Secrets qu'il vaut mieux ne jamais connaître

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A D A M

-Pargraff ?

-Quoi ? je grogne en levant la tête face au prof d'art visuel.

-Tes mains !

Je hausse les épaules en me rendant compte que celles-ci sont serrées, les poings crispés, luttant contre mes sentiments. Mes doigts sont comme pris au piège par eux-mêmes et ils n'arrêtent pas de se souder à mes paumes. Plus fort, jusqu'à se briser et faire éclater ma peau s'il le faut rien que pour s'accrocher du mieux que je peux à la vie, à l'instant que je hais.

Tout cela dans le petit silence qui s'est installé, dans le temps qui passe et les secondes qui se perdent dans un infini mortel.

Je lance une œillade provocatrice à Harmoniac comme pour le mettre au défi de stopper ces mains incapables de desserrer leur emprise fataliste.

Il soupire et se penche en avant au dessus de son bureau.

-Vous êtes au courant que je devrais être en histoire ? j'insiste en penchant la tête sur le côté et en posant à plat sur le sol mes pieds, prenant l'air le plus sérieux possible.

Après avoir posé sa main sur mon épaule, il m'a obligé, presque en me poussant contre vents et marées vers sa salle de cours en me répétant tout au long du trajet qu'il souhaitait que l'on discute.

Que l'on discute, c'est ça et qu'est-ce qu'il pourrait bien me reprocher ? Je n'ai rien fait de mal, sauf si prendre en photo les vérités honteuses que l'on cherche à cacher est mal.

À vouloir faire le bien, on finit par tout faire mal.

Ses mots se plantent dans ma chair comme une brûlure ébouillanté, ils me font douter et réveillent une fois de plus la colère que je croyais un peu plus tôt avoir calmé. Fais chier, moi qui croyais pouvoir contrôler au moins un peu cette fureur très envahissante, qui n'hésite pas à tout fait péter autour d'elle, comme un joli artifice créé par mon propre cul.

-Dis moi que tu t'en inquiète vraiment, se moque Harmoniac.

-Ça m'inquiète vraiment, je contre-attaque dans un mensonge, en fuyant mes pensées ainsi que la lettre qui semble pourtant luire au travers de mon sac comme si, à elle seule, elle était une fête foraine entière.

Le prof fait un geste vague de la main, pas le moins du monde embêté.

-Dans ce cas je te ferais une absence justifiée, ce n'est pas très compliqué. J'ai à te parler.

-Ça, vous l'avez déjà dit. Je ne sais pas ce que vous avez, mais j'ai rien fait de mal.

Les yeux gris et minuscules du prof inspectent mon visage... S'en est presque flippant, bordel ! On dirait un psychopathe se demandant quel goût peuvent avoir mes magnifiques cheveux.

-Je ne cherche pas à te réprimander, Adam.

-Vous seriez bien le seul du bahut alors, je ris ironiquement.

-Je sais ce que tu faisais. Tout le monde, je crois bien, connait la manière dont tu occupes la grande partie de ton temps.

-Je fais quoi ici alors ? je gueule avec ce regard haineux qui souhaite s'exprimer depuis tout à l'heure.

Il soupire à nouveau et secoue la tête.

-Pargraff, tes mains s'il te plaît.

Je comprends alors que je suis piégé, que le dialogue que nous avons eu plus tôt n'est qu'une introduction dans ce qu'a à me dire ce prof. Et si un jour je souhaite sortir de cette pièce, je dois lui obéir et cesser avec mes doigts liquéfiés par l'idée de me calmer.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant