Dans la pièce qui lui servait de chambre, elle se sentait à l'étroit. À l'étroit entre ces quatre murs, ce plafond si bas et ce sol si haut. Elle n'avait pourtant pas d'autre choix que d'être là. Alors, elle essayait d'oublier, oublier cette odeur de renfermé, cette lumière fade et sans goût qui lui brûlait la rétine. Et ces quatre murs.
Alors, comme elle ne pouvait pas partir physiquement, elle partait mentalement. Et parfois, elle se disait que c'était peut-être même mieux comme ça. Au moins, dans son esprit, tout était possible. Il n'y avait comme limite que celle de son imagination, or celle-ci ne semblait pas en avoir.
Parfois, elle aimait voyager dans un monde féerique et merveilleux, dans lequel des ailes lui poussaient dans le dos et l'amenaient loin de tout et de tous. Parfois, elle préférait aller dans un monde noir et terrible, où les plus affreuses des peurs la dévoraient en hurlant, tandis qu'elle restait là sans bouger, sans un mot, tétanisée. Parfois encore, elle décidait de peindre un monde triste et gris, vide de tout, de peur et de joie, de rire et de colère, de pleurs et de sourires.
Mais ce monde-là, il n'était pas dans son esprit. Ce monde-là, c'était le vrai monde. Froid et gris. Vide de tout. Ce monde sans couleur, sans émotion ni sentiment. Il était comme sa chambre, ce monde. Étroit, avec une lumière fade qui lui brûlait la rétine. Mais elle y était habituée, puisque cette chambre c'était la sienne, et ce monde, le sien.
Quand elle avait finit de voyager, ses yeux gris s'ouvraient doucement. Ils fixaient le plafond, ce plafond qui était si proche. Puis, elle s'asseyait lentement sur son lit blanc. Elle refermait les yeux quelques secondes, le temps pour son esprit de se ressaisir, et elle attendait.
Et quand la voix l'appelait, elle prenait une légère inspiration et se levait, puis elle faisait un pas, puis deux, puis trois. Elle ouvrait la porte blanche, regardait sa chambre si étroite et toute blanche, la lumière fade et brûlante, en se disant qu'elle serait bientôt de nouveau dedans. Alors elle descendait.
Les douze marches qui la séparaient d'en bas étaient abruptes et hautes. Elle ne devait pas glisser, alors elle posait sa main droite sur le mur de droite, et sa main gauche sur la paroi en fer de gauche. Arrivée en bas, elle tournait à gauche et allait s'asseoir sur l'un des grands tabourets carrés installés autour d'une épaisse table en métal. Il y avait quatre tabourets au total. Un pour sa mère. Un pour son père. Un pour un éventuel invité. Et un pour elle. Mais voilà, son père n'était jamais là. Et son tabouret restait toujours vide, tout comme celui de l'éventuel invité. Sa mère utilisait son tabouret. Tout comme elle.
Le "ding" familier retentissait, et de la large table sortaient deux plateaux repas. L'un se positionnait devant elle, et l'autre en face d'elle. Sa mère arrivait alors, la saluait d'un hochement de tête et s'asseyait. Elles inspectaient chacune le contenu de leur plateau. Une soupe verte, avec d'étranges morceaux à l'intérieur. Une purée blanche et grise fumante, et un verre remplit d'un liquide noir. Le repas habituel. Puis elles mangeaient en silence, soufflant sur leur plat brûlant et buvant à petites gorgées la soupe et la boisson.
Quand elles avaient terminé, elles repoussaient les plateaux au milieu de la grande table, et celle-ci les ravalaient. La table ne se rouvrirait que lors du prochain repas. Alors sa mère regardait les tabourets vides, les yeux creux et sans expression. Elle se levait et retournait par là où elle était venue, par une porte grise au fond de la pièce.
Et elle, elle se levait à son tour, remontait prudemment les douze marches, ouvrait sa porte et esquissait un semblant de sourire, avant d'aller s'allonger pour à nouveau partir.
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Untitled
General FictionDans un monde vide de sens, l'Organisation tente de redonner son humanité à ses habitants, tous sous le joug et l'influence du terrible Réconciliateur. Untitled #18041, une jeune fille recueillie par les rebelles, cherche à trouver sa place dans ce...