Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)

25. Le "château"

Kim attaquée par ma faute. Je n'y comprends rien. J'ai la nausée. Je m'en veux tellement. Mais pourquoi chercherait-on à me faire du mal ? A l'arrière de sa moto, je serre X et m'imprègne de sa force. Il n'est pas question que je me morfonde. Je dois comprendre ce qu'il se passe et garder les idées claires. Les rues sont désertes, l'éclairage des lampadaires forment des raies de lumière et rendent le paysage presque fantomatique. Mais par où passe-t-il ? Je ne reconnais pas le chemin.

— Où on va ?

— Chez moi.

— Mais ce n'est pas la direction du campus.

— Je ne vis pas sur le campus.

— Et ta chambre alors ? Oh, je vois, c'est ta garçonnière.

Pas étonnant qu'elle soit vide. X ne répond pas.

— Où habites-tu alors ?

— Près de la plage. On est presque arrivés.

L'université et la ville semblent déjà loin. X traverse une zone résidentielle assez chic dans laquelle seules quelques propriétés se cachent derrières de grands portails. Après ses commentaires sur mes caprices d'enfant gâté, ce serait le comble qu'X soit un privilégier. On continue à rouler le long de la côte. La nature commence à reprendre ses droits. La nuit est plus noire ici. Un millier d'étoiles éclairent l'océan. X ralentit et quitte la voie rapide pour s'engouffrer sur un chemin de terre serpentant entre des dunes. Je me redresse me tenant à lui par la seule pression de mes cuisses et retire mon casque. Je secoue ma tête et respire l'air chaud et humide de la nuit. Un goût salé se dépose sur mes lèvres. Le vent souffle dans mes cheveux et balaie les herbes sèches. C'est si sauvage et paisible. J'entends la houle et m'attends à voir l'océan d'une minute à l'autre, mais c'est un imposant bloc de béton qui surgit devant nous. On dirait une usine avec sa grande cheminée perçant le ciel. Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? 

Des lumières colorées jaillissent des grandes fenêtres. X compose un code sur sa montre, une porte automatique s'ouvre sur le flanc de la bâtisse. On pénètre dans un garage, immense, y sont alignées deux motos et quatre voitures plutôt luxueuses dont le break d'X. Je descends de moto. Quand la porte se referme derrière nous, un silence assourdissant s'impose tout à coup. J'ai l'impression d'être dans un bunker, isolée de tout. Sous mes pieds, je sens des vibrations. June a l'air tellement déboussolée quand je la vois descendre à son tour de moto.

— Tu te sens bien ? dis-je en me rapprochant d'elle.

— Ça va. J'ai juste besoin de m'allonger. De dormir avant d'aller voir Kim.

— Tu as raison.

Je la tiens par le bras.

— Suivez Terrence, précise X. Il va vous montrer votre chambre.

Au moment où X ouvre la porte du fond, le bit assourdissant d'une musique électro envahit la pièce comme si une bête furieuse venait de surgir. X s'engouffre dans a gueule sans se retourner.

— Il y a une fête ici, dis-je sans trop comprendre.

— On avait invité quelques personnes, nous explique Terrence. On va vider les lieux. Ne vous inquiétez pas.

X a déjà disparu dans la foule. Estomaquée, je reste un instant subjuguée devant la scène qui se joue devant mes yeux. Il me faut un petit moment d'adaptation pour comprendre ce que je vois et être capable de suivre Terrence d'un pas prudent, Ju accrochée à moi. Ce lieu est gigantesque. Ses dimensions sont démesurées. Des colonnes au style corinthien culminent à des hauteurs vertigineuses. Une mezzanine court tout autour de la fosse. Des faisceaux de lumière balaient l'espace et éclairent par vagues successives les clubbers. Telle une marée de têtes rasées, roses, bleues, aux bras tatoués, aux torses nus et aux corps libérés, elle bouge au rythme syncopé de la musique. L'ambiance est survoltée. Les gens se touchent, s'embrassent, dansent, s'exhibent sans aucune limite. Mais où sommes-nous tombées ? Mes yeux n'ont pas le temps de se poser sur une personne qu'une autre encore plus désinhibée attire mon regard. En levant la tête, j'aperçois de sublimes créatures se balancer sur des trapèzes à des hauteurs effrayantes, certaines les bras balayant le vide.