3 狐狸神 Esprit Renard

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Yuya passa au-dessus du parquet qui s'était effondré en utilisant un sortilège matérialisant une couche d'énergie assez solide pour supporter le poids de son corps quelques secondes. Sa première bonne idée de la journée. 

Il essaya de courir dans le couloir, mais la pression de l'air était telle qu'il pouvait à peine faire un pas après l'autre sans tomber. Le sort qui avait été lancé sur l'école semblait comprimer les murs et les êtres qui se trouvaient à l'intérieur comme un étau invisible. Il parvint à rejoindre les cuisines après quelques minutes de marche interminables.

Lorsqu'il ouvrit les portes à battant du réfectoire, de grosses gouttes de sueur perlaient à son front et son cœur s'emballait. Il fallait qu'il trouve un moyen de s'en remettre rapidement.

Il passa dans les cuisines désertes et entra dans les toilettes des employés, une salle lugubre, couverte de céramique et éclairée d'une lumière d'un vert dérangeant. Il s'appuya sur le lavabo et fixa son reflet dans le miroir en face de lui.

C'était un sort de niveau trois, ou plutôt une technique de manipulation de son propre mental et de son corps, qu'il avait vu dans un livre plus avancé. A cet instant, sous la pression magique et la tension constante du bâtiment qui allait s'effondrer, il n'avait plus le temps de douter.

Il ferma les yeux une seconde pour murmurer les mots qu'il avait appris par cœur. C'était les mots du sort de base de métamorphose, un sort de niveau six. Ce qui changeait pour son sortilège de niveau trois, c'était le fait qu'il fallait ouvrir les yeux au bout de la troisième phrase et se concentrer sur son corps. Il récita les mots lentement et fixa son reflet.

Son cœur devait s'apaiser, sou pouls devait ralentir, il lui fallait plus de vigueur pour s'éloigner de l'école et passer par la forêt... La forêt... Non, il valait mieux ne pas y penser du tout.

Il regarda ses cheveux noirs mi-longs qui tombaient sur son visage. Ils étaient trempés de sa propre transpiration. Puis il se concentra sur son visage, ses yeux fins en amande, sa bouche effilée comme une feuille de laurier dont il ne contrôlait plus le souffle. 

Son petit nez pointu lui rappela un instant le visage de sa mère, lorsqu'elle tenait le sien entre ses mains usées par les filets de pêche. Il la revoyait l'encourageant, un sourire triste aux lèvres : « Tu seras un grand sorcier, Yuya, tu as le visage malicieux et fier d'un renard, tu seras apprécié de tous et respecté pour ta grandeur d'âme... ». Un visage de renard, pensa-t-il. Alors pourquoi les esprits des renards ne lui venaient-ils pas en aide à cet instant ?

Il se concentra finalement sur ses propres yeux et les fixa intensément, jusqu'à ce que ses paupières sèches commencent à devenir brûlantes. Il se voyait en renard, il se voyait vif, agile et serein à la fois, comme le roi des terriers, sûr de son coup.

Il fallait qu'il s'échappe de ce traquenard, qu'il fuit la chasse qu'on menait contre lui et les siens. La forêt. Oui, il ne pouvait pas emprunter les grands chemins pour aller à la ville, on reconnaîtrait sa fourrure. Il fallait qu'il aille se cacher dans les bois. Ces réflexions n'étaient plus celles d'un homme, mais bien celles d'une bête. Il n'avait plus peur des bois et de la Nature, il avait peur des Hommes qui lui voulaient du mal. Le sort avait fonctionné.

D'un seul coup, il s'écarta du miroir, rompant l'hypnose. Il sourit et se trouva quelque chose d'étrangement canin. Son cœur s'était calmé et il avait retrouvé un peu de courage. La pression magique n'était plus une difficulté pour lui. Il était à présent l'esprit du renard.

Il allait repartir en cuisine lorsqu'il entendit un bruit lointain, un bruit que ses oreilles humaines n'auraient pu déceler quelques minutes plus tôt, celui de quelqu'un entrant dans le réfectoire. Etait-ce un élève ? Il huma l'air et ne sentant pas d'odeur connue, il entra dans la cuisine en se cachant derrière les plans de travail en inox. 

L'emprunte magique que transportait la personne qui venait d'entrer, un homme, était beaucoup plus forte que pour des étudiants. Il devait déjà maîtriser des sorts puissants, mais son énergie n'était pas impressionnante. Il n'était pas responsable du sort dans lequel était enfermée l'école.

Yuya avança silencieusement vers la porte. S'il voulait s'échapper du bâtiment, le réfectoire était la seule issue menant vers l'extérieur. Il fallait qu'il soit rusé s'il ne voulait pas se retrouver face à cet homme. Il regarda autour de lui et remarqua que les alarmes incendies étaient toutes éteintes. On les avait bloquées avant l'attaque.

Il murmura une incantation rapide et l'alarme du réfectoire se mit en marche. Il entendit l'homme dans la pièce d'à côté pousser un juron et il prononça les mots d'un sort d'invisibilité. Malgré l'aide de son incantation au renard, il ne pourrait le tenir que quelques secondes, le temps de franchir les portes extérieures.

Il attendit de ne plus voir la pointe de ses doigts à travers le voile invisible qui le couvrait et s'élança silencieusement dans le réfectoire, sous la lumière rouge clignotante du système incendie. Il ne vit pas l'homme dans la pièce mais ne le chercha pas plus longtemps. Il fallait qu'il se dépêche.

En quelques secondes, il franchit la porte et se retrouva enfin à l'extérieur. L'air chaud et humide du Dongnan lui fit l'effet d'une massue. Il prit un instant pour reprendre son souffle, alors que le sort d'invisibilité se dissipait. La forêt. Où était la forêt ? 

Il se sentait déboussolé, alors que son sort d'auto-hypnose prenait lui aussi fin. Il n'était plus renard, il fallait qu'il se débrouille avec ses faibles sens humains. Il faisait totalement nuit, mais le ciel était éclairé des lumières lointaines de la ville...

Et de celles de l'aile Est de l'école qui prenait feu. Comment était-ce possible ? L'école prenait feu ! Il leva la tête et vit la masse qui faisait pression sur l'aile Ouest, provoquant son lent effondrement : c'était une boule noire de magie qui flottait au-dessus du toit, émettant un rayon magnétique repoussant qui donnait la nausée à Yuya. 

Il y avait quelque chose de mauvais, de pourri, de croupissant dans cette magie. C'était une magie de mort, une magie qui servait à tuer et à faire souffrir, comprit-il.

Il vit alors des ombres devant les flammes. Des hommes. Ils portaient des vestes aux reflets brillants dans les flammes. Du cuir. Deux d'entre eux portaient les cheveux longs en chignon sur l'arrière du crâne, à la manière des marins d'Outremer. Yuya frissonna. Les seuls marins de son pays qui s'aventuraient dans les terres du Dongnan étaient des gangsters au service des cartels locaux. Etait-ce un gang ?

Le jeune homme sentit soudainement quelque chose qui le visait. Un des hommes s'était retourné, il le voyait, alors qu'il se cachait à l'angle du mur. La silhouette qui s'était tournée portait un long manteau ouaté dont il pouvait apercevoir les éclats de dorures dans les reflets des flammes. Yuya tenta de se relever pour se mettre à courir, lorsqu'il sentit une main se poser sur son épaule.

— Où est-ce que tu crois aller, le goupil ?


Que se passe-t-il pour notre malheureux Yuya, Kenichi Matsuyama sur la photo ? Avez-vous aimé ce chapitre ?  Mettre la musique de Wolfenstein ce n'est pas innocent, c'est une façon comme une autre de vous amener aux riffs de guitare des prochains chapitres ;) 

Donnez votre avis !  Le suite arrive dans très peu de temps ! 


MASTANIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant