The Snappish

Chapitre 3

Chapitre 3

Un regard de tueur, les arcades sourcilières froncées, les yeux rentrés, une mâchoire carrée, un nez fin et long, un buste large et musclé, mais pas dans l'excès. Des tatouages qui rappellent ceux de ses bras sur la poitrine. Ses cheveux presque blonds, en bataille. Des cicatrices qui parsèment son corps. Cet homme a une beauté animale, sauvage, attirante et effrayante.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je ne saurais dire réellement pourquoi. Peut-être parce qu'il m'attire physiquement et que je vais le voir se battre ? Un homme n'est jamais plus beau que dans l'effort. Il va transpirer, sa peau va briller, ses muscles rouleront sous les coups qu'il va porter à son adversaire.

Ou bien ma respiration s'emballe parce que je crois connaître ce barbare ? Je n'en suis pas certaine. Peut-être que j'affabule, parce que celui à qui je pense à un corps de fou également. Sauf que je ne l'ai jamais vu si peu habillé. Par contre l'homme auquel je pense est aussi peu aimable que celui qui se trouve dans cette cage.

— Joey ? Connais-tu le vrai nom de Snappish ?

— Rien du tout, cet homme est un mystère pour tous. Nous ne savons absolument rien sur lui. À part qu'il gagne pratiquement tous les matchs, toujours avec la même hargne au ventre. Et qu'il arrête de combattre pendant quatre mois en fin d'années. C'est peut-être aussi ce côté mystérieux qui attire tant toutes ces femmes.

— Pas que, non. Pas seulement ce côté mystérieux.

— On ne peut pas lutter contre lui, vous en tombez toutes raides dingues. C'est incroyable. Qu'est-ce qu'il a de plus que moi ?

— Enlève ta chemise, je te dirais. Tu es certainement plus agréable que lui et peut-être aussi bien foutu, qui sait. Il ne sourit pas, son visage affiche une rage effrayante. Pa, tu connais ce tatouage sur son dos ?

— On dirait un gang, pas certain, je ne les connais pas tous. Si tu regardes bien, je pense qu'il a commencé à en enlever des morceaux. Peut-être le nom du gang justement.

— Impossible, pas lui, non, il ne peut pas faire partie d'un gang de bikers assoiffés de sang. I.m.p.o.s.s.i.b.l.e ! Non, non, non.

Mes yeux restent scotchés sur cet homme, je n'en reviens pas. Je me pose des milliers de questions, sur son compte. Si vraiment il est celui à qui je pense, pourquoi être si différent. Est-il deux hommes à la fois ? Un frère jumeau ? Des envies de meurtres refoulées ? Quel plaisir ce très élégant PDG, prend-il a extériorisé toute sa rage en frappant sur un autre ? D'où lui vient cette hargne soi-disant si forte ?

Je me contiens de ne pas descendre près de la grille et d'appeler « Sam Cox » pour voir s'il se retourne. Et ensuite ? Lundi il me virera, parce que j'ai découvert son secret, inavouable ?

Nerveusement, je mange mon deuxième pot de pop-corn. J'attends ce combat avec impatience. Je veux voir ce que l'homme, qui ressemble terriblement à mon patron, a dans le ventre. Si c'est lui, lundi je me fais toute petite ! Non, ce n'est pas mon genre. Si c'est véritablement l'homme en costard cravate, élégant, sûr de lui et hautain, je demande à avoir un rendez-vous avec lui. Je veux connaitre son secret. Je suis une horrible curieuse, têtue, je ne lâcherais pas l'affaire.

Comment vais-je pouvoir le regarder en le croisant furtivement dans les couloirs ? Je vais fantasmer sur ce qu'il y a sous ses costumes griffés. Il va me rendre dingue ! Et lui, froid comme la glace, comme à son habitude. Pffff, non, non, non, ce n'est pas lui, impossible. Trop de différence de vie entre ces deux hommes.

Le combat commence fort, un uppercut et son adversaire est déjà au sol ! Son visage devient méchant, effrayant. L'autre se relève et réplique, toujours et encore, plus fort à chaque fois. Laissant Snappish sonné. Il se reprend, serre ses poings, ses narines se gonflent de fureur et sans prévenir inonde son adversaire de coups tous plus fort, plus rageux, il s'acharne sur lui avec un rage si puissante que tout le monde en a le souffle coupé. Plus personne ne crie, ne parle, je ne vois que lui, cet homme avec un tel besoin inexplicable de déverser une rage si intense sur son adversaire. Jusqu'au bout, il frappe et frappe encore et toujours. Il a l'air comme possédé, il est effrayant, inquiétant et pourtant au fond de moi je le trouve touchant. Je ne peux pas expliquer ce sentiment que je ressens. Un homme ne peut pas avoir une telle hargne sans une bonne raison.

Le combat ne dure pas très longtemps. Snappish a encore une fois prouvé qu'il portait bien son nom. Son adversaire est au sol, agonisant. Lui reste debout au milieu du ring, les yeux dans le vague. Ruisselant de sueur, rouge écarlate, des veines énormes venant lui barrer le front et les tempes. Je ne peux plus détacher mon regard de lui. Comment peut-il être un autre ?

Les femmes sont toutes descendues près de la cage maintenant. Elles hurlent, pleurent, se jettent sur les barreaux en hurlant comme des groupies, son pseudo. Elles me font rire, retenez-vous mesdames, vous êtes en manque ou quoi. De toute façon personne ne l'aura, l'homme de glace ne parle pas, ne drague pas. C'est plutôt l'homme des cavernes oui ! Je le vois bien tirer sa femme par les cheveux. Mais putain, qu'est-ce qui l'est beau. C'est incroyable cette beauté sauvage, tout ce que j'aime chez un homme. Dommage pour le reste.

Aussi vite qu'il est arrivé, il disparaît, me laissant avec mes questions, mes doutes et mes fantasmes.

Après un tel choc, j'ai besoin de me changer les idées. J'en avais déjà envie avant de voir mon patron se prendre pour Hulk, maintenant j'ai réellement besoin que Joey me fasse oublier cette soirée étrange. Je plante un peu mon père, qui comprend très bien pourquoi et demande à ce beau ténébreux de me suivre jusqu'à chez moi. Il ne se le fait pas dire deux fois. Il enfourche sa moto, une super Indian assez vieille et me colle jusqu'à mon petit studio au-dessus de la boutique.

Je passe une nuit très étrange, pour être honnête. Jamais je n'ai fait l'amour avec un homme, qui me plait beaucoup, en pensant à un autre ! Pourtant ce fichu patron n'a rien pour m'attirer, à part son physique, mais sincèrement, même si j'ai déjà couché que pour le physique d'un mec, j'ai changé. Peut-être est-ce le mystère que cache cet homme, qui m'interpelle ? S'il était plus souriant, aimable et agréable, il pourrait être un homme que j'aimerais avoir.

Le courant passe très bien avec Joey, il reste tout le dimanche avec moi. Nous le passons au lit, la plupart du temps. Il est vraiment très beau mec, amusant, intéressant et un très bon coup ! J'aurais aimé qu'il reste coucher dimanche soir avec moi, cela m'aurait évité de penser à mon lundi chez Cox Gear. Mais il travaille tôt, chez Ford où il est dessinateur de prototypes. Il m'épate, je l'aime beaucoup et m'en veux un peu d'avoir eu la tête ailleurs.

Je l'invite à venir manger lundi soir, ici chez moi, pour me faire pardonner. Mon esprit et mon corps seront totalement pour lui. J'en ai terriblement envie.