L'alcool brouillait mes sens. Je me mordis la lèvre inférieure mais je ne sentais déjà rien.
- Tu te rappelles quand on était petites ? On passait toutes nos journées ensemble. Je connaissais plus ta vie que la mienne.
- Oui, je sais ça, on était inséparables... On s'est connues il y a quoi...
- Onze ans, me coupa-t-elle. On s'est connues en CM2 il y a onze ans. Déjà à cette époque t'étais première de ta classe.
- Onze ans putain. Mais comment on a pu couper les ponts ? demandais-je, un peu sans attendre de réponse.
Nous blâmant toutes les deux d'avoir gâché notre complicité.
Émilie était mal à l'aise.
- J'ai toujours cru que c'était ma faute. Quand on est allées dans deux lycées différents, je t'ai dit qu'on se verrait moins et qu'on se parlerait peut-être plus. Tu n'étais pas d'accord, mais je t'ai dit qu'on se ferait de nouveaux amis et que ce serait différent. Je sais que tu m'en as voulu et je m'en suis voulu aussi.
- Oui... Je ne voulais pas te déranger c'est tout. Mais je ne t'en ai jamais voulu pour rien Émilie. Regarde là, ça faisait cinq ans qu'on ne s'était pas vues et rien n'a changé. C'est trop fusionnel entre nous, même avec toute ta volonté tu pourras pas l'enlever.
- Tu le penses vraiment ? demanda-t-elle.
- Bien sûr, je suis incapable de mentir habituellement, alors bourrée imagine le phénomène.
Elle me sourit et je la vis se détendre. Prise de pulsion, je me levai et bougeai les valises contre le mur. Je me mis à danser sur la musique hongroise qui s'élevait de la télévision. C'était vraiment mauvais et je ne comprenais rien mais ça me suffisait pour danser.
- Il y a plus de vodka ! Prévint Émilie alors qu'elle se servait le dernier verre.
- Alors cul sec et on décale.
Je la vis finir son verre aussi vite qu'elle l'avait rempli. Je me rendis compte de mon retard et avalai le mien sans me poser de question. La vaisselle débordait de l'évier, nos valises étaient éventrées sur le sol et le maquillage s'entassait sur la minuscule étagère de la salle de bain. J'enlevais mon passeport et ma carte bleue de mon sac à main – pour éviter de tout perdre d'un coup si je venais à égarer mon sac comme à mon habitude -. J'appliquais un léger rouge à lèvre pâle, passais mon manteau et enfilai une paire de basket.
Le trajet jusqu'au bar paraissait plus abstrait que dans la matinée. Alors que je grelottai, pelotonnée dans mon manteau noir, Émilie faisait semblant de savoir où elle allait. Elle déambulait entre les ruelles, tournant à gauche, à droite, traversant en plein milieu d'un carrefour. Je la suivais religieusement. Au bout d'un moment, je l'entendis faire un « Ah ! » de soulagement. Et là je compris que nous étions arrivées à bon port seulement par hasard.
Nous entrâmes précipitamment pour nous blottir dans la chaleur étouffante du bar. Des néons rouges illuminaient la pièce d'un air de coucher de soleil et des pierres roses pavaient le sol. L'atmosphère était très particulière.
J'enlevai mon manteau ainsi que mon gilet et un serveur s'approcha de nous, un grand sourire sur les lèvres.
- Do you have a table for 2 ?
- Of course for two beautiful ladies. Follow me !
Il nous indiqua une table proche du bar à cocktail. Il recula ma chaise pour que je puisse m'asseoir et je sentis son regard pendant que je posais mes affaires à côté de moi. Il nous donna la carte et partit en affichant un dernier sourire.
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Laisse tomber j'ai plus mal
RomanceIl me court après, je le vois bien. Les hommes se liquéfient souvent face à une jolie courbure de reins. Mais non il ne m'intéresse pas. Bien sûr que non. Après oui, j'aime bien sa bouche il faut se l'avouer, ses rides rieuses, ses chaussures touj...