Il s'appelait Léon.
Il avait des cheveux roux, longs, bouclés.
Et il les détestait.
Un jour il avait demandé à son père :
- Si je me coupe les cheveux court... Tu en penserais quoi ?
Son père le regarda, un air outré sur le visage.
- Pourquoi tu me demandes ça ? Ça va pas ? Tu penses vraiment que je t'ai élevé avec de si beaux cheveux pour que toi, toi... tu détruises tout ça sur un coup de tête ?
Il s'était éloigné, en colère. Léon, il savait que ce n'était pas un coup de tête. Sous cette masse de cheveux, cela faisait des années qu'il souffrait en silence.
Un autre jour, il avait demandé à sa mère :
- Si je me coupe les cheveux court... Tu en penserais quoi ?
Sa mère était partie dans un immense fou-rire, puis s'était reprise et lui avait dit :
- Très drôle, très drôle...
Et elle était retournée à la lecture de son journal.
*
* *
Léon s'était décidé à franchir le pas quelques années plus tard, une fois qu'il eut atteint la majorité.
À 18 ans, personne ne l'interdirait quoi que ce soit.
Il était allé chez un coiffeur de sa ville de cœur. Cette ville où il faisait ses études, loin de ses parents qui ne comprenaient rien à son désarroi permanent.
Il était entré, joyeux et sifflotant.
- Bonjour, lui avait-on dit, vous aviez pris rendez-vous ?
- Non... je...
- Alors je vous laisse patienter quelques minutes, en attendant que monsieur ait fini de se faire coiffer.
Léon jeta un coup d'œil à ce "monsieur".
La barbe, les muscles, la pomme d'Adam, la force, le sourire... La virilité.
Léon sentit son ventre se tordre.
Un sentiment de jalousie, d'envie, de colère l'étreignait.
Pourquoi cet homme avait les cheveux court et pas lui ?
L'homme lui jeta un coup d'œil dans le miroir. Léon détourna les yeux : c'est indécent de fixer les gens.
Et puis, de toutes façons, dans quelques minutes il aurait enfin les cheveux courts, lui aussi.
Enfin, le client s'en alla, non sans que Léon ne le détaille encore une fois de la tête au pied.
Le parfum Terre d'Hermès lui emplit les narines quand l'homme lui passa devant pour sortir de la boutique.
Ça sentait bon.
- C'est à vous, dit la coiffeuse à Léon. Qu'est ce qui vous ferait plaisir ?
Léon exposa son idée : les cheveux très très courts jusqu'aux oreilles, mais avec encore une masse sur le haut du crâne.
- Mais... vous êtes sûr ? Perdre toute cette masse de si beaux cheveux... c'est bête, non ?
- Non. Je les vendrai à une association si vous voulez, se défendit-il.
- On ne récupère pas les cheveux nous. Mais si c'est ce que vous voulez...
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Les ciseaux dans la masse
Short StoryIl voulait se couper les cheveux, alors il l'a fait. [Nouvelle en un chapitre, très courte]