Chapitre 21

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Tobio avait été, au premier abord, un garçon méprisant et haineux envers Les Bourges, envers ceux de ma classe sociale. Pourtant, pendant cette journée, il est resté à mes côtés sans essayer de me contrarier. Son corps réchauffait le mien, l'un contre l'autre sur le lit que je partageais normalement avec Yachi. Ses cheveux noirs de jais chatouillaient mon front, ma joue rosissait posée contre son torse chaud, ses bras fermes m'entouraient précautionneusement et ses jambes croisées restaient tant bien que mal loin des miennes.
- Tu es sûre que ça va aller ? demanda-t-il doucement.
- Comment ça peut aller mieux ? Comment vais-je faire ?
- Ta seule option correcte est de le dénoncer au Conseil pour que tu puisses demander le divorce en ta faveur.
- Et l'option qui n'est pas correcte ? le questionnais-je en me redressant.
- Pense au moins cinq minutes à ce que je viens de te dire... gloussa-t-il.
- Non Tobio, je ne peux pas le dénoncer. Cela lui créerait des ennuis et les relations entre nos deux clans se détérioreront par ma faute.
- Par ta faute ? C'est ce dominant qui a manipulé une soumise, alors ce n'est pas ta faute, mais la sienne ! s'exclama-t-il en se redressant lui aussi.
- Mais je ne peux pas lui faire ça... Il a plus de pouvoir que moi, je ne pourrais pas me relever s'il se vengeait.
- Tu es vraiment trop gentille... souffla-t-il. Toi qui comptais dominer ta soumission, c'est bien drôle de te voir si peureuse face à ton propre dominant !
- Tobio arrête ça ! Tu sais très bien que je ne dois pas me faire remarquer !
- Tu devrais lui en parler, sourit-il. Et plus vite sera le mieux, comme ce soir par exemple ?
- Ce soir ? m'exclamais-je. Non, impossible !
- Pourtant ils reviennent ce soir, alors prépare ton discours.
Tobio le machiavélique était de retour.
- Tu crois que j'hésiterais à détruire Hinata s'il me faisait ce coup-là ?
- Non. Ne me fais pas croire ça... Tu connais Hinata depuis plus longtemps que je ne connais Bokuto, vous avez été amis avant de connaître vos rangs, vous auriez été amants si tu avais appris que tu étais du même rang que lui.
- Mais tout à changer quand nous avons appris ma soumission... Plus personne ne me voit comme moi-même, comme si être soumis changer mon caractère ou mon intelligence...
- J'ai ressenti la même chose, mais pas au point de détester les personnes qui ne sont pas responsables de ce qu'il se passe...
- Bien sûr qu'ils le sont ! s'exclama-t-il.
- Nous sommes tous coupables, autant les soumis que les dominants... murmurais-je. Nous sommes la société elle-même, et aucun rang ne la représente mieux qu'un autre.
- Le problème, Ayame, c'est qu'un dominant ne se plaint pas de son rang. Comment une personne peut-elle se plaindre d'être destinée à dominer le monde entier ? Il parait même que dans leurs gênes, ils ont une espérance de vie plus grande que la nôtre.
- Il faudrait que je déteste ma propre mère..., soufflais-je. Je lui en veux de ne pas m'avoir donné le bon gêne, mais elle m'a bien éduqué, nourrit et respecté tout au long de mon enfance. C'est impossible Tobio.
- Alors que vas-tu faire ? demanda-t-il perplexe. Tu vas faire semblant de ne pas savoir que ton propre dominant te trompe avec son ami ?
- Pour l'instant, c'est sûrement ce qu'il y a de mieux à faire...
- Tu es bête..., murmura-t-il.
Je me suis tue pour clore cette conversation qui me pinçait le cœur autant à moi qu'à Tobio. La société était comme ça, et honnêtement, personne n'avait la force requise pour la faire changer ou basculer. En parler me blessait encore un peu plus, cela me montrait à quel point nous étions impuissants.

Bokuto et Akaashi devaient rentrer d'une minute à l'autre. Je ne voulais pas les voir, pas pour l'instant en tout cas. Comment faire semblant ? Le problème était surtout comment cacher une émotion forte à Bokuto et Akaashi ? Mon dominant le sentirait sûrement tandis que son ami le verrait sur mon visage dès qu'ils poseraient les yeux sur moi.
- À quoi penses-tu Ayame ? me demanda Hinata.
- Rien de spécial, je vous écoute parler, souriais-je.
Tobio et moi avions décidé de laisser la chambre à Yachi lorsqu'elle est rentrée de son rendez-vous avec Kiyoko. Hinata nous attendait dans sa chambre, sûrement au courant de ce que ressentait son soumis. Tobio était certain que son dominant pouvait me conseiller.
- Je sens ton inquiétude d'ici, et je ne suis pas ton dominant... souffle-t-il. Tu dois te calmer avant que Bokuto ne revienne.
- Comment faites-vous ?
- Comment quoi ? répéta-t-il bêtement.
- Bokuto ne lui a pas appris toutes les aptitudes des dominants, expliqua le noiraud d'un air amusé.
- Ce n'est pas à moi de tout te dire, s'excusa son amant, mais les dominants peuvent sentir les émotions des soumis. Après, le lien entre un dominant et son soumis est beaucoup plus fort et unique, il peut permettre d'entendre les pensées de l'un et de l'autre.
- Je n'entends pas les pensées de Bokuto, mais ça ne devrait même pas me décevoir...
- Tobio et moi ne nous entendons pas encore non plus ! s'exclama le rouquin.
- Nous nous connaissons depuis vraiment longtemps, nous avons grandis ensemble, et pourtant, nous n'avons pas encore ce lien, expliqua Tobio.
- Ce n'est pas un lien acquis, il faut le construire avec amour et passion, et cela n'arrive pas dans tous les mariages.
- Il faudrait déjà se marier..., marmonnais-je.
- Je sens l'odeur de Daichi, signala Hinata en alerte, tu devrais vite prendre ton courage à deux mains.
Une peur me gagna le ventre tandis qu'une colère noire couvrait mon cœur battant la chamade. Comment faire face à Bokuto sans qu'il ne remarque ni ma peine, ni ma haine ? Cela me paraissait totalement impossible. Mes deux amis se levèrent pour m'accompagner et, d'un geste réfléchi, Hinata resta derrière moi avec Tobio. Une odeur agrume sembla m'entourer, emplissant mes narines, faisant frissonner tout mon corps. Je me tournais vers Hinata qui me sourit sincèrement, pressant mon épaule de sa main pour m'encourager à continuer mon chemin.

- Ayame ?
Je restais muette face à cette voix si familière et étrangère à la fois. Hésitante, l'odeur agrume se fit beaucoup plus forte et me donna le courage nécessaire pour sourire sincèrement à Bokuto en liant nos regards.
- Bokuto !
Son corps chaud m'entoura et une odeur poivrée me chatouilla le nez, m'apaisant beaucoup plus que l'odeur de domination du rouquin. Cette odeur me rassura sur ma relation avec Bokuto, même si au fond de mon cœur je savais que le sien ne m'appartiendrait sûrement jamais. Cela me brisa le cœur et, contrairement à ce que ma raison me dictait de faire, quelques larmes coulèrent contre le torse de Bokuto. Une grande main chaude me remonta le menton, et en rencontrant les pupilles d'or de mon dominant, mon cœur gagna ma raison qui me hurlait de pleurer toutes les larmes de mon corps.

Comment avais-je pu être aussi naïve ? Bien sûr qu'ils m'avaient piégés.

Bokuto est un dominant - Haikyū!!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant