L'oiseau et l'hiver

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Les bourrasques glacées secouaient les branches des arbres dénuées de la moindre feuille. Le vent hivernal et violent annonçait l'arrivée d'une tempête, que l'on pouvait distinguer dans l'horizon lointain et gris. Ce danger très proche incitait les animaux de la forêt à se diriger au plus vite vers un abri, du moins pour ceux qui n'hibernaient pas.

Une maman merle était blottie au creux d'un tronc de sapin, couvant avec amour et affection ses deux petits oisillons. Elle était bien protégée, ce qui ne la rassurait pas pour autant. En effet, depuis son plus jeune âge, elle éprouvait une profonde aversion envers l'hiver qui, à son goût, bouleversait l'équilibre établi par la nature. Ce sentiment s'expliquait par le froid intempestif et virulent entraîné par la venue de cette saison, ainsi que la disparition de la végétation qui égayait habituellement les arbres. Certes, l'automne voyait les feuilles jaunir, mais ces dernières ne disparaissaient pas pour autant. L'hiver semblait tout effacer sur son passage, remplaçant les douces feuilles vertes par une neige tant encombrante que glaciale.

Lorsque la tempête se déclara, elle fut sans pitié : les troncs les plus solides paraissaient se tordre à l'extrême, et quelconque animal se situant sur le chemin de la tourmente se trouvait balayé sans ménagement dans ses profondes entrailles.

La femelle merle était terrorisée, et n'osait remuer le moindre de ses membres, ne serait-ce pour agiter une plume. Elle couvrit ses petits de ses ailes avec encore plus de vigueur, proférant intérieurement des menaces au vent et aux bourrasques grondant dehors, leur interdisant de frôler sa progéniture.

L'arbre dans lequel elle logeait se balança, se courba, se tordit, se plia ; mais il tint bon. La mère attendit en sommeillant de temps à autre la fin de ce redoutable blizzard, en maudissant plus que jamais la saison froide.



***



La tempête prit fin une semaine plus tard, mais l'oiseau n'émergea de son nid qu'une vingtaine de jours après. Elle observa avec prudence les alentours, et fut ravie par le spectacle qui s'étendait devant elle : le printemps était de retour ! De légères gouttes de rosée cristallisaient les jeunes pétales encore tout frais, tandis que l'herbe renaissante conquérait peu à peu le sol nu. Les arbres retrouvaient leurs vigueurs passées, et  seules de rares particules enneigées faisaient leur apparition çà et là. La forêt reprenait vie, et la mère merle aurait dû en voler de joie.

Cependant, c'était une autre pensée qui l'animait : une certaine compréhension. Elle sentait en son cœur, pour la première fois de son existence, la nécessité de l'hiver. Cette saison était pareille à une pause, un repos de la nature. Cette dernière avait besoin de répit, et l'hiver était présent pour l'aider. Il lui accordait trois mois de sommeil, afin qu'elle puisse s'éveiller prête à assouvir les besoins de la Terre au printemps.

Lors de ce premier jour de printemps, et tous les autres qui suivirent, la femelle merle ne détesta plus jamais l'hiver. Au contraire, elle apprit au fur et mesure du temps, à l'apprécier et à le considérer pour ce qu'il était réellement. 

L'oiseau et l'hiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant