Une des choses qui m'effraie le plus dans la vie, ce sont les rêves (même s'ils me fascinent). « Mais quoi dans les rêves ?» me dirais-tu, jeune lecteur attentif que tu es. Eh bien, un des aspect symptomatique de mes rêves c'est leur caractère absurde et l'absurde ça fait peur. Ça fait peur parce que ça nous mets chacun face à un environnement, une situation qui nous échappe, qui ne répond pas aux règles qui nous semblent élémentaires. Et nous, spectateur passif qui subissons les évènements, nous n'avons plus qu'à fuir et attendre que le réveil sonne. Par exemple, un film qui me fera peur sera Brazil de Terry Gilliam, une pièce sera Le Roi se meurt d'Eugène Ionesco, un livre sera donc Ubik et une série, La Quatrième Dimension.
La quatrième dimension est une série anglaise produite entre 1959 et 1964 et comptant 5 saisons. Pour son créateur, Rob Sterling, son but est "de frapper le spectateur, de le choquer par la chute toujours inattendue, surprenante et singulière de chacune de ces histoires.". Adjectifs on ne peut plus justes car le fantastique, incarné par la 4ème dimension elle-même, s'introduit dans la réalité de manière perturbante en raison du rythme, de la musique ou de l'intrigue simplement dérangeante. Tout pour faire peur !
Je vais donc ici analyser trois épisodes relativement représentatifs de la série. J'ai choisi ceux-là parce que la 4ème dimension se manifeste d'une manière différente dans chacune de ces histoires et c'est l'angle dans lequel j'ai choisi d'aborder la série.
Where is everybody ? (Épisode 1, saison 1)
Un homme semble chercher depuis des heures une ville, un village ou une simple maison et finit par tomber sur une petite bourgade. Mais il n'y trouve personne, pas le moindre être vivant. Alors, il est pris d'une angoisse aussi oppressante que mystérieuse et semble prisonnier de ce cageot de solitude. Il finit par se faire réveiller par des scientifiques et des militaires pour se souvenir qu'il était le sujet d'une expérience relevant son degré de résistance mentale face à la solitude car il doit en effet partir seul dans l'espace.
La peur, dans cet épisode, provient d'une ambiance froide et vide. Bien qu'il n'y ait personne, les traces humaines sont pourtant très fraîches. La civilisation semble proche mais si inaccessible. Toute tentative de l'homme est absolument vaine car il essaie de trouver un raisonnement logique à ce qui ne l'est pas, en l'occurrence, la 4ème dimension qui possède ses propres lois. Le personnage est ici entièrement intégré à cette zone crépusculaire (The Twilight Zone en vo) dans laquelle n'importe quelle réflexion est vouée à l'échec puisque n'ayant pas le recul suffisant pour tenter de comprendre. C'est exactement ce que je disais dans l'introduction, une personne est introduite dans un endroit ne répondant pas aux règles auxquelles elle est habitué tente de fuir le dérangeant, de quitter l'instable.
One for the angles (Épisode 2, saison 1)
Un vendeur de rue reçoit un jour une visite pour le moins inopinée, celle de la mort en personne. Elle lui annonce que son jour est arrivé et qu'à minuit, il devra la suivre. Mais, Lew Bookman de son nom, en décide autrement et préfère encore vivre. Il parvient donc à tromper la mort mais elle, furieuse, prends une autre âme à la place: celle d'une petite fille qui mourra elle aussi à minuit. Lew, contraint par sa morale, accepte son sort sauve la fillette et suit, les douze coups sonnés, sa funèbre amie.
Ici, pas de peur à proprement parler mais une ambiance macabre, de fin du monde. Celle-ci est expliqué par la révélation qu'apprend Lew et qui provoque chez lui un grand désespoir. Les ciel est noir, une chaleur malsaine s'installe peu à peu et les apparitions de plus en plus nombreuses de la faucheuse tendent les scènes jusqu'à la libération du personnage qui déjoue la fatalité et éclairci l'orage du malheur. Après le marché fait avec la mort, Lew reprend sa place au paradis mais cette fois avec sérénité. La 4ème dimension, le fantastique, l'insolite n'apparaît pas réellement dans cet épisode si ce n'est dans le personnage de la mort. Mais même elle est attendue et ne surprend pas tant que le devrait le futur trépassé. La réalité n'est pas non plus présente. Les deux dimensions, les deux alternatives du monde se superposent pour créer une histoire très émouvante.
The eye of the beholder (Episode 6, saison 2)
Une femme a le visage couvert de pansements et de bandages destinés à des interventions chirurgicales. En effet, cette femme ressemblerait à un monstre et utiliserait sa dernière chance pour devenir "normale". On lui enlève finalement son masque de plâtres pour apercevoir une femme au très jolie visage. Mais le docteur et les infirmier.e.s sont horrifié.e.s par ce qu'ils voient. C'est alors que nous spectateurs voyons enfin le visage de ces officiels, complètement déformés et monstrueux. La jeune fille s'enfuit, consciente de sa laideur et arrive devant une personne comme elle, un homme qui lui propose de venir dans un village où ils sont tous "anormaux" ce qu'elle finit par accepter grâce à la phrase qui lui dit son compagnon: "Beauté : tu n'es que dans l'œil de tes admirateurs.". On apprends alors que la société dans laquelle ils vivent est totalitaire et l'anti-conformisme est condamné.
Cette histoire est aussi surprenant qu'effrayante d'autant plus que c'est le spectateur lui-même qui représente la 4ème dimension. En effet, la personne "anormale et monstrueuse" pour cette société fictive c'est nous. Nous représentons l'anomalie qui apparaît spontanément dans un monde ayant ses propres règles fixes et nous le bouleversons par notre laideur ignoble qui nous semble si belle. Nous ne sommes pas assaillis de créatures difformes, nous sommes jugés et nous repoussons des personne on ne peut plus "normales". Nous sommes face à une inversion des valeurs dont nous sommes les victimes et qui justifie la phrase :"Beauté : tu n'es que dans l'oeil de tes admirateurs.".
Pour conclure, la 4ème dimension est une excellente série très troublante et réfléchie. Son inventivité impressionnante ne laisse aucune place à la médiocrité et ses thèmes aussi riches qu'intéressants vous transporte dans un lieu sombre, macabre et curieux mais surtout paranormal.