Hopeless

2.2K 187 16
                                    


                  Je voulais hurler. Me débattre. Pleurer. Demander pourquoi. Des centaines, des milliers, non, des millions de pourquoi. Pourquoi moi. Pourquoi eux. Pourquoi je n'y comprenais rien. Pourquoi j'étais toujours la conne de l'histoire. 

Ça fait bientôt deux jours que je suis ici à tourner en rond comme un lion en cage. La situation me parait ridicule : je suis retenue en otage par mes propres frères. Ah et j'oubliais mon meilleur ami. Ça fait aussi bientôt deux jours que je passe mon temps a frapper le premier de ces traîtres qui ose se présenter devant moi. C'est pourquoi c'est un des idiots qui m'ont découvert la tête dans la fameuse salle ce jour là qui m'apporte mes repas. Le temps est long et je passe mon temps à me marrer. Il faut quand même bien avouer qu'il y a de quoi se taper un fou rire :

- Je me suis faite enlever par la mafia russe

- J'ai vécu l'enfer pendant un mois et demi enfermée dans un sous sol pourri

- J'ai finalement accepté la Russie et suis même tombée amoureuse d'un des fils du grand chef (chose que je pensais d'ailleurs impossible)

-   Je me suis refaite enlevée par un gang français, dans lequel il s'avère trouver mes deux cons de frères et mon ancien meilleur ami

- Je suis de nouveau enfermée, mais cette fois dans une chambre ultra moderne d'un putain d'immeuble parisien !

Ma vie est une parodie, c'est pas possible... 

- Selena? 

- Qui que ce soit, dégagez !

La porte s'ouvre doucement et ma mère entre pour se jeter sur moi et me prendre dans ses bras. Son odeur me rassure quelques instants, puis je me rappelle l'endroit où nous nous trouvons. Je la repousse un peu pour observer son visage, pour vérifier qu'elle va bien.

- Maman? Tout va bien? Il ne t'ont fait aucun mal?

Je vois tout ce que je ne voulais pas voir dans ses yeux. Des regrets. Des remords. Je recule de quelques pas.

- Maman... Ne me dis pas que...

- Je suis désolée ma chérie... Nous n'avions pas le choix. Personne n'aurait pu prédire que tu trouverais la petite avant les hommes de Matthieu... 

Je recule jusqu'au mur le plus proche. Ma mère. Ma propre mère était au courant de tout, depuis le début... 

- Si tu t'inquiètes pour la petite russe, ne te fais plus de soucis, jamais je n'aurais laissé faire du mal à une enfant, il fallait juste une distraction. 

Je la fixe sans rien dire. Je suis censée faire quoi moi là maintenant? Elle se rapproche de moi, un ricanement enroué sort de ma gorge.

- Ne fais pas un pas de plus.

Elle semble désemparée. Elle croyait quoi? Qu'après avoir entendu cette merde j'allais lui sauter dans les bras? La bonne blague.

- Je ne veux plus te voir. Sors d'ici.

Ses yeux prennent cette teinte plus sombre, celle qui annonce qu'on allait généralement se prendre un bon savon, mes frères et moi.

- Ne me parle pas sur ce ton jeune fille, je reste ta mère!

- Une mère qui utilise sa fille comme "distraction", c'est une mère, ça? Tu fais aussi partie du gang, comme Tom, Jackson et Luc, c'est ça? Et puis tu vas bientôt m'annoncer que t'étais au courant d'absolument tout ce que j'ai subis en Russie, que pendant que je moisissais dans une cave tu mangeais des popcorns en te régalant de ma situation? Et puis quoi d'autre, que papa fait aussi partie du gang? Johanne, Harry? Que tout le lycée était au courant sauf moi, la cruche de l'histoire, comme d'habitude?!

Elle semble surprise par ma répartie. Et oui maman, la petite fille que tu as lâchement laissé a quelques peu grandit. Mon regard se durcit. Je n'ai plus l'impression d'avoir ma mère en face de moi. C'est une inconnue.

- Maintenant sors de cette chambre. 

Une larme roule sur sa joue, mais elle s'exécute sans un mot. Une fois hors de ma vue, je m'effondre contre le mur et entoure mes genoux de mes bras. Comment ai-je pu me retrouver dans cette merde? Des larmes silencieuses font surfaces. Je les essuie rageusement. J'en ai marre de passer mon temps à pleurer. Aleck se ficherait bien de ma tronche s'il me voyait comme ça. Aleck... Un hurlement rauque sort de ma gorge sans que j'ai aucun contrôle. Ça y est, je hurle. Tout mon soul, toute ma rage, tout mon désespoir transparaissent dans ce qui semble être le plus déchirant appel à l'aide du siècle. 

Je me réveille recroquevillée au même endroit. Mes lèvres sont gercée, mes longs cheveux emmêlés me recouvrent comme un manteau et je me sens comme une enfant perdue. Une enfant perdue qui ne demande même plus sa mère. Je suis fatiguée. J'en ai ma claque... Un profond désir de tout foutre en l'air, y compris ma vie, me prend. Putain... Comment j'ai fait pour en arriver là...? Le désespoir ronge chaque fibre de mon corps et je me sens incapable de bouger. Même mes paupières me semblent atrocement lourdes. S'il vous plait... Aidez-moi... Je vous en supplie.... Je n'ai même plus assez de force pour pleurer. On en arrive à quel stade là... 

- Allez tous vous faire foutre!

Je m'appuie contre le mur pour me lever mais mon corps tremble tellement que j'ai le mal de mer. Je rassemble le peu de courage et de vie qu'il reste au fond de moi et parviens enfin à me mettre debout. Je capte mon reflet dans le miroir du dressing. Une fille pâle, que dis-je, transparente, me fait face. Des yeux noisettes rouges et gonflés d'avoir tant pleurer, éteints de toute espérance. Ses lèvres sont gercées, couvertes de sang séché d'avoir été trop mordues. Son corps parait frêle dans ses vêtements sombres, trop grands pour sa silhouette grelottante. Ses cheveux auburns, sont désormais apparents sous la coloration rouge non entretenue depuis des mois qui les cachaient du reste du monde.  Ils sont emmêlés et forment des nœuds probablement plus complexes que les nœuds de ris . Je regarde ce reflet, hébétée. Je repense à mes entraînements dans le studio de danse  avec Minha, à ce corps musclé et sexy que j'ai appris à aimer avec la précieuse aide de la métisse. Je repense à ce bonheur que je ressentais lorsqu'elle me disait qu'elle était fière de moi, de mes progrès. A l'immense joie qui embrasait mes sens lorsque je sentais les yeux perçants du plus bel homme au monde qui m'attendait dans l'embrasure de la porte. Aux frissons qui parcouraient mon corps lorsqu'il apposait un baiser sur mon front. 

Eux aussi t'ont abandonnés, Selena...






Et oui, je suis enfin de retour! Chapitre un peu court, mais ça aurait été dommage de le diluer avec plus de texte alors que je voulais lui donner de l'intensité. J'espère que ça vous plaira, et que vous ne serez pas lassés de supporter l'insupportable mais adorable Selena. Je vous fais à tous d'énormes bisous et vous souhaite de passer de bonnes fêtes, de profiter à fond de vos proches et des vacances (si vous en avez, chanceux!)!!



Yeux Gris Et Roulette Russe Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant