En bientôt quatre ans, je n'avais jamais mis les pieds dans le gymnase, hormis pour assister aux cours obligatoires. Et je dois admettre que l'ambiance qui y règne en ce moment n'a rien à voir avec ce que je peux expérimenter en semaine. Les élèves présents sont euphoriques et surexcités, ils crient pour encourager l'équipe qui se concerte en bordure de terrain et pour la première fois depuis que j'ai mis les pieds au lycée, j'ai l'impression de vraiment ressentir un esprit de cohésion entre les supporters de Fellpoint High.
A mes côtés, Luc ne dit rien, mais son sourire est suffisamment éloquent. Il ressent la même chose que moi, je le sais. D'autant que lui aime tout particulièrement ce genre d'événements. Au-delà de son intérêt pour le basket, je crois que ce qu'il aime vraiment, c'est l'agitation qui règne lors de ces rencontres. Ces moments où les différences s'effacent et ou la multiplicité disparaît pour que la foule ne devienne qu'une seule et même entité. Que ce soit lors d'une fête où tout le monde chante la même chanson, quand un slogan soulève une manifestation ou, comme ici, quand un groupe se rassemble pour soutenir leur équipe favorite. Et je dois dire que je le comprends un peu. Aussi, je me demande pourquoi nous n'y avons jamais mis les pieds avant aujourd'hui, et encore une fois, je ressens un petit pincement au coeur quand je comprends que c'est probablement à cause de moi.
Ma morosité est bien vite chassée par mon meilleur ami, qui se tourne vers moi, un immense sourire aux lèvres, le poing levé quand il scande:
- Vi-kings ! Vi-kings ! Vi-kings !
Je lève les yeux ciel, plus pour la forme que par réelle lassitude. De toute manière, je n'aurais pas eu l'air très crédible avec mes traînées bleues et blanches peintes sur les joues. Histoire de coller à mon rôle de petite-amie supportrice. Luc m'attire à lui en gloussant, et emprisonnée dans ses bras, je n'ai d'autre choix que de suivre le mouvement et de sautiller en rythme avec lui. Lorsque je parviens enfin à me dégager de sa prise, après m'être bien donnée en spectacle, je hoche la tête, puis je fais signe à la pile électrique, qui a pris les traits de Luc, de me suivre dans les gradins.
Malheureusement, comme nous ne sommes pas des habitués, nous n'avons pas anticipé le problème de place. Pratiquement tous les sièges sont occupés. Et alors que je sonde la foule du regard, une petite main levée au deuxième rang nous invite à la rejoindre. Je reconnais immédiatement Marisa, à qui je répond par un hochement de tête, avant de coller un coup de coude à Luc pour le forcer à regarder la rangée qui se bouscule pour nous créer deux places à côté de la petite brune.
Sur mon passage, je cueille quelques sourires et répond à des signes de tête qui me sont adressés, avant de me précipiter sur la place à côté de Marisa, les joues en feu. Décidément, je ne sais pas si je me ferai un jour à toute cette attention qu'on me réserve tout à coup. Je me demande comment Barbara et Madison pouvaient évoluer sereinement en étant constamment sous les regards. Ça ne fait qu'une journée que je partages un peu de leur lumière, et déjà je le regrette. Comme maintenant, alors que je suis simplement assise au milieu de la foule, j'ai le sentiment d'être observée.
Et alors que je jette un coup d'oeil en direction des Vikings, je comprends pourquoi. Shawn, Cooper et quelques uns de leur coéquipiers me scrutent, les sourcils froncés, comme s'ils se demandaient si c'est bien moi, qui suis là, les joues peintes aux couleurs de leur équipe. Je leur souris timidement, en me ratatinant sur mon siège quand, depuis le bord du terrain, je sens un autre regard me transpercer. Un qui n'a rien à voir avec de la curiosité. Madison, dans sa tenue de cheerleader impeccable, me toise avec mépris. Les bras croisés sur sa poitrine, ses pompons qui se balancent à ses flancs, elle me témoigne en un coup d'oeil, tout le mépris qu'elle ressent pour moi.
Alors, poussée par l'envie de lui montrer qu'elle ne me fait pas peur, et qu'elle me débecte tout autant que je l'horripile, je me lève. Je me tourne et - après m'être confondue en excuses - prend des mains la pancarte qu'un étudiant brandissait, pour la tendre à mon tour en direction de l'équipe qui ne me quitte pas des yeux.
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F*ck it List
Ficção AdolescenteAssez ! Que la capitaine des cheerleader ignore son nom après trois ans dans le même lycée ? Passe encore. Mais que le nouvel élève, et partenaire de labo de Jamie, réponde à son invitation Facebook par "On se connait ?", c'en est trop. Elle est bie...