Partie 5

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– Qu'est-ce que tu prends ?

– Et si tu me disais ce que tu me voulais, Issa, parce qu'apparemment, tu as une femme qui t'attend à la maison.

– Tu peux l'oublier deux secondes, s'il te plaît ? Dit-il, irrité.

Nous étions attablés dans un restaurant de la place, loin de tous comme s'il cherchait à fuir quelqu'un. Depuis que nous étions là, il ne cessait de tourner autour du pot, quelque chose le tracassait ; Issa n'était pas de ce genre là, il était franc et direct, des qualités qui m'avaient attirée vers lui. Mais là n'était pas le sujet.

– Je veux que l'on parle de nous, Ratou, reprend-il. Tout ce que je veux, c'est obtenir ton pardon. Puise au fond de toi, je veux que tu trouves la force nécessaire pour excuser mon comportement envers toi. Je veux aussi que tu saches qu'après tout, je regrette car je... Je t'aime comme au premier jour... Ratou, il ne se passe pas un jour sans que je ne regrette ce qu'il s'est passé ; je t'ai divorcé sans le vouloir, j'aurais dû prendre le temps nécessaire pour comprendre qu'une fois que je t'aurais perdu, je ne serais plus le même homme. Rien ne va plus... Je suis tout le temps absent, que cela soit au bureau ou à la maison, je pense à toi... Tu es la première femme pour laquelle j'ai pleuré...

– Arrête Issa, s'il te plaît. Le coupais-je. Issa, njuumté du ñàkk, yàgg caa bon. Issa, dam na, tayi na, dou ndey, dou baay, dou rak. So diougué si li dal si leulé. Bagn malay diokh dou wone ndakh li wayé lou eup tourou. (Issa, l'erreur est humaine, c'est persévérer qui est condamnable. Issa, j'en ai assez, si ce n'est ta mère, c'est ton père, et si ce n'est lui, c'est ta sœur. Ma famille n'avait pas signé avec toi pour que je vive toutes ces atrocités. Trop c'est trop.) Et puisqu'on y est, je voudrais que l'on parle du divorce.

– Ratou...

– J'ai engagé un avocat, il se chargera de la procédure et une fois que les papiers seront prêts, je te les enverrai pour que tu signes. D'accord ? Et Issa... Il n'y a plus de nous, tu devrais le savoir non ? Je suis croyante, sinon j'aurais quitté ta maison ce jour. Ne pense plus à nous, oublie-moi, pense que je suis juste invisible lorsque tu me croiseras, ne te fais pas de mal, il n'y aura pas de retour en arrière possible. Une fois ces trois mois passé, tu ne me verras plus ni ne m'entendras plus... Maintenant ramène moi s'il te plaît.

Il soupira, désolé avant de se lever. Même si nous n'avions rien pris, il glissa quelque chose dans la main d'un des serveurs avant de se diriger vers la sortie. Je le suivis et il s'installa dans la voiture. Je le rejoins à mon tour et il démarre, direction la maison.

Quelques jours plus tard, un de mes oncles, Tonton Habib m'avait fait appelé. C'est le grand frère de ma mère mais leur relation était un peu tendue. Disons que la femme de tonton Habib et ma mère ont eu quelques problèmes, ce qui les a poussé à s'éloigner, mais avec nous ses neveux, tout se passait bien.

Tonton Habib était tout le contraire de ma mère qui était, elle, une dure à cuire. Il était posé, calme et réfléchi si bien que lorsqu'il avait demandé à me voir, je n'avais pas hésité à lui répondre. Il m'avait fait part de sa déception envers moi en ces mots :

– Ah mame boy, je n'ai pas aimé la façon dont j'ai entendu la nouvelle te concernant. Il y'a deux choses : le fait que tu aies divorcé et le fait que je sois le dernier à être au courant. Venant de ta mère, j'aurais compris, mais toi... N'empêche, cela fait au moins un mois que j'ai le besoin de te voir. Ramatoulaye, liy riir si souf lanla ?

– Ah tonton Habib...

– ­Ramatoulaye, delossil sa khel. Bamalay mour, newone nala seuy dou leem dong, lissi eup mougn leu. Sa ndey limouy xamadi yeup dieumelé wouko si sa baay té lolou naaw nakosi. Liguay dound seu keur, oump meu deh, dama beugone gua diougueul si sa bop. Seu dieu'coeur bagnoula la deh, ay beteum gno mourou rek. Hamal ni itam kou beug akaara wara niémé kaani. (Ramatoulaye revient sur terre. Lorsque je t'avais couverte, je t'avais dit que le mariage n'était pas que du miel, il fallait persévérer pour obtenir ce que tu veux. Malgré sa maladresse, ta mère ne l'a jamais dirigé vers ton père et je l'admire pour cela. Je suis conscient de tout ce que tu vis dans ta maison mais je voulais que tu voles de tes propres ailes. Ton mari t'aime mais il est juste aveuglé par autre chose et sache une chose, celui qui veut des beignets ne doit pas craindre le piment). Je ne peux rien rajouter d'autant plus que je vois ton trouble. Réfléchis à ce que je t'ai dit, sois forte et tu arriveras à panser tes blessures.

Et depuis, je ne cesse de penser à ce qu'il m'avait dit. Cependant, je ne note nullement le message caché à part le fait que mon ex mari ait été marabouté. Je ne veux souffrir encore plus que ces dernières années. Issa n'a pas su être l'homme que j'attendais qu'il soit. Le fait qu'il élève sa famille au dessus de moi m'avait pris de court, je n'espérais pas plus bas que cela de lui.

Ces derniers temps, je réglais les papiers du divorce. Je voulais en finir et le plutôt sera le mieux. Mais le problème était qu'Issa refusait carrément de se présenter au tribunal. Il me jetait à tout va : je suis occupé. Si ce n'était le travail, c'était sa femme. Et d'ailleurs, cette dernière commençait à faire des siennes. Elle était tout le temps avec Adja, et je les ai surprises pas mal de fois entrain de faire des messes basses. J'espérais que ce n'était pas sur moi sinon ce sera juste une perte de temps, je ne les accordai pas une once de regard. Elle me saluait à peine, et s'intéressait à tout ce que je faisais car je voyais que dès que je sortais de ma chambre, elle se plantait devant la sienne et le soir, de même. J'en arrivais même à la conclusion qu'elle m'aimait secrètement.

Belle-mère était malade. Je l'avais remarqué rien qu'à y voir sa mine. Son visage était terne, son teint pâle et elle n'arrivait pas à marcher normalement. Et depuis quelques temps, elle me souriait tendrement et ne se limitait qu'aux bonjours. La nouvelle femme qu'elle était devenue me surprenait ; je n'avais jamais pensé la voir sous un jour nouveau. Je restais sur mes gardes, tout ceci était louche.

Beau-père était aux abonnés absent. Je ne me souciais plus de sa présence ou non ; le fait que j'aie un peu de répit dans cette maison m'allait. J'allais balayer mon iddal* d'un revers de main et une fois terminé, retourner chez mes parents, chez ces gens qui m'aimaient et à qui je le rendais bien.

Issakha Gueye.

Rien n'allait. Je sentais dans la voix de Ratou que le minimum d'amour qu'elle me témoignait durant ces derniers temps s'éteignait peu à peu. Elle clamait tout le temps pour que je fasse acte de présence au tribunal. Je ne savais ce que Fanta ressentait pour moi. Elle était jeune et avait l'avenir devant elle mais s'était retrouvé coincé dans un mariage qui n'était pas fait d'amour. Nous étions juste des étrangers l'un pour l'autre ; nous partagions la même chambre et le même lit mais ce n'était pas lascif comme avec Ratou. Au début, ni elle, ni moi ne faisions aucune action pour y remédier. Je ne lui en voulais nullement car une autre m'obsédait. Tout ce que faisait Ratou pour moi me manquait, ne serait-ce que le petit bisou qu'elle me donnait. Et d'ailleurs, je crois que Fanta le sentait car elle commençait à faire un minimum d'effort : je la voyais traîner avec ma sœur de temps en temps, m'accueillait à ma descente avec un sourire et se chargeait de mes vêtements. Je n'osais lui demander d'arrêter juste par respect pour elle.

L'oncle de Ratou avait demandé à me voir. C'est plus tard que j'aie su que Ratou était aussi passée au crible des remontrances de tonton Habib.

– Issa, je ne te cache pas ma déception, je suis vraiment déçu de toi et de ton comportement. Ratou, je la connais, ce n'est pas une femme qui lâche au premier moment, tu l'as sûrement poussée à bout. Le mariage est fait de concession, si vous ne réussissez pas à les établir dès le premier jour, je te l'ai dit et je te le redis, vous n'allez pas y arriver. La dignité et la maturité que j'avais vues en toi au point de te donner ma fille aimée, je ne les sens plus. Aurais-tu délaisse le coran par hasard ? Parce que si c'était de cela dont il s'agissait, tu es tombé bien bas, Issa. Tu deviens facilement vulnérable aux attaques mystiques et tout ceux qui veulent ton mal t'auront... Je t'ai mis au même point d'escale que Ratou raison pour laquelle je t'ai appelé. Remets-toi en question et ne cesse de confier ta vie à ton créateur...

À divorce prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant