Ardeur Sentimentale - [FR]

VIII

Nick s'était endormi soudainement cette nuit-là, sans faire vraiment attention à sa position, ni à l'endroit où il était, beaucoup trop fatigué de cette journée. Il voulait juste se reposer, être loin de tous ces événements pendant plusieurs heures. C'était la première fois qu'il avait passé une nuit paisible, sans cauchemars, sans se réveiller de multiples fois. C'était la première fois qu'il avait bien dormi, sans se soucier de sa mère, de ce qui lui arriverait le lendemain. Il était finalement libéré de toute cette peur, bien que la façon d'y mettre fin n'avait pas été la meilleure et l'avait traumatisé. Malgré cela, jamais il ne remercierait assez Kyle d'avoir enfin cessé ce cauchemar.

D'ailleurs, il était tellement reposé et calme qu'en s'endormant, il n'avait pas fait attention qu'il était dans les bras du blond à ce moment-là. Du moins, il était tombé dans ceux-ci, la fatigue l'ayant emporté rapidement ; et quand il ouvrit doucement les yeux le lendemain, il se rendit compte de leur position, et le sang lui monta aux joues en un instant. Son ami n'était pas encore réveillé, mais en sentant la respiration du brun s'accélérer et qu'il bougeait, il ne tarda pas à émerger du sommeil paisible qu'il avait eu. Il rit alors légèrement en voyant sa réaction aussi paniquée, et dit d'une voix étrangement douce qu'il n'avait jamais entendue -- il supposa que c'était tout simplement la voix qu'il avait en se réveillant :

« T'inquiètes, c'est pas gênant, réagis pas comme ça, voyons ! Puis je suppose que c'était la première fois que tu dormais aussi bien, je voulais pas te réveiller... »

Il lui adressa un grand sourire que le plus grand lui rendit finalement, bien qu'il rougît toujours autant, avant de se lever et de se préparer, bien qu'il n'osait pas totalement prendre ses aises ; la maison du plus petit était immense, et il avait l'impression qu'il aurait pu facilement se perdre. Mais après tout, il allait bien devoir s'habituer à cela au bout d'un moment, car elle allait être son nouveau foyer...

Bien qu'il n'avait raté les cours qu'une journée, retourner au lycée lui faisait déjà extrêmement peur. Ses bleus n'étaient malheureusement pas parti en si peu de temps, et il essayait donc de déjà se préparer mentalement à toutes les remarques qu'il allait subir, quelque chose qu'il faisait, en soi, de nombreux jours dans la semaine. Kyle avait bien évidemment remarqué à quel point il était anxieux, il avait étonnement une capacité à remarquer facilement comment Nick se sentait. Et il se promettait, à chaque fois qu'il le voyait comme ça, de le protéger, d'empêcher quiconque de lui faire du mal à nouveau. Maintenant qu'il avait mis fin à son premier cauchemar, il voulait mettre fin au deuxième.

Ils furent bien évidemment accueillis par Jonas, qui était étonnement toujours à l'heure et même en avance, bien qu'il n'était pas un élève studieux -- mais essayait de se faire passer pour un élève comme tel. Mais il n'était pas seul, cette fois ; un garçon de leur âge, d'origine asiatique, plus précisément philippienne, était à ses côtés. Il arborait un grand sourire sur ses lèvres, qu'il avait adressé surtout au blond, qu'il n'avait jusqu'alors jamais eu la chance de rencontrer.

Ces fines lèvres, qui formaient un ravissant sourire, et qui embellissait son doux visage -- qui ne contenait d'ailleurs aucune imperfection, sa peau était aussi lisse qu'une peau de bébé, parsemée de taches de rousseur peu marquées, et ses yeux, bien que peu visibles quand il souriait, étaient d'un marron éclatant à la lumière du jour -- fit alors fondre le cœur de Kyle. Oh, il était attaché à Nick, bien sûr, il le trouvait mignon, mais son anorexie et sa dépression ne le rendaient pas vraiment attirant. Il le considérait comme un ami ! Du moins, il croyait. Ce jeune homme qu'il venait de rencontrer, du nom de Pirmin Aquino, l'avait fait chavirer ; c'était même lui qui lui avait fait comprendre qu'il aimait les garçons, finalement. En le voyant, il se demandait comment on ne pouvait pas succomber à son charme... Parce qu'il n'était pas seulement beau ; il rejetait un aspect adorable, et Nick ne possédait que cet aspect.

Il lui avait rendu timidement son sourire, ce qui rendit le brun perplexe, car il n'avait jamais vu le blond timide, ou même hésitant -- il ne s'était jamais montré comme ça avec lui, car même s'il était comme ça à l'intérieur, il se montrait toujours froid et stoïque ; il allait blaguer à ce sujet quand il vit de légères rougeurs sur les joues de son ami, ainsi que la réaction de Jonas, qui avait très bien remarqué la situation, et c'est là qu'il comprit.

Il comprit beaucoup trop de choses en trop peu de temps ; son esprit et son corps n'avaient pas supporté cela.

Il comprit qu'il aimait Kyle. Oui, il était amoureux de lui, même s'il ne le connaissait pas depuis si longtemps que ça. A chaque fois qu'il le voyait, il sentait une étrange chaleur au niveau de ses joues, et son cœur se mettait à battre de plus en plus vite ; même s'ils passaient la plupart de leur temps ensemble, il pensait toujours à lui, son merveilleux visage et son comportement étrangement attirant ne quittant ses pensées.

Il comprit que Jonas était amoureux de Pirmin, même s'il s'en doutait déjà depuis un bon bout de temps, et qu'il pensa alors à ce moment-là que si un garçon comme Kyle ressentait quelque chose pour la personne qu'il convoitait depuis longtemps, alors lui, il n'aura malheureusement pas sa chance, parce qu'il n'est pas aussi attirant que la personne qu'il considérait maintenant presque comme son rival, même s'il n'aimait pas utiliser ce terme pour le définir -- il aimait tout de même bien le blond, et ne voulait pas que cela se transforme en haine, mais il ne peut malheureusement pas contrôler ses sentiments.

Il comprit que ce n'était pas réciproque, et il commença alors à croire que ça ne le sera jamais. Après tout, il n'avait rien d'attirant. Son corps était recouvert de marques, de bleus, de cicatrices. Son visage était hideux, creusé au niveau des joues, d'énormes cernes sous ses yeux. Tous ses os se voyaient, et oui, il ressemblait bien à un clochard, finalement.

Il comprit qu'il n'était pas assez bien, et qu'il ne le sera jamais.

Il voulait pleurer, il voulait hurler.

Il ne voulait pas souffrir à nouveau ; non, pas de cette manière.

Il ne voulait pas que ce soit celui qui l'ait sauvé de cet enfer, qui lui fasse du mal.