Entre tes Griffes 1 (Publié Aux Éditions HLab)

31. Mes élucubrations

Combien de longueurs j'ai pu faire ? Je suis à bout de force. En sortant de l'eau, j'attrape une serviette et m'allonge sur un transat. Je chausse mes lunettes de soleil et ferme les yeux. Je n'ai aucune envie de les voir. Postés au garde à vous de chaque côté du bassin, lookés à la « men in black », ils ne font vraiment rien pour être discrets. Je leur ai pourtant suggéré de prendre une chaise, mais ils préfèrent suivre les instructions de mon père à la lettre et n'ont pas bouger d'un pouce. Tom a dû être sévèrement réprimandé pour m'avoir perdu de vue. Ce couac a tout de même contraint mon père à appeler June. Ce qui n'a rien d'anodin pour lui ! De mon côté, j'ai hérité d'un second garde du corps. Au point où j'en suis, je n'ai même pas essayé de l'en dissuader. Le nouveau ne fait pas partie de sa garde rapprochée, il doit venir du coin. 

X avait vu juste, j'ai obtenu un sursis et me voilà au bord de la piscine du Four Seasons, à bronzer un dimanche après-midi. J'ai de quoi faire rêver. Je sais. Mais je préférerais être à mille lieux de cet endroit idyllique, si je le pouvais. Car j'ai beau fermer les yeux, cela ne m'empêche pas de voir la vérité en face : je suis à nouveau sous son contrôle. Je ne suis plus maître de mes faits et gestes. Mon père contrôle ma vie à distance. Je n'ai même pas eu l'autorisation d'aller récupérer des affaires à ma résidence. Ce qui fait que je ne me suis pas gênée pour faire quelques emplettes à la boutique de l'hôtel ! Dès que je l'ai vu, j'ai retrouvé le sourire. Sa forme bustier et son imprimé m'ont tout de suite tapé dans l'œil. Mon nouveau maillot Hermès est juste parfait avec ses ailes de flamants roses et ses fleurs tropicales. Je suis moins convaincue par mes nouveaux sous-vêtements, nettement plus sexy que ceux que j'ai l'habitude de porter. Il faut dire que le choix était plutôt restreint, allant du sexy à l'ultra sexy. Comme si les clientes de ce genre d'établissement n'aimaient que la lingerie coquine ! Quel cliché. La situation s'est d'ailleurs avérée particulièrement gênante, à un mètre de mes deux bien trop zélés men in black. 

J'ai l'habitude d'être surveillée, mais là, trois d'un coup, c'est tout de même beaucoup. Car je n'oublie pas Terrence, installé plus loin, à l'ombre d'une pergola. Malgré qu'il ne lève que rarement les yeux de son écran d'ordinateur. On pourrait le prendre pour un homme d'affaires, il n'y a que ça ici. Mais avec cette chaleur, il a fait tomber la chemise et ressemble plus à un mannequin d'Albercrombie. J'aimerais pouvoir aller lui parler et lui poser des questions. Des questions, j'en ai à la pelle. Elles s'entrechoquent dans ma tête, malgré la tentative de me vider l'esprit en nageant jusqu'à épuisement. C'est quoi ce comportement ? Et comment sait-il autant de choses sur moi ? Je n'ai pas réagi quand il a mentionné mes cours d'autodéfense la nuit dernière, mais X connaît mon emploi du temps, la résidence où je vis, il a même repéré mon garde du corps. En quoi tout ça le concerne ? Le plus déconcertant reste les commentaires qu'il a pu faire après avoir osé raccrocher au nez de mon père. Il parlait de ma conversation comme s'il avait tout entendu, ce qui est impossible. Il a peut-être piraté mon téléphone ? Il en est capable. Il n'a eu aucun mal à géolocaliser Kim. Mais pourquoi me mettrait-il sur écoute ? Ça n'a aucun sens. Je récupère mon portable sur la table, l'inspecte attentivement et enlève la carte Sim. A première vue, rien d'anormal. T m'observe soudain l'air circonspect. Et lui qu'est-ce qu'il fait là ? Pourquoi accepte-t-il de perdre son temps avec moi ? Même s'il en plaisante, il parle d'X comme d'un chef. Quel ami ferait ça ? Selon ses dires, X n'a pas l'air commode quand il s'énerve. Ses co-équipiers semblent être aussi de cet avis et ce n'est pas Bruce qui les contredirait. Si je me rappelle bien l'anecdote évoquée par le type qui a dansé avec Helen à la fête, il a failli se prendre son poing dans la figure. Tous ces molosses ont-ils peur de lui ? Et si X était dangereux ! Violent ? Autoritaire et dominant, c'est peu dire. Il n'aime pas être contredit et n'en a apparemment pas l'habitude. Et quand il a parlé de territoire, ses yeux étaient aussi perçants que des flèches prêtes à me transpercer. Rien que d'y repenser, j'en ai la chair de poule. C'était quoi sa phrase exactement ? Qu'il ne pouvait pas quitter son territoire ? Qui parle de l'endroit où il vit en ces termes ? Je me sens nerveuse tout à coup en réalisant ce que cela peut vouloir dire. Je regarde T sous un autre œil. Il n'a pas de tatouages. X non plus. Ce qui ne prouve rien. Ce genre de marques ferait trop mauvais genre à Stanford. En tout cas ils sont inséparables et vivent ensemble dans une sorte forteresse. Et je les ai vus à l'œuvre après mon agression, ils ont tous suivi ses instructions sans broncher avec discipline et promptitude. Ils lui obéissent. Terrence, Zane et même Sloan. Merde, X est à la tête d'un gang !