Le froid mord mes jambes nues alors que j'avance au bras d'un Luc tout à coup bien calme. Je ne lui jette pas la pierre, je suis dans un état similaire au sien. Trop impressionnée pour ouvrir la bouche et briser le silence, je me contente d'observer les environs, plongés dans l'obscurité d'une nuit calme, seulement troublée par le bruit des basses qui nous parviennent, par intermittence, à chaque fois que quelqu'un ouvre la porte d'entrée. Ces bribes de musique nous donnent un avant-goût de ce qui nous attend une fois à l'intérieur. Et d'après ce que je peux entendre, l'ambiance est au rendez-vous.
Tant mieux.
J'ai bien besoin de me changer les idées, parce que malgré ma motivation, je n'arrive pas à me sortir Shawn de la tête. J'ai même l'impression de le voir, adossé à un arbre, à l'écart du tumulte de la fête.
- Hé ! Arrête de faire cette tête, me chuchote Luc, en me donnant un léger coup dans les côtes. Tu aura tout le temps de te morfondre au sujet de ton beau basketteur demain. Ce soir, on fait la fête. Et on se détend. D'accord ?
Je hoche la tête sans dire un mot. Il a raison, je le sais, mais ces messages non lus et l'impression de voir Shawn partout ne m'aident pas à tirer un trait sur ce qui me préoccupe.
Pourtant il va bien falloir. Hors de question de laisser échapper cette occasion, qui ne se représentera pas de si-tôt si je ne fais pas d'effort pour me montrer sociable.
J'inspire un grand coup, range Shawn dans une petite boite, dans un coin de ma tête, et jette un coup d'oeil machinal en arrière. Au pied de l'arbre où j'ai cru le voir, personne.
La preuve – s'il m'en fallait encore une – des effets néfastes que peuvent avoir les hormones sur mes fonctions cognitives. Si on m'avait prévenue qu'éprouver de l'attirance pour un membre du sexe opposé signifiait avoir des crises d'hyperphagie, des crampes d'estomac à la limite de l'ulcère et des hallucinations, pas sûre que j'aurais regardé Shawn comme je l'ai fait.
Non, en vérité, si j'avais su à quoi je m'exposais en plongeant mon regard dans ses iris caramel, j'aurais tout fait pour éviter de les croiser. Mais c'est trop tard, ses yeux, sa fossette et son sourire enjôleur sont imprimés sur ma rétine, je ne peux plus m'en défaire. Comme sa voix grave qui coule sur ma peau à chaque fois qu'il dit mon prénom au détour d'une conversation.
Bon sang ! Je me maudis de penser à ce garçon. De cette manière. Alors que je le connais à peine. Et que l'attitude qu'il a envers moi est on ne peut plus ambivalente. Je sais ce que j'attend de lui, mais au vu de son comportement, je ne sais pas s'il est disposé à me l'apporter.
- JAMIE ! Me houspille mon meilleur ami, planté devant moi, les poings sur les hanches.
J'abdique et marmonne quelques excuses, alors qu'il reprend son discours sur le bien que pourrait me faire le fait de « lâcher prise et, peut-être, qui sait, d'emballer le premier venu» . Selon lui, ça me permettrait peut-être d'oublier celui qui occupe mes pensées en ce moment. Et que je m'évertue à remettre dans sa boîte. Trop petite pour le contenir, à priori.
Je crois que c'est peine perdue. Je n'arriverais plus à me le sortir de la tête, à moins qu'il fasse quelque chose qui me pousse à reconsidérer l'impression qu'il m'a fait.
Genre insulter un bébé chat.
Ou embrasser Madison.
Pourtant, arrêtés sur le perron, je suis bien obligée de me rendre à l'évidence. Mon corps et ma pensée sont deux entités bien distinctes puisqu'il semblerait que mon coeur, lui, se rappelle des attentes que j'avais au sujet de cette soirée. Et en ce moment, il martèle si fort dans ma poitrine qu'il pourrait en sortir pour ouvrir la porte par ses propres moyens.
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F*ck it List
Teen FictionAssez ! Que la capitaine des cheerleader ignore son nom après trois ans dans le même lycée ? Passe encore. Mais que le nouvel élève, et partenaire de labo de Jamie, réponde à son invitation Facebook par "On se connait ?", c'en est trop. Elle est bie...