Chapitre 32

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N°6 : Offrir ma fleur:

J'ai couché avec Shawn.

J'ai perdu ma virginité avec lui.

Ce sont les deux seules pensées que j'arrive à formuler depuis que Shawn m'a lâché sa bombe. Sans le savoir, en plus. Ça doit faire cinq bonnes minutes maintenant. Cinq minutes que je me suis éloignée de lui à reculons pour me laisser tomber dans le canapé, la tête entre les mains. J'essaye d'assimiler l'information et de la traiter au mieux, mais sans cesse, mon esprit me rappelle à ces deux foutues phrases.

J'ai couché avec lui. J'ai perdu ma virginité avec lui.

Envolée avec elle ma chance de connaître l'incertitude et l'hésitation caractéristique de la première fois. Bien sûr, en quelques sortes, ma prochaine fois sera ma première, puisque je n'ai aucun souvenir de ce qui a pu se passer à la fête de Mike. Et en toute honnêteté, je ne suis pas sûre d'avoir envie de connaître les détails.

C'est assez étrange, en fin de compte, je n'ai jamais idéalisé ma première fois avec un garçon. Contrairement à mon premier baiser, ou à mon premier vrai rendez-vous, mais à présent je ne peux réprimer cette vague de déception et de dégoût qui m'envahit. A tel point que, lorsque Shawn prononce mon prénom, probablement pour la centième fois, c'est l'électrochoc. J'ai besoin de solitude. Je me lève du canapé, presque comme un automate et me dirige vers la porte d'entrée que j'ouvre en grand:

- Tu devrais y aller, dis-je simplement à Shawn, qui me regarde toujours depuis le salon, l'air complètement paniqué.

J'imagines ce qui peut lui passer par la tête quand il m'entend parler, alors j'essaye de me radoucir, tant bien que mal. Je ne sais pas encore ce que je pense de tout ça, ni même comment gérer la situation, tout ce que je sais, c'est que j'ai besoin de me retrouver seule quelques temps et finalement, cette punition que je maudissais il y a quelques minutes, tombe à point nommé.

- Mon père ne devrait plus tarder à rentrer, et s'il te trouve ici, je risque d'avoir encore plus d'ennui, tenté-je avec un demi sourire.

- Tu es sûre que ça va ? demande-t-il en avançant vers moi à grandes enjambées, toujours aussi inquiet.

- Oui, je t'assures, le rassuré-je tant bien que mal.

Mais je ne suis pas crédible, je le sais. Malgré mes tentatives, je n'arrive pas à le regarder dans les yeux. Et quand il tente de m'embrasser avant de partir, je tourne la tête pour lui tendre ma joue. Je n'ai aucune envie de le rendre responsable de ce qui s'est passé. Parce que, quand je repense à ma danse avec ces filles - que je ne connaissais pas - , et la manière dont j'ai embrassé l'une d'elle, je me dis qu'il est fort probable que je sois celle qui a pris les devants. Et comment le culpabiliser pour quelque chose que j'ai peut-être initié moi-même ?

Pourtant, quand je referme la porte, je ne peux ignorer la petite voix dans un coin de ma tête qui me dit qu'il aurait dû se rendre compte que je n'étais pas dans mon état normal.

- Oui, mais il était aussi très alcoolisé de son côté... me dis-je alors que je me dirige vers la salle de bain, prise d'une furieuse envie de me doucher.

Je laisse l'eau brûlante couler sur ma peau jusqu'à être comme anesthésiée. Et bientôt, je ne ressens plus ni la chaleur, ni la douleur lancinante qui me vrille la poitrine. Juste le vide et le froid qui m'enveloppe. Je comprends alors deux choses. La première, c'est que j'ai sûrement vidé le ballon d'eau chaude. Et la seconde, c'est que je ne peux pas rester comme ça. Coincée dans une sorte immobilisme, entre le choc et le déni. Ce n'est pas mon style. Déjà quand ma mère nous a annoncé qu'elle partait, il ne m'avait fallu que deux jours pour assimiler l'information et envisager l'avenir sous un oeil nouveau. Bien sûr ça n'a pas été facile, j'ai été rattrapée par la tristesse bon nombre de fois, mais j'ai tenu le cap.

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