Je ricanai.
'Je suppose que tous les soldats sont sûrement des personnes peu recommandables.'
Il me fixa un instant, pensant sûrement que je n'avais pas compris - ou que je refusais de comprendre - et haussa les épaules.
'Votre cousin est sûrement quelqu'un de très recommandable, tenta-t-il.
-Comment pouvez-vous l'imaginer? Vous ne savez rien de lui.
-J'ai sa famille devant les yeux depuis quelques semaines déjà.
-Continuez, j'adore me faire encenser.'
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire moqueur.
'Votre père, cet homme si pieux, juste, droit et généreux, n'apprécierait pas vraiment votre comportement. Ni votre mère, douce et bienveillante. Quant à votre sœur, que dire? Aucun mot assez puissant n'existe pour décrire l'adoration que je lui porte...
-J'ai compris!'
Leroy me regarda bouder quelques minutes, hilare, puis se remit à la tâche. Mais je ne comptais pas en rester là.
'Savez-vous au moins qu'il est inapproprié de parler de Lorelei en ces termes?
-Alors comment dois-je parler d'elle, Mademoiselle?
-Ne pas en parler tout court serait une bonne chose.'
Il ne comprit pas tout de suite que j'étais pour le moins sérieuse, mais sa mine finit par se décomposer.
'Je n'en ai vraiment pas le droit?
-Faites-vous une fortune convenable avant. Mon père ne la laisserait jamais partir ainsi.
-C'est vrai que je ne la mérite pas.'
Son air misérable me fit lever les yeux au ciel.
'Vous me feriez presque de la peine, Leroy.'
-Alors vous avez toujours eu ce caractère?"
Iris s'interrompit, mécontente que le biographe vienne encore y mettre de son avis.
"Et quoi, le scribe?
-Comment avez-vous pu entrer dans la société avec un comportement pareil?
-Je vous l'ai dit; j'étais en colère contre eux. Et il faut toujours se montrer complaisant avec les personne que l'on ne connaît pas; c'est ainsi que je me suis fait une place.
-Donc, si je comprends bien, vous n'avez un caractère déplaisant qu'avec les personnes que vous pensez bien connaître? Ou que vous appréciez?"
La vieille dame fronça les sourcils, mais un demi-sourire vint se loger sur ses lèvres.
"Je vous vois venir, le scribe. J'ai un caractère irascible avec tout le monde, maintenant, je que les connaisse ou pas, que je les apprécie ou non.
-J'aurais essayé. "
Le biographe marqua le point final sur son cahier et Iris poursuivit:
"Nous eûmes la chance de ne pas être de nouveau attaqués par l'armée ou les Légitimistes, qui furent somme toute rapidement dispersés - en l'espace de deux mois ou trois, si je me souviens bien. Au mois d'août, le village était habitable, et il nous fallut contacter les familles de nos deux énergumènes. Si d'Armence se sentit presque soulagé à l'idée de pouvoir rentrer chez lui, Leroy y montra quelque réticence.
"'Vous nous aviez pourtant dit avoir des frères, si je me souviens bien, rétorqua mon père, assis à son bureau, toute sa famille autour de lui.
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Mémoires du Siècle Dernier, tome 1 : Le biographe
Narrativa StoricaAoût 1913, Pays de Retz, Loire Inférieure. Iris de Douarnez, quatre-vingt-dix-neuf ans, est devenue une légende dans la région. Cloîtrée depuis une décennie au moins dans son manoir, la vieille dame reste un mystère chez la nouvelle génération, qu'...