnantes. Une odeur nauséabonde et rance flotte dans l'air. Après m'être passé de l'eau sur le visage, je me sens déjà mieux. Je me regarde dans le miroir en m'essuyant les mains. Je suis plutôt fière de moi. Je ne l'ai pas raté ce bourrin. Le sourire qui se dessine sur mon visage se fige à la seconde où j'aperçois une silhouette se refléter dans le cadre. Un frisson glacé me parcourt l'échine avant que l'horreur de la situation ne me frappe violemment. L'inconnu du bar est derrière moi. Il ne dit rien. Les dernières filles présentes sortent. Je me retrouve seule avec lui. Il me regarde avec ce même regard libidineux et malsain.

—     Ta danse m'a beaucoup plu, dit-il d'une voix sirupeuse.

L'espace de quelques secondes, tout semble s'assombrir autour de moi. Révulsée par ses paroles et son regard excité, je tords la serviette que j'ai entre les mains et la jette aussi calmement que possible dans la poubelle. Je sais que je ne dois pas lui montrer ma peur mais les mouvements nerveux de mon corps son incontrôlables. J'évite de le regarder en me retournant et me dirige vers la sortie.

—     Tu veux déjà partir, prononce-t-il lentement, comme un défi. Ce serait dommage, on est tranquille ici.

A ces mots, une lame d'angoisse me transperce. Ses yeux sont vides. Sa bouche déformée par l'anticipation de ce qu'il va se produire me fige sur place. Il va me faire du mal.

—     Mes amies m'attendent, dis-je sans bafouiller, mais sans assez d'assurance pour lui tenir tête.

Pourquoi personne ne rentre ? Des toilettes de filles vides dans un bar où des litres de bières coulent à la minute, ce n'est pas possible ! C'est un cauchemar ! Quelqu'un va forcément entrer. Comme s'il venait de lire dans mes pensées, il appuie sur la poignée pour la casser et voile la porte. Je suis coincée. Il se rapproche lentement de moi.

—     Tu m'as bien allumé tout à l'heure.

J'ai envie de pleurer en entendant ces paroles. La terreur comprime ma respiration.

—     T'es chaude et j'aime ça.

Je n'ai rien pour me défendre. Rien à lui jeter à la tête. Je suis foutue. Je n'ai pas le temps de tenter quoique ce soit qu'il se jette sur moi. J'essaie de l'esquiver mais il m'attrape brutalement par la taille, me plaque contre le lavabo et me bloque avec son corps. Je me débats de toutes mes forces. Sans aucun résultat. Mes gestes sont chaotiques. D'une main, il agrippe mes fesses et me serre contre lui, de l'autre il immobilise mes bras en les tordant dans mon dos. Je ne peux plus bouger. Je suis comme prise dans un étau. J'ai envie de crier. Mais aucun son ne sort de ma gorge. Quand je sens sa langue dans mon cou, je tente désespérément d'atteindre son entre jambe.

—     Je ne suis pas le gamin de tout à l'heure. Tu sens que tu es avec un vrai mec, dit-il le visage déformé par l'excitation en remuant son bassin de façon obscène.

Il presse son sexe contre moi et se frotte. Quand on tape à la porte, il plaque sa main sur ma bouche. J'en profite pour le griffer. Il gémit de douleur et me frappe à la tête. Je suis sonnée mais continue de l'attaquer comme une furie chargée d'adrénaline. Lorsqu'il cherche à poser à nouveau ses lèvres sur moi, un bruit résonne dans la pièce. Son corps est propulsé en arrière et projeter violemment contre le mur. Mes jambes ne me soutiennent plus. Je n'ai plus aucune force et perds soudain l'équilibre. Je me sens tomber, mais avant de toucher le sol, un bras robuste me rattrape. Je lève la tête et reconnais X. Il dit quelque chose mais je ne l'entends pas. Je suis comme dans du coton. Je ne ressens plus rien. Je ne comprends plus rien, ne sens plus rien. Je suis vidée et mon corps tremble. X soulève lentement mon visage vers lui, son regard est doux et rassurant.

—     Saskia, c'est fini. Tu es en sécurité. Regarde-moi. Ne regarde rien d'autre.

Je lève les yeux vers lui. Je claque des dents. X prend délicatement mon visage entre ses mains.

—     C'est ça, maintenant, concentre-toi sur ma voix et respire. Tu ne crains plus rien. Je suis là. Inspire plus profondément et expire. Encore une fois.

Je fais ce qu'il me dit et retrouve progressivement des forces.

—     Tu t'es bien défendue. Inspire, expire. Tu as été vraiment forte mais ce pourri ne t'a pas raté. En disant ces mots, il caresse ma tempe. Je peux t'assurer qu'il ne fera plus de mal à personne, tu peux me croire. Tous les os de son corps sont cassés.

Je remarque la porte défoncée, le type sonné à terre, il y a un attroupement à l'entrée des toilettes. J'entends des bribes de conversations. Une fille paniquée explique qu'elle tapait à la porte depuis moins de deux minutes et n'avait aucune idée de ce qu'il se passait. Ça n'a duré que quelques minutes. X me serre dans ses bras. Je me blottis contre lui. Sa chaleur me rassure et son odeur me calme. Le sentiment de panique commence à se dissiper. Je me laisse aller contre lui. Ses potes entrent à leur tour.

—     Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ? demande Zane. Pourquoi on fait un détour ? Oh, je vois, dit-il en me voyant.

Je n'arrive toujours pas à formuler quoi que ce soit. X regarde Sloan, juste derrière Zane.

—     Va chercher ses amies dans la salle. Qu'elles viennent s'occuper d'elle.

Je me redresse.

—     Ça va, Saskia ? demande Zane.

—     Appelle Marcus, répond X d'une voix autoritaire. Saskia s'est fait agresser. Ce tas de merde a tenté de la violer.

X m'éloigne de lui pour me faire face. J'ai froid et frissonne. J'ai l'impression que sans la poigne ferme de ses mains qui me soutient, je ne pourrais pas tenir debout. Il se penche pour que son visage soit à ma hauteur.

—     Saskia, j'ai un truc important à faire, je ne peux pas rester.

Zane lui passe le téléphone après avoir expliqué rapidement les faits. X le prend sans me quitter des yeux.

—     Occupe-toi d'elle pour moi. Je passerai plus tard. Oui, je te tiens au courant.

Il raccroche et met le téléphone dans la poche de son jogging. J'aperçois Terrence, l'armoire à glace dans l'encadrement de la porte, il bloque l'accès aux curieux. Ils sont tous en tenue de sport. C'est inhabituel d'aller courir en pleine nuit. Ils sont d'ailleurs en sueur. Leurs T-shirts collent à leur peau.

—     Oui, je comprends. Merci. Qui est Marcus ?

—     Il est flic. Je le connais bien. Tu peux lui faire entièrement confiance.

Je regarde les mèches de ses cheveux collées à son front par la sueur. X me lâche au moment précis où June me prend dans ses bras comme dans un passage de relais. Kim est avec elle. Le videur aussi.

—     Ça va, je n'ai rien, dis-je pour la rassurer.

—     La prochaine fois, surveillez-vous les unes les autres, cingle X, le regard dur en direction des filles.

—     Merde, j'y crois pas, Sas, je suis tellement désolée, répond June paniquée. On t'a cherchée dès qu'on a vu que tu n'étais plus sur la piste de danse.

X sort, le reste de sa bande le suit, sans se retourner.