Huitième partie

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La première fois que j'ai revu Louis après que l'on se soit rapproché à travers nos téléphones, j'étais angoissé et stressé. Parler avec lui à distance et lui écrire chaque jour des messages, était différent de le voir en vrai. J'ignorais pourquoi mais j'avais peur de me retrouver face à lui.

Je me rappelle que je faisais les cent pas devant le bâtiment du bureau de mon père. Je savais que Louis était à l'intérieur avec ses parents, j'avais reconnu leur voiture garée sur le bord du trottoir. Je n'avais pas le courage d'entrer, pas même d'aller simplement dans la salle d'attente. Je tournais dans la rue en me rongeant les ongles.

"Je peux savoir ce que tu fais ?"

Je me souviens avoir sursauté avant de m'immobiliser et de relever les yeux vers Louis. Je ne l'avais pas vu sortir, je n'avais même pas entendu la porte du bâtiment s'ouvrir, pourtant il était là appuyé contre le mur, un sourcil relevé. Enfin, il n'avait plus de sourcils mais je suis certain que s'il en avait encore eu un, il aurait été relevé. Je me suis braqué.

"Rien du tout.

- Je te vois depuis la fenêtre, tu tournes en rond comme un crétin depuis une vingtaine de minutes."

Il a lâché un rire moqueur et c'était tellement vexant que j'ai eu envie de pleurer. J'ai grogné dans ma barbe que je faisais ce que je voulais. Je me sentais ridicule.

"J'ai envie de manger une glace."

Je me suis demandé s'il se moquait encore de moi, mais ses yeux étaient sincères, il avait réellement envie de manger une glace. Je me rappelle m'être demandé aussi s'il avait le droit d'en manger une. Je n'ai rien dit. J'avais tellement de questions stupides dans ma tête à ce moment-là que je préférais me taire, je me ridiculisais bien assez souvent devant lui comme ça.

"Tes parents savent que tu es parti ?"

Je n'avais pas envie qu'ils s'inquiètent comme la première fois dans le parc. Il m'a dit qu'ils savaient qu'il était avec moi, ça m'a surpris. Ça voulait dire qu'il avait parlé de moi à ses parents, alors que moi je n'avais pas parlé de lui aux miens.

Nous sommes partis à pied vers le centre commercial qui se trouvait à quelques rues à peine du travail de mon père. Mes mains enfoncées dans mes poches, je boudais encore qu'il se soit moqué de moi.

Au bout de quelques minutes j'ai senti Louis passer son bras autour du mien. J'ai relevé les yeux vers lui m'apprêtant à le repousser parce que j'étais toujours vexé, mais quand j'ai vu son visage j'ai réalisé qu'il faisait ça parce qu'il était fatigué. Je l'ai laissé s'appuyer sur moi en marchant lentement, le trajet s'est passé en silence. Une fois arrivé au glacier, il s'est installé sur l'une des banquettes pendant que je commandais pour nous deux. Il a voulu une glace énorme avec de la banane, de la chantilly et des pépites de toutes les couleurs. En réalité les questions que je me posais n'étaient pas stupides. Louis mangeait très rarement des choses trop sucrées ou trop grasses, son estomac ne les supportait pas.

Il avait à peine touché à sa glace ce jour-là, mais il semblait tellement heureux du peu qu'il avait pu manger que j'avais trouvé ça injuste. Il était malade, il souffrait tout le temps, il allait mourir et en plus de ça on le privait des choses qu'il aimait. Je me rappelle avoir détesté la vie. Je me rappelle aussi ne pas avoir terminé ma glace, ce n'était pas juste pour lui, je n'avais plus envie de manger.

Pendant que l'on jouait avec nos cuillères dans la bouillie fondue qu'étaient devenues nos glaces, Louis m'avait demandé de lui parler de moi. Je n'ai pas voulu, je détestais parler de moi, ma vie n'avait rien d'extraordinaire, rien de passionnant. J'avais un meilleur ami, et je ne sortais jamais en dehors du lycée, je n'avais rien à raconter. Pourtant une heure et demi plus tard il connaissait mon film préféré, mon plat préféré, ma couleur préférée, ma chanson préférée, ma passion pour le dessin même si j'estimais n'avoir aucun talent particulier.

Sur le chemin du retour quand il s'est appuyé sur moi, j'ai passé mon bras autour de sa taille pour le soutenir et l'aider marcher. Il sentait la maladie, les médicaments et la lessive.

Louis a tout su de moi, il était la personne qui me connaissait le mieux au monde. Quand il est parti, il a emporté une part de moi avec lui.

À Demain Où les histoires vivent. Découvrez maintenant