Chapitre 40 - Stand by me

2.2K 197 33
                                    


Point de vue d'Audrey

Mes yeux papillonnent pour la centième fois au moins en trois jours. Je n'arrête pas de dormir. Comme si je n'avais pas déjà eu assez à affronter, il a fallu que cet autre abruti fonce sur ma voiture. Je n'ai pas compris tout de suite ce qu'il se passait. Les deux secondes que mon cerveau a mis pour enregistrer l'information ont suffi à anesthésier mes réflexes. Le temps d'une respiration et l'autre véhicule était sur le mien. On raconte souvent que nous voyons notre vie défiler au moment de mourir. Je n'ai pas eu l'occasion de m'en rendre compte. Dans mon malheur, j'ai eu de la chance. Les ténèbres m'ont emportées directement. Je n'ai rien senti ou vu après le choc.

Le Docteur Mellendez m'a expliqué pour l'opération. Depuis cette dernière, ils me surveillent comme si j'allais leur claquer entre les doigts. Enfin, il m'a quand même dit que si mon état continuait à évoluer dans le bon sens, je serais bientôt transférée dans une aile moins stricte. Et j'en rêve. Sérieusement. Autant avoir quelqu'un qui s'occupe de soi est plaisant, si on excepte les soins qui sont plutôt incommodants, autant ne voir les autres qu'une heure par jour est frustrante. Surtout que je dors la plupart du temps. Du coup, leurs visites sont toujours entrecoupées et durent plus une dizaine de minutes qu'une heure entière.

Ils se relayent tous à mon chevet mais ne bougent visiblement pas de la salle d'attente d'après les infirmières. Lucas et Olivier se sont absentés le premier jour pour régler quelques détails et surtout aller parler avec Sylvie. Qu'est-ce que j'aurais fait sans eux? Ma petite chérie est encore trop jeune pour comprendre ce qu'il se passe et la réalité est d'autant plus dure à affronter pour elle. Lucas m'a ramené un joli dessin. Il l'a installé près de moi pendant que je dormais. J'ai eu la surprise de le trouver à mon réveil et une larme a glissé sur ma joue. Par contre quand j'ai voulu le prendre en main, une douleur abominable s'est faite sentir dans mon bras. Je n'ai réalisé qu'à cet instant que celui-ci était plâtré. Avec horreur, j'ai pu constater l'ampleur des dégâts sur le reste de mon corps. Ils me donnent tellement d'antidouleurs par intraveineuse que je ne m'imaginais pas être dans un tel état. Depuis lors, soit je dors, soit je déprime. Pourquoi ça m'arrive à moi? Qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu pour qu'il m'en veuille à ce point? La situation venait à peine de se régler avec Lucas et boum. Tout ce que je voudrais c'est un peu de bonheur et de paix. Est-ce trop demandé?

Mes moments de lucidité commencent à être plus nombreux. Mon organisme reprend des forces à vue d'œil. Il faut dire que je n'avais plus dormi autant depuis... j'ai beau chercher dans ma mémoire, je ne m'en rappelle pas. Je n'aurai visiblement pas de séquelles ce qui est déjà un bon point. L'aurais-je supporté? Aurais-je encaissé le regard des autres, et surtout de Lucas? J'apprends seulement à m'aimer et à comprendre que d'autres peuvent le faire également. Je ne veux pas perdre tout le travail que j'ai fait sur moi.

Une infirmière vient prendre mes constantes comme toutes les heures. Je ne sais pas ce qu'elle note mais au vu de son sourire, les résultats ne doivent pas être trop mauvais.

- Vous allez devoir me supporter encore longtemps à votre avis? lui demandais-je la bouche pâteuse.

- Comme vous y allez! Si tous les patients étaient comme vous, ce serait une véritable partie de plaisir, me dit-elle en me faisant un clin d'œil. Je crois que votre médecin va être ravi des dernières données. Est-il déjà passé vous voir aujourd'hui?

- Si c'est le cas, je devais dormir... pour changer.

Elle rit à ma remarque tandis qu'elle repose son carnet.

- Votre corps a besoin de récupérer. C'est normal que vous dormiez tout le temps. C'est même une très bonne chose.

- Mouais. En attendant, ma vie n'est pas très passionnante.

Lettres inavouablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant