Une pluie fine et glaciale tombait sur le parc durant ce froid matin d'octobre. Les rosées matinales se dissipaient à peine tandis qu'un homme passait la barrière du parc et saluait le gardien. Il était vêtu d'une veste dépareillée verte et d'un vieux pantalon noir. Il triturait dans ses mains une vieille casquette de détective londonien de laquelle dépassait d'épaisses touffes de bouclées châtains tandis qu'il avançait aussi vite que sa petite taille lui permettait. Pourtant, malgré la pluie glacée, l'excentrique visiteur ne tenait pas le moindre parapluie. A la place, il triturait entre ses mains pâles un carnet et un stylo.
Le gardien, un homme d'une cinquantaine d'année vêtu d'un uniforme caractéristique, s'approcha du visiteur et dit d'un ton monocorde en détaillant avec curiosité le drôle d'oiseau qui bravait la pluie et qui ressemblait à un vendeur de journaux du début du siècle dernier :
- Bonjour Monsieur. Vous n'êtes pas sans savoir que l'accès à cette zone est réglementé. Pourriez-vous décliner votre identité et la raison de votre venue, afin que je puisse savoir si vous disposez de l'autorisation nécessaire ?
L'homme leva vers le gardien un regard étonné, presque hagard, que la pâleur du visage ne faisait qu'accentuer. Il dit farfouilla maladroitement dans ses poches et bafouilla :
-Oh bien sûr. Je suis Stanley Dickens, journaliste. Je viens à la demande du Dr Ratzinski.
Il tendit au gardien un papier froissé. Le gardien le prit et le lue avec étonnement. Pourquoi le docteur Ratzinski, éminent universitaire d'à peine 35 ans, faisait il venir un excentrique reporter, au look démodé, au regard marron hagard et qui semblait à peine sortir de la vingtaine ?
Certes il ne pouvait comprendre ce qu'un tel historien faisait un samedi matin dans un parc isolé près de Londres, surtout par ce temps glacial, pour venir voir une vulgaire cabane. Mais surtout, pourquoi s'affubler d'un jeune reporter semblant sortir d'une mauvaise adaptation de Sherlock Holmes ?
Le gardien haussa les épaules. Après tout, ce n'était pas ses affaires. Il rendit le laisser passer au reporter et lui fit un signe de tête affirmait au reporter. Le regard de ce dernier papillonnait autour de lui et il griffonnait frénétiquement dans son carnet.
Stan inclina respectueusement la tête envers le gardien et poursuivit son chemin sur le sentier de terre détrempée qui s'enfonçait dans le parc. L'eau s'infiltrait dans les profonds sillons creusés dans la terre par une quelconque. Le regard de Stan courut le long de ces sillons, entailles qui semblaient déchirer le flanc de la terre, révélant ses sombres entrailles. Il se demandait à quoi pouvaient servir de telles excavations. Le reporter haussa finalement les épaules et poursuivit son chemin à travers les quelques arbres qui bordaient le chemin du parc. Il marchait d'un pas tranquille, seulement parfois accéléré par l'inconfort que lui procurait les gouttes que déversait le ciel.
Au bout de quelques minutes de marche, le chemin s'élargit et les sillons laissèrent places à une route dégagée. Les alentours boisés débouchèrent finalement sur une vaste plaine au milieu de laquelle se tenait un petit cabanon au bois décrépit. Stan sentit peu à peu les battements de son cœur s'accélérer et son intérêt se raviver. Il allait enfin savoir pour quelle raison son vieil ami l'avais convoqué un matin ou il aurait pu rester allongé au chaud dans son lit douillet. Près du cabanon se tenait trois hommes. L'un d'entre eux examinait la porte tandis que les deux autres discutaient avec animation.
En s'approchant, Stan reconnut immédiatement le Dr Ratzinski. Celui-ci arborait son éternel costume trois pièces bleu foncé impeccablement repassé et sa barbe soigneusement taillée. Pourtant, cette apparence ordonnée que dégageait l'universitaire contrastait avec son excentricité naturelle, visible tant par sa conversation qui maniait décontraction et idées savantes que par son goût pour les affaires étranges et à première vue, indigne d'un universitaire diplômé de Cambridge et dont les écrits étaient mondialement connus. Seuls les courts cheveux de Ratzinski, étrangement coiffés en bataille, témoignait de ses étranges manières.
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Le carnet de Waverley Hills
Gizem / GerilimParc de Waverley Hills, Royaume-Uni, 2018. Un petit cabanon insignifiant au milieu du parc. Alors pourquoi diable intéresse t'il autant le célèbre universitaire Rudolf Ratzinski , historien de son état ? C'est ce que se demande son ami, le reporter...