I - Jace

9 0 0
                                    

...

« Jace, réveille-toi ! »

...

« ALLEZ JACE ! Debout !!! »

J'ouvrit les yeux en sursautant. Où étais-je ? Je parcourus la pièce de mon regard sans la reconnaître et me levait, torse et pied nu, pour courir jusqu'à la fenêtre. Arrivé devant, je poussais les volets d'un coup sec et rapide. J'inspirais profondément, apaisé, en apercevant la mer en contrebas. La mémoire me revînt soudain et je me retournais, l'air toujours un peu perdu, vers la voix qui m'avait réveillé.
Mon frère, Jake, était appuyé nonchalamment contre l'encadrement en bois de la porte de ma chambre, avec un sourire amusé sur la visage. Ses longs cheveux blonds et bouclés lui retombaient jusqu'aux épaules, carrées et musclées. À la différence moi, son petit frère, il avait les mêmes yeux verts pénétrants que leur père.

« Dépêche toi Roméo, ce matin c'est moi qui t'emmène au lycée. Faudrait pas que tu arrives en retard le premier jour. »

Ayant prononcé ces mots, Jake se retourna vers les escaliers et descendit. J'observais un instant son corps élancé qui descendait les marches quatre à quatre en sautant, prenant appui sur la rambarde avec ses bras.

Je soupirais et jetais un coup d'oeil à mon portable posé sur mon lit : 6h50.
Je m'apprêtait aujourd'hui à vivre mon premier jour de Terminale Scientifique au seul lycée de l'île de Maui, situé entre Kanaha et Honolulua Bay. La vie sur cet Archipel d'Hawaii allait contraster fortement avec ma Californie natale où j'ai toujours vécu. San Clémente me manque déjà. Lorsque mon père nous avait annoncé que nous allions déménager ici, je n'y avait pas cru. Pourtant quelques semaines plus tard nous voilà tous dans une nouvelle maison, avec la nouvelle vie qui va avec.

Je me suis dirigé vers un panier de linge posé sur le sol, en enjambant les cartons de déménagement qui jonchaient le parquet de ma chambre. J'attrapais un bermuda en jean dont les coutures déchirées des extrémités pendaient sur ses genoux, et l'enfilait. En me relevant, je rencontrais mon reflet dans le miroir mural et m'arrêtais net.

C'était bien moi, pourtant quelque chose avait changé. Je me sentais plus mûr qu'une semaine auparavant. Mes cheveux blonds et bouclés offraient des teintes tantôt miel tantôt brunes. Mes yeux bleus, sombres comme l'océan les jours de tempêtes, faisaient ressortir mon teint doré. J'avais le visage fin et aux formes harmonieuses, mais ce matin il était barré par de longues cernes noires.
Je soupirais : le déménagement m'avait épuisé ...

Je finissais d'inspecter chaque parcelles de mon corps, je ne sais pas pourquoi, peut être pour vérifier que je n'avais rien laissé en Californie. Mes épaules. C'est bon. Mon torse. Ok. Mon bassin. Check. Mes jambes : tout est en place. Je m'arrêtais alors aux détails de mes bras. Ils étaient longs, un peu trop peut être, mais je savais qu'ils étaient forts. À force de ramer, je m'étais forgé une carrure puissante. Je connais mes limites, et je sais que mes bras sont capables de me maintenir hors de l'eau pendant de longues heures. Avant, je m'entraînais sur la plage avec un tonneau en bois : je devais le maintenir contre la houle sans le lâcher et sans reculer.

En observant mon avant bras gauche, mes yeux s'arrêtent un moment sur l'impressionnante cicatrice blanchie qui me barre le bras du haut du coude jusqu'au poignet. Je reste quelques secondes en pleine contemplation, lorsque Jake m'appelle d'en bas :

« Jace, allez dépêche toi ! Je te préviens, si t'es pas prêt dans 5 minutes je me casse sans toi ! »

Je cligne des yeux pour m'arracher à ma torpeur et j'enfile un T-shirt noir qui traîne au pied de mon lit. Je fourre deux stylos et un paquet de copies dans mon sac de cour et je dévale les escaliers en glissant sur la rampe. Arrivé en bas j'effectue un petit saut et lance mon sac dans l'entrée avant de me diriger vers la cuisine.

Là, mon père lève les yeux de son journal et me lance :

« Eh bien quel enthousiasme ! J'espère que tes futurs professeurs diront la même chose après quelques heures de cour ... Tu as bien dormi ? »

Mon père, médecin talentueux, homme brillant et serein, me fixe en attendant ma réponse.

« Oui, oui très bien ! Et toi ? »

Mon père hoche la tête en souriant et se replonge dans sa lecture. Le déménagement a été si intense qu'il n'a pas eu le temps de s'occuper de lui, et je vois sa barbe naissante négligée apparaître sur sa mâchoire. Ses yeux verts sont concentrés sur le journal, et la lumière du soleil déjà bien haut de si bon matin éclaire ses cheveux bruns grisonnants.

J'attrape une tranche de pain posée sur la table et je la coince entre mes dents le temps que j'enfile mes baskets. Lorsque je me redresse, j'aperçois Jake à travers la porte d'entrée grande ouverte : il porte un jean et un T-shirt blanc couvert d'une veste en cuir. Appuyé contre la portière de sa voiture, il me tourne le dos et envoie des textos sur son portable. J'attrape ma tranche de pain dans mes mains, et tout en la mâchonnant je dis au revoir à mon père, qui m'adresse un signe de la main sans même lever les yeux.
Je me dirige vers Jake et je m'installe dans sa décapotable bleue. Il éteint son portable et monte à son tour.

« À qui tu parles ? » lui demandais-je.

« À Tiphanny. Elle a du mal à accepter notre rupture. Elle essaye de m'appeler, mais je lui ai fait comprendre qu'il valait mieux qu'on en reste là » réponds Jake.

Je pousse un soupire et lève les yeux au ciel. Parmi la multitude des petites amies de mon frère, Tiphanny est celle que j'aimais le plus. Et Jake l'a vraiment traité comme un déchet lorsqu'il l'a quitté, deux jours après avoir appris qu'on allait déménager.

Ce dernier remarque mon air contrarié sans vraiment y faire attention et fait vibrer son moteur avant que l'on démarre à toute vitesse.

Pendant le trajet je regardes inlassablement tout autour de moi. Le paysage est magnifique. Les palmiers défilent et j'aperçois entre chaque cocotiers des plages de sable fin recouvertes d'eau translucide. Des vagues naissent un peu plus loin sur les récifs. Ça change tellement de San Clémente : cette partie de l'île est celle qui est encore sauvage, habitée par les descendants des tribus Hawaïennes.

Nous mettons environ 1/4 d'heure pour arriver devant le lycée. C'est un endroit qui ne m'a jamais effrayé : j'ai toujours été le mec populaire que tout le monde aime et que les filles regardent en secret. En arrivant sur le parking du bâtiment, je constate l'état de l'établissement. Les locaux sont modernes, les salles semblent toutes posséder des baies vitrées. La majorité des élèves sont de vrais Hawaïens : ils ont le teint beaucoup plus mat que le mien, des cheveux foncés et rares sont ceux qui ont les yeux clairs.
Plusieurs groupes discutent entre eux : des filles rigolent, leurs cahiers dans les bras, des garçons assis sur le capot de leur voitures semblent en grande discussion. Lorsque Jake gare la voiture et que j'en descends, les conversations s'arrêtent. Les filles tournent toutes leur regard vers mon frère et moi. L'instant de surprise passé, elles se mettent à chuchoter en souriant à leurs amies, sans nous quitter une seconde des yeux.

Jake leur renvoie un sourire tapageur. Tous les deux nous avons toujours eu beaucoup de succès auprès de la gente féminine, mais contrairement à mon frère cela m'ennuie plus qu'autre chose. Je soupire avant de lancer à Jake :

« Merci de m'avoir emmené. Maintenant tu devrais te dépêcher de rouler jusqu'à ta fac.»

Je préfères l'éloigner avant qu'il ne se mettent à draguer ces lycéennes sans défense.
Légèrement déçu de ma réaction, il me lance :

« T'inquiète pas Roméo. Ici c'est ton terrain de chasse, je te le laisses. J'ai tout ce qu'il me faut à l'université. »

Je lui adresse un regard noir et me retourne nonchalamment vers l'entrée principale. Seul le bruit de son moteur m'indique qu'il est reparti.

Allez, pour moi tout commence maintenant.

A Surfing Story Où les histoires vivent. Découvrez maintenant