Chapitre 26

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Un bras passe autour de mon épaule, se saisit du verre que je tiens en main et le porte à des lèvres que je ne m'attendais pas à trouver à quelques centimètres de mon visage.

Dans ma poitrine, mon coeur rate un battement. A cause de la surprise peut-être, ou du soulagement plus simplement. En tout cas, je sais que si la situation avait été différente, ma réaction l'aurait probablement été également. Mais là, je ne peux rien faire de plus que le regarder, incrédule, prendre une gorgée de ma boisson et suivre le trajet du liquide dans sa gorge lorsque sa pomme d'Adam monte et redescend lentement. 

Bien malgré moi, je le fixe avec une intensité probablement déplacée mais qui, pour le coup, servira mes intérêts. Il capte mon regard et étire ses lèvres en un petit sourire mesquin avant de me dire à voix basse « Merci d'avoir gardé mon verre, bébé » et de jeter un coup d'oeil menaçant à celui qui se tient à quelques pas de nous - et que j'avais totalement oublié - , qui capte le message et s'éloigne sans demander son reste.

Efficace.

Une fois que nous nous trouvons à nouveau en tête à tête, le regard de mon « sauveur » se porte à nouveau sur moi. Et sans la moindre gêne, il me détaille, avant d'ajouter, tout contre mon oreille :

- Rivers, Rivers, Rivers... Tu vas t'attirer des ennuis dans cette tenue. 

Je m'écarte de lui vivement et le fusille du regard - pour masquer ma surprise et l'effet étrange que cette proximité provoque en moi - je soupire, lassée par son attitude changeante. Je sais bien que je suis celle qui a anéanti notre trêve, mais j'espérais que son comportement envers moi resterait, malgré tout, inchangé. A priori, jai fait erreur.

- Qu'est-ce que tu fais là, Cooper ? soufflé-je, en me tournant vers le bar pour me servir un autre verre.

- Tu veux dire mis à part sauver tes jolies petites fesses des abrutis bourrés ? demande-t-il en portant MA bière à ses lèvres, le regard perdu dans le vague. Je fais la fête, ça se voit, non ?

Mon regard blasé se suffit à lui-même, aussi, il finit par me répondre.

- Mike m'a invité.

- Pourquoi ?

- Dis donc, c'est que tu es drôlement curieuse ce soir. Il soupire, fait mine de regarder ailleurs et ajoute sur un ton détaché. Je te rappelle qu'il faisait partie des Vikings, on était coéquipiers il n'y a pas si longtemps.

Comme il ne semble pas trouver ce qu'il cherchait, il se tourne à nouveau vers moi. Son regard passe de mes yeux à mes lèvres, puis à mes jambes nues, qu'il observe longuement avant de dire :

- Je te retourne la question. Pourquoi t'es là ?

Comme une gamine prise en faute, je me sens l'obligation de me justifier. En bafouillant.

- Je suis venue avec Luc.

- Oh, il est là ?

- Bien sûr, tu m'as déjà vu quelque part sans lui ?

Je ne sais pas si c'est l'alcool qui parle ou la rancœur, mais je lui lance une petite pique:
- Il m'a traînée ici pour me changer les idées après le petit spectacle de ta copine.
- Tu ne t'es pas gênée pour lui rendre la pareille, il me semble, lance-t-il, cassant.

Et voilà, ce bon vieux Cooper est de retour, avec son regard noir empli de dédain et de déception.
Je n'ai jamais compris pourquoi la situation de nos parents avait tant influé sur la notre. Ni pourquoi, du jour au lendemain, je n'ai plus mérité que son mépris. Et même si j'ai décidé de tirer un trait sur lui, le fait de ne pas savoir me rend dingue.
Le regard perdu dans le vague, je glisse une main dans la poche de ma jupe et serre ma liste en me promettant d'y ajouter un nouvel item. Lui poser toutes ces questions qui sont restées sans réponse et que je n'ai pas osé lui poser dans le placard, chez Madison.

Cooper regarde autour de nous, la bouche étirée en un sourire gêné, tandis que moi, je plonge dans mon verre pour masquer mon inconfort et la tristesse refoulée qui vient de refaire surface d'un coup. Et qui vient de m'engloutir toute entière.

A deux pas l'un de l'autre, aucun de nous ne parle, inutile, le silence est suffisamment éloquent. Emplie d'animosité et de non-dits, l'atmosphère est devenue quasi irrespirable, pourtant aucun de nous se décide à bouger.

C'est comme si nous attendions que quelqu'un d'autre mette un terme au supplice à notre place. Pourquoi ? Je ne le sais pas. Pourtant j'imagine que la situation est aussi inconfortable pour lui qu'elle l'est pour moi.

Finalement, le destin finit par nous prendre en pitié, sous la forme d'une main posée sur l'épaule de Cooper :

- Sanders ! Enfin je te retrouve ! Je tourne la tête deux minutes et toi, tu disparais une heure !

Son ami fait un pas sur le côté pour essayer de m'apercevoir mais le corps de Cooper fait barrage, alors il ajoute :

- Ah, je comprend mieux ! Pendant tout ce temps tu étais en charmante compagnie ! T'inquiètes je dirais rien à Madison ! Laisse moi me prés...

Cette voix grave que je croyais reconnaître s'interrompt lorsque nos regards se croisent.

- Jamie ?

- Shawn ?

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