Texte 8: Fragment

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Mon crâne touchait le bitume froid, glacé par ce temps hivernal qui semblait ne jamais prendre fin. Toute cette souffrance, toute cette douleur enfin j'allais en être délivré. Ces chuchotements incessants allaient, après tant d'années, enfin cesser. Mais pour atteindre cette utopie, je devais passer une dernière fois par cette torture. Pitié. Pitié, laissez-moi. Les voix ne s'arrêtaient pas. Toujours les mêmes histoires, les mêmes mots qui me torturent. Pitié, pardonnez-moi. Toujours les mêmes erreurs, les mêmes regrets qui me tuent. Les larmes coulaient sur mes joues. D'abord fluides, elles finissaient glacées par le froid rendant mon teint plus immaculé à chaque larme. Le monde n'était rien. Personne ne pouvait sortir avec ce temps. Les toits et les rues étaient recouverts de neige. Et au milieu de cette blancheur exquise traînait un pauvre corps mince et recroquevillé, qui n'avait même plus assez de chaleur pour se réchauffer lui-même. Le froid avait consommé mon âme, et bientôt la Mort elle même viendrait s'occuper de mon corps. L'espoir n'était plus l'un de mes souhaits. J'avais cessé d'espérer depuis longtemps. Les chuchotements continuaient, et se faisaient de plus en plus forts. Ne les écoute pas... Pitié, oublie les... Mon regard se posait sur le ciel. Il était noir et dénué de vie, comme mon monde. Ce n'est qu'en regardant avec plus d'attention qu'on pouvait apercevoir les quelques étoiles qui brillaient. Elles brillaient peu, et semblaient s'éteindre doucement. Je n'avais plus la force de me battre. A quoi bon me relever si c'était pour m'écrouler à nouveau ? J'allais m'éteindre, en silence, comme les étoiles. Personne pour regarder. Personne pour pleurer. Des craquements résonnaient dans la neige. Ma respiration s'atténuait. Mes yeux se fermaient peu à peu. Elle est là, pour moi. La silhouette approchait. Ses pas étaient lents. Si mes mains avaient pu bouger, elles auraient tremblé à coup sûr. J'étais là, allongé, attendant la Mort. Je l'observais, elle était la dernière chose que j'allais voir. Pas de faux ou de grande cape noire. Plus elles se rapprochaient et plus les voix augmentaient. Mais ce n'était pas Elle.

« Je t'aime, Raphaël, ne me quitte pas. »

Elle était agenouillée près de moi, me regardant avec ses yeux de chat. Elle approchait sa main et la posa tendrement sur ma joue. Je respirais de nouveau. Les voix s'arrêtèrent. Le froid n'était plus qu'un songe obscur, que la chaleur de sa main avait repoussé. Et se rapprochant, elle déposa sur mes lèvres gelées un tendre baiser. Mon corps avait repris de son humanité. Elle était magnifique : ses cheveux bouclés tombaient sur ses épaules et elle affichait un sourire timide qui me rappelait à chaque instant pourquoi je l'aimais. Elle était venue pour moi, bravant le froid et le chaos. Elle était venue, pour me dire de ne pas la quitter. Pour me redonner la force de me battre, malgré tout. Elle se mit à rire, d'un rire presque niais mais charmant. Je me redressai et leva les yeux vers le ciel. Il était toujours noir et triste mais les pauvres étoiles qui s'éteignaient, brillaient à nouveau, maintenant. Elles étaient belles.

« Je t'aime. »

Mais elle était magnifique.

Recueil de One ShotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant