Je me souviendrai toujours de ce mois d'août 1865. Un été bercé par une chaleur lourde et pesante. Je passais mes vacances en Italie, dans la province de Catane, pour être plus précis. J'y suis allé tout particulièrement dans le but de m'inspirer pour un roman que j'allais écrire dans un futur proche. Lors d'une promenade, je cherchais dans les rues de l'inspiration à l'aide de la culture italienne, des paysans qui s'essuyaient le front de leurs manches de chemises retroussées, des ouvriers qui travaillaient d'arrache pied pour subvenir aux besoins de leur famille plus ou moins nombreuse. Je m'inspirais de cette réalité sombre qui était tout simplement la vie, de cette société malsaine et en péril.
Je longeais cette rue, brodée de marchands en grand nombre, vendant des fruits et légumes, ou des bricoles qui puaient la contre façon. Des diseuses de bonnes aventures, qui vous promettaient un bel avenir, pour gagner leur vie, elles aussi. L'inspiration ne venait pas, mes idées étaient brumées et incertaines. Je pensais à mon retour en France, personne ne m'y attendait là bas, pas même un parent. Ma femme est morte il y a maintenant quatre ans, elle s'est suicidée, plus exactement suite à la mort de notre fils, Lucien. Suite à cet évènement, elle fit une dépression, une dépression qui la conduisit là où elle devait la conduire, à la mort. Je l'aimais à en mourir. Je revois encore son corps pendu en l'air, son visage qui n'indiquait plus aucune expression, sa voix qui ne traverserait plus la limite de ses lèvres, son rire que je n'entendrais plus jamais. Aujourd'hui sans elle je me bats, je lutte contre mon cœur meurtrit. Aujourd'hui, je ne vis pas, je survis.
Perdu dans mes pensées qui n'étaient que pour elle, je bousculais les gens, dont je ne me souciais plus à présent. Le sentier était interminable, on n'en voyait pas le bout. Je marchais avec nonchalance. Cependant, seul un bruit réussit à me faire sortir de mes rêveries lugubres. Un bruit inconnu, un bruit d'animal féroce et monstrueux qui sortait de nulle part. Le sentier me parut d'un coup plus court, quand tous les gens affolés couraient dans le sens inverse du miens. Au bout de ce chemin se tenait un volcan du nom d'Etna, le cracheur de feu. Celui-ci poussait des hurlements coléreux et haineux, tel un dragon voulant calciner sa proie.
Je restai sans bouger plusieurs minutes, l'affolement dans les veines, et la conscience qui me disait de partir en courant, mon cœur qui lui voulait sortir de ma poitrine, et mes pensées euphoriques qui obligeaient mes membres à rester immobiles. La lumière fade du jour se transforma en une épaisse couche de nuage noir comme l'enfer, et la lave jaillissait du cratère, aussi rouge que Satan.
« Mon Dieu pourquoi m'infliges-tu ça ? N'ais-je pas déjà assez souffert ? » Disais-je à voix haute, comme si cette personne divine allait m'écouter et allait avoir pitié de mon être démoli par la souffrance.
La mort me regardait du haut de ce volcan, elle me disait que c'était l'heure, mais avant l'heure pile, elle me forçait à avoir peur, à trembler et à hurler de terreur. La mort est peut être une bonne chose, mourir pour recommencer, mourir pour rejoindre ma femme et mon enfant, mourir et vivre dans l'au-delà, loin de cette réalité écorchée.
La terre commençait à trembler, tout autant que mes membres le faisaient, l'air était trop chaud, le silence m'assourdissait, la peur me hantait, le doute me rongeait, partir en courant, ou rester face à une nature qui se déchainait sous mes pieds ? Je me rendais compte, en voyant l'évènement qui se déroulait, que l'être humain n'était rien, qu'une misérable poussière dans un monde immensément grand et infini, un microbe sans rôle et sans utilité. L'horreur de ce spectacle glaçait mes veines, la nature est maîtresse de tout, elle peut choisir notre destinée, elle peut nous détruire en un seul coup de vent, nous réduire à ce que l'être humain était à la base, au commencement : Le néant.
La rue était désormais désertique, j'affrontais seul Etna, debout face à elle, terrifié de la pointe de mes cheveux jusqu'au bout de mes orteils, je lui tenais tête. Ce dragon géant s'énervait de plus en plus, crachant lave et fumée, comme pour se venger de ces humains sans humanité qu'elle voyait. Une pluie fine de cendres venait brûler ma peau, c'est à cet instant précis que je compris, que je devais courir. La lave s'écoulait contre la masse rocheuse et robuste du volcan, elle arrivait vers moi, la peur avait pris possession de mon corps, mes jambes hors de contrôle courraient seules à toute vitesse, ma vie ne tenait à présent qu'à un fil, la mort glissait vers moi en me tendant la main, d'une voix sanglante elle m'appelait à elle. Mais je ne voulais pas mourir noyer et ébouillanté dans une vague de feu.
Quelques kilomètres plus loin je trouvai un abri bétonné, qui pouvaist résister à ce phénomène monstrueux. Je m'y logeai. Et c'est à ce moment là que je réalisai, que la mort ne m'emportera pas. Grâce à cela, je trouvai l'inspiration dans ce souvenir traumatisant, qui me suivra pour le restant de mes jours, qui me fera cauchemarder, tout comme me fera rêver.
Andréa D.
YOU ARE READING
ETNA
Short StoryNouvelle retraçant l'aventure d'un homme malheureux. Etna, le volcan en feu, une délivrance ou une souffrance ?