LA COLONIE PERDUE

Chapitre 3

Isaac me fit descendre quelques marches et m'entraina dans les fins fonds du bateau, là où je ne m'étais jamais rendue. Mon pouls s'accéléra lorsque la poigne d'Isaac se resserra sur mon poignet, m'intimant d'aller plus vite. Sa mâchoire crispée me montrait qu'il était en colère mais je ne comprenais pas pourquoi.

Jusqu'à ce que j'entre dans cette pièce. Elle était sombre, seulement éclairée de quelques bougies. Il y régnait une odeur horrible et je dû remonter le foulard à mon nez pour m'empêcher de vomir.

- Voici où je dors mademoiselle. Avec une soixantaine d'autres personnes.

C'est avec horreur que je vis des femmes, des hommes et même des enfants, entassés les uns sur les autres. Certains dormaient sur un drap qui leur servait de couchette. D'autres discutaient entre eux. J'aperçus une femme à ma gauche, elle semblait mal en point et toussait beaucoup. Ses yeux bleus ressortaient fortement à cause de la pâleur de son visage causée par la maladie.

- C'est ma mère, murmura Isaac.

Mes yeux se posèrent sur lui et il semblait désemparé. Il se précipita vers sa génitrice, la prit par le bras et la fit asseoir délicatement sur un tabouret.

Je comprenais pourquoi Isaac semblait froid quand il parlait de mon père. Venant d'une famille fortunée, je n'avais jamais connu la faim ou la maladie. Et nous avions eu des chambres d'exception comparées à cet endroit.

Mon cœur se compressa tandis que je m'approchais d'Isaac. Je n'étais pas au courant de cela, je pensais que toutes les personnes sur ce bateau se portaient bien mais j'étais bien loin de la vérité. J'en voulais ardemment à mon père et ma mère de m'avoir caché cela. J'étais peut-être issue de la noblesse mais j'étais munie de compassion et ça ne semblait pas être leur cas.

- Ressentez-vous des douleurs madame ?

Ma grand-mère était autrefois une grande guérisseuse. Elle m'avait enseigné une multitude de choses et si je ne pouvais pas la soigner, je pouvais peut-être lui apporter un peu de soulagement.

Isaac m'observait, fronçant les sourcils.

- Oh mademoiselle, votre place n'est pas ici. Je ne sais pas ce qu'il a prit à mon fils...

- Ne vous inquiétez pas. Où avez-vous mal ?

- Au ventre, lorsque je respire. Il m'est aussi arrivé de cracher du sang.

Je me mordis la lèvre par détresse. Selon moi, elle avait la tuberculose. Et malheureusement, je ne connaissais personne qui avait vaincu cette maladie.

Elle fut prise d'une quinte de toux et je défis précipitamment mon foulard de mon cou pour le lui tendre afin qu'elle ne se salisse pas de sang.

Je jetais un regard à Isaac. Il me regardait avec toute l'inquiétude dont il pouvait faire face et je fis un petit « non » de la tête. Sa mère n'allait pas s'en sortir.

Une ombre passa dans ses prunelles et il se leva précipitamment en m'empoignant le bras. Je ne pus réprimer un hoquet de surprise lorsqu'il me tira précipitamment hors de la pièce.

Il prit sa tête entre les mains et s'appuya contre le mur en face de moi.

- Sauvez-là.

- Je ne...

- Je vous dis de la sauver !

Il avait crié et le désespoir s'entendait dans sa voix. Prudemment, je tentais une approche et posais la main sur son bras mais il se dégagea d'un geste brusque.

- Je ne veux pas de votre pitié.

Émue, je laissai retomber le bras le long de mon corps.

- Si je le pouvais... soyez sûr que je la guérirai.

- Allez-vous-en.

- Isaac...

- Allez retrouver votre égoïste de père et votre bourge de mère. Je n'aurai pas dû vous emmener ici en croyant que vous pourriez comprendre.

Il repartit dans la pièce sur ces mots, me laissant seule. Je me promis en cet instant de ne pas laisser cette injustice sous silence. Si mon père devenait gouverneur, j'allais faire des choses pour changer cela et notre colonie repartirait sur des bases saines.

Du moins, je l'espérais.