Forêt

4 1 0
                                    


Les premières fois que je l'ai vu, je ne l'ai pas trouvé spécialement belle, les premiers détails que j'ai perçus se sont basés sur son physique. Une erreur de ma part mais je ne l'ai pas compris tout de suite. Dans un premier temps j'ai regardé son visage, buriné, creusé par de profondes rides. Ses yeux enfoncés dans leurs orbites ne laissaient entrevoir qu'un vert sombre. Sa mâchoire qui ne contenait plus que quelques dents, ne pouvait que laisser mon imagination essayer de comprendre ce qui avait bien pu arriver pour que sa bouche ne devienne plus qu'une caverne sombre d'où sortait une odeur pestilentielle.

La conclusion à cela me vint de façon tellement naturelle que je n'ai plus osé lui demander en face. Pour moi elle était tellement vielle que ses dents avaient fini par tomber une à une, comme pour marquer au fer rouge toute ses peines. Pour son haleine même principe, cette odeur infecte ne pouvait signifier qu'une chose : elle pourrissait sur place, de l'intérieur. Son corps se nécrosait sans qu'elle ne puisse rien faire. Elle ne parvenait pas à mourir.

Prise dans une impasse, elle ne pouvait plus que hurler sa peine, dans un langage inconnu pour un enfant je ne parvenais pas à comprendre. Je ne voulais pas comprendre, après tout qui aurait voulu comprendre un être aussi repoussant qu'elle ? Je pouvais voir aux coins de ses yeux des gouttes d'ambres qui n'avait pas eu le temps de couler, prise aux pièges à jamais, de la même manière que ses souvenirs ne pourraient pas alléger sa souffrance.

Elle qui n'avait connu que liberté, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, enfermée dans une cage, tel un animal sauvage, une paria. Oubliée de tous, elle avait été adulée, vénérée, respectée. Elle n'était plus qu'un déchet que l'on continu à polluer sans aucune raison apparente. Sans se soucier du mal qu'on lui fait. Une ombre vague imparfaite, plus qu'un mensonge de ce qu'elle avait pu être. Un souvenir médiocre d'une beauté d'antan.

Au commencement, elle n'était qu'un grain de poussière parmi d'autres, rien n'aurait pu la distinguer. A part peut être son envie de venir à naître. Cet être immonde était une petite fille comme les autres. Pour pouvoir grandir en sécurité, elle apprit à prendre racine lentement. S'étendant de plus en plus vers sa maturité.

Avant que l'homme ne la détruise, elle était belle, douce, on pouvait la voir sourire en permanence. Son rire cristallin donnait l'impression qu'en sa gorge coulait une rivière. Partout sur son passage elle avait l'art et la manière de faire s'envoler tous les papillons, entourée d'un nuage multicolore, elle passait son temps à observer les animaux qui courrait autour d'elle, sans se soucier de sa présence. Enfin...c'est ce que m'ont racontés les anciens de mes parents.

Ceux-ci l'ont rencontrée durant son adolescence. Enfin plutôt vers la fin, plus mature que la plus part des gens on pouvait facilement la vieillir de quelques années sans qu'on ne fasse plus de réelle différence.

Les idées noires, les coups, les crachats et toute autre forme de pollution apparurent à son encontre. Sa mère désemparée ne pouvait rien faire d'autre que de regarder en espérant que l'homme se calmerait. Elle, souffrait en silence, incapable de s'exprimer ou de sortir le moindre son. Elle apprit à subir et souffrir. De façon complètement involontaire, on la força à sombrer dans une forme de dépression. Comme la plupart des jeunes femmes, elle s'imagina être trop moche, imparfaite.

Enfin elle eue un moment de répit, sans qu'elle ne sache pourquoi ses assaillants trouvèrent mieux à faire que de la détruire. Lentement cette jeune pousse blessée réapprit à vivre.

Le temps passa et je vin au monde. Mes yeux encore troubles ne pouvait voir au-delà de ce que je vous ai déjà dit.

Il me fallut exactement 16 lunes pour commencer à voir des détails plus doux chez cette femme. Il me fallut encore quelques lunes de plus pour commencer à entendre son chant. J'avais du mal à recoller ce que l'on m'avait raconté et ce que je voyais. Ma mère m'apprit à ce moment-là que la dame chez qui nous habitions s'appelait Brocéliande.

Ce que je pouvais voir à la surface était beau comme si rien n'avait jamais réussie à l'atteindre. Ce que je pouvais voir à l'intérieur était cassé, piétiné. Quand je l'eu compris je pris une décision: la défendre coute que coute contre l'envahisseur.

Je voulais tant pouvoir la voir heureuse. La réparer. J'aurai été si fier. Mais je n'ai pas réussi...le petit être que je suis n'a pas réussi. Mon amie est toujours triste. Je la quitte sans pouvoir agir. Je me vois forcé de la laisser aux mains de l'homme.

Mon seul soulagement, même s'il est égoïste est de ne pas à voir sa mort. Le seul remercîment que je peux donner à l'homme et de m'avoir permis de mourir chez moi.

Ma forêt, je te donne ce dernier baiser et mon premier adieu. Je t'ai aimé comme tu es. Tu n'aurais jamais dû les écouter tu sais ?

Adieu de ton renard dévoué

ForêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant