Les Chroniques de la Dimension Elémentaire

La rencontre

- Charles, dit Ailes du Vent en désignant du menton un homme dans la queue de courtisans qui attendaient leur tour, qui est cet homme?

Charles se tourna à demi et lorgna par-dessus son épaule le petit groupe de nobles qui présentaient leurs hommages l'un après l'autre au Roi et à la Reine. L'homme en question était grand et élancé, d'allure élégante. Il était accompagné de deux jeunes et jolies jeunes filles - une blonde à la pâle, la plus âgée des deux, très jolie, et une adolescente, brune, nettement moins fine.

- C'est Martin d'Ashereva, un haut fonctionnaire au service du Roi votre père, qu'il a rappelé récemment à la Cour.

Charles capta le regard d'Ailes qui s'était posé sur l'un des deux jeunes filles. Il ricana, se pencha en avant, et dit sous le ton de la confidence :

- Et voici ses deux filles : Perle de Plumes, la blonde, et Plume de Cristal, la brune. Des noms elfiques... Si vous voulez mon avis, elles auraient dû échanger à la naissance... Qu'est-ce que c'est que ces prénoms d'ailleurs...

- Je m'appelle Ailes du Vent, en référence à notre héritage elfique...

- Oh ! Ne vous méprenez pas, votre Altesse. Pour vous, ça ne fait pas du tout bizarre que vous portiez un nom...exotique. Ça va avec le reste. Et ça vous va très bien... Alors que eux... Bah! Ça revient à la mode, à ce qu'on m'a dit.

Ailes prit une longue gorgée de vin dans son verre d'or serti de rubis. Il observait d'un œil attentif les trois qui saluaient à présent les autres courtisans.

La jeune fille avait le teint rose et les cheveux clairs partiellement relevés sur la nuque. Son cou gracile et fin soutenait un port de tête gracieux au naturel. Elle ne portait pas de bijou. Du moins, aucun qu'Ailes ne pouvait apercevoir d'ici. Elle portait une robe simple mais d'un tissu riche aux broderies soignées - comme l'était sa coiffure.

Elle avait une postule étrangement fragile, délicate mais travaillée - disciplinée. Parmi les autres jeunes filles de la Cour, celles en âge de se marier, qui étaient présentées au couple de souverains ce soir-là, elle était la seule qui ne souriait pas. Elle gardait une figure sérieuse, presque un peu trop grave, et elle exécutait ses révérences avec la même souplesse constante, inlassable, réglées comme du papier à musique.

Parfois, lorsque son père la présentait à d'autres nobles tout en discutant d'un air affable, elle esquissait un sourire timide - ravissant. Mais son regard glissait bien vite à gauche ou à droite. Alors, seulement alors, Ailes du Vent pouvait la voir rouler des yeux. Ses yeux, lorsqu'ils s'osaient plus hauts que la fin des robes de ces dames et les souliers de ces messieurs, étaient d'adorables petites émeraudes, ciselées et vives, parfois absentes, ce qui lui donnait comme un petit air rêveur, évaporé.

- D'Ashereva? Reprit Ailes. Je ne crois pas connaître cette famille...

- Ce n'est pas bien surprenant, monseigneur. Ce sont des nobles de province, on ne les a pas beaucoup vus à la Cour. Une alliance étrangère, sans nul doute... De la Nation de l'Ombre, si je crois bien me souvenir.