Céleste leva la tête en direction de l'arcade et blêmit, secouée de terreur. Dans l'angle du mur de nacre, une silhouette se tenait accroupie, la tête en bas, plongée dans l'ombre. Un liquide sombre et poisseux coulait le long du mur à ses côtés, formant une flaque obscure sous son corps recroquevillé. La créature étira ses bras dans une plainte aiguë, ses pieds solidement ancrés au plafond. Un crissement strident provenant de la chose fit courir un frisson sur la peau de la jeune fille. L'étrange humanoïde déplia ses frêles gambettes aussi souplement qu'une sauterelle et atterrit au sol sur ses deux pieds.
Les six acolytes reculèrent d'un seul et même mouvement tandis que l'homme avançait.
— Personne ne vous a dit qu'il est fort impoli de pénétrer chez les gens sans frapper ? poursuivit-il d'une voix aiguë.
Un raie de lumière se fraya un passage sous le porche et éclaira le visage de l'inconnu. Et Céleste dut réprimer un haut le cœur alors qu'un sursaut d'horreur faisait frémir l'air saturé. Sa peau blanchâtre contrastait avec le liquide bordeau qui s'écoulait de ses mâchoires, encadrées de deux crocs pâles imprégnés de sang. Il ouvrit ses lèvres largement, et une nouvelle salve rougeâtre s'écoula jusqu'au sol. Il produisit une nouvelle plainte aiguë qui leur vrilla les tympans et résonna dans le silence pesant et irréel de la cité.
Un frémissement agita l'air alentour et une dizaine de créatures semblables s'approchèrent, muées en ombres le long des murs luisants. Ils se rassemblèrent derrière leur lugubre acolyte, et la température alentour sembla chuter subitement tandis que la lumière du soleil s'éclipsait pour laisser place à une nuit noire, où seuls les rayons blafards de la Lune parvenaient à percer la couche nuageuse.
— C'est vraiment dommage, voyez-vous. Je déteste être forcé de tuer des enfants. Mais un tel festin ne se refuse pas, n'est-ce pas ?
Pétrifiée, Céleste perdit le contrôle de son corps. Ce ne fut qu'à l'intervention de Justine qu'elle retrouva pleinement l'usage de ses membres.
— Je crois... qu'il est temps... de courir !
Et les six intrus prirent leurs jambes à leur cou. Émile menait le peloton, et Céleste l'achevait. Hélas, les créatures étaient également dotées d'ailes. Elles se bousculaient dans les ruelles, mêlées en un nuage noir et informe, et la jeune magicienne pouvait presque sentir leur haleine fétide contre son cou. La respiration haletante, elle fit fi de la douleur qui lançait chacun de ses membres et qui menaçait de la faire lâcher. Tournant dans une ruelle, un nouveau hurlement déchira l'air, et une sirène se déploya en une nappe d'ondes bruyantes et ravageuses au-dessus de la ville. Des passants ouvrirent leurs portes, les sourcils froncés, avant de les refermer précipitamment à la vue de l'armée assoiffée de sang qui envahissait les rues.
Certains tentaient de les arrêter, mais Émile les balayait d'un geste négligeant de la main. Ils débouchèrent sur une place aux pavés grisâtres humides et glissant. Thomas s'effondra au sol, Agathe s'affala sur elle-même, Justine respirait précipitamment, et Céleste reprenait son souffle, les mains sur les cuisses. Le sport n'avait jamais été sa matière forte.
— Oh oh...
La jeune fille releva la tête, inquiète. Les créatures arrivaient de tous côtés, par toutes les rues, telle une obscure marée distordante.
— Nous sommes perdus, se désola Justine en laissant couler ses larmes.
Agathe étouffait un sanglot de terreur, et Éric tentait de maîtriser les claquements furieux de ses dents. Émile semblait réfléchir à toute allure, éperdu et concentré, et Thomas avait l'air étrangement calme.
— Eh oh ! Pssst... Par ici... Vite !
Sans même chercher à deviner l'identité de leur interlocuteur, ils s'engouffrèrent sans hésitation par la porte entrouverte, au grand damne d'Émile qui traîna — rapidement — des pieds. Et la porte se referma derrière eux, plongeant la pièce dans le noir. Nul n'osait piper mot, mais Céleste avait l'impression que tous pouvaient percevoir les battements stridents de son cœur affolé.
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Le syndrome des cœurs de pierre I - Pupille
Fantasy/!\ EN COURS DE RÉÉCRITURE Tome premier « Dans nos cœurs en perdition, L'amour s'est volatilisé. Mais en ces relents d'émotions, Même la haine n'a subsisté. Seule l'impassibilité souffle en cette terre, Où tous nos cœurs sont faits de pierre. » P...