Chapitre 39

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n°10: Me venger:

La fin de la journée est enfin arrivée et je suis parvenue à réaliser l'exploit de ne croiser ni Cooper, ni Shawn. Depuis la fin du match de basket d'hier, je ressens une impression de malaise qui m'étreint dès que je pense à l'un ou à l'autre. Le premier, à cause de tout ce qu'il ne m'a pas dit au sujet de notre passé, et de son attitude diamétralement opposée à ce qu'il m'avait habituée. Et le second, à cause de cette sensation que tout me glisse entre les doigts. Depuis le départ, depuis notre rencontre, je réalise que je n'ai été maître de rien. Notre premier baiser, notre première fois, le fait de nous mettre en couple, je n'ai décidé de rien. Et quelque part, j'ai le sentiment qu'on m'a volé toutes mes premières fois. 

M'offrir une journée loin d'eux était plus que nécessaire à ma santé mentale. Aussi, ce soir, quand je franchis la porte du club de photographie, j'ai le coeur léger et je me sens apaisée. Enfin, jusqu'à ce que Tommy me tombe dessus. A peine ai-je franchis le seuil, que déjà, il est là, à moins d'un mètre de moi, la main tendue dans ma direction et un grand sourire aux lèvres quand il me dit:

- Ah Jamie ! On t'attendait.

On ? La semaine dernière encore j'étais invisible, Tommy ne semblait jamais m'avoir vu, et ce soir, je suis attendue ? Décidément, les choses changent vite quand on passe de l'autre côté. Les sourcils froncés, je retire la bandoulière de mon sac et entreprend d'enlever mon écharpe alors que je contourne le petit blond qui s'impatiente déjà.

- Et bien me voilà. Dis moi tout...

Le dos tourné, je prend tout mon temps pour retirer ma veste, et déposer mes affaires sur une table libre, un peu agacée de m'être fait sauté dessus sitôt arrivée. Quand soudain, je redescend de mon piédestal, gagnée par la panique. Y-avait-il un devoir à rendre ? Ou des travaux de groupe ? Je fais volte-face et tombe nez à nez avec Tommy, qui n'a toujours pas bougé d'un pouce. Il piaffe d'impatience, et il me semble clair que son excitation n'a rien à voir avec un quelconque projet, aussi, je me détend légèrement en attendant qu'il m'explique ce qui le met dans cet état. 

- Viens, je vais te montrer ce qu'on a déjà fait en ton absence...

Je ne vois pas de quoi il parle, mais il semble si pressé de me le montrer que je le suis sans rechigner. Le gobelet de café que je me suis servi avant d'entrer au bord des lèvres, je m'approche du petit attroupement qui s'est formé autour de l'ordinateur de la salle de classe. Je salue d'un mouvement de tête Jeff, Tamy et Laina qui me répondent de la même manière avant de se replonger dans l'écran qui les accapare. Tommy m'observe en coin, jetant des petits coups discret à la page ouverte devant ses amis, et, n'y tenant plus, il me demande:

- Alors, qu'est-ce que tu en penses ?

Hein ? De quoi parle-t-il ? Je regarde à nouveau l'écran et manque de m'étouffer avec mon café. Ils sont en train de modéliser des badges à mon effigie, qu'ils comptent distribuer aux élèves pour les inciter à voter pour moi. Moi qui me suis inscrite pour faire enrager Madison, vient de me retrouver propulsée en pleine campagne électorale, avec un QG et des partisans. Je me tourne vers Tommy, incrédule, et sous mes yeux je vois son sourire s'étioler.

- Tu... n'aimes pas, c'est ça ?

- Je... euh... si. Mais pourquoi vous avez ça ?

- Comme je te l'ai dit hier, je veux t'aider à remporter l'élection. Alors j'ai demandé de l'aide aux autres, on s'est concertés et on a décidé de distribuer des tracts, des badges, d'augmenter le nombre d'affiches dans les couloirs et, si ce n'est pas suffisant, on se lancera dans une campagne de diffamation, lâche-t-il, sur un petit ton de conspirateur.

Ah oui, c'est vrai. Il me l'avait pourtant dit hier, au match, mais j'étais tellement accaparée par Cooper et la peur qu'il ne vienne me parler, que je l'ai écouté d'une oreille distraite, et voilà où j'en suis... Au milieu d'une guerre électorale. La raison devrait me pousser à refuser leur aide et à renoncer tout de suite. Mais quand il s'agit de la peste blonde qui empoisonne Fellpoint High, je ne suis plus raisonnable du tout. Qu'importe si ça doit mener à cette fameuse campagne de diffam... Une minute.

- Diffamation, tu dis ? demandé-je, tout à coup très intéressée.

- Oui, si la voix classique ne marche pas, on se servira de rumeurs ou de photos compromettantes pour montrer aux autres sa vraie nature.

- Tu parles, comme si c'était possible. A moins de faire des photomontages, tu n'auras jamais une image d'elle où elle n'est pas à son avantage, soupiré-je.

- On a déjà un dossier plein.

- QUOI ?! couiné-je. Mais... comment ?

- Facile, elle était si obnubilée par toi, qu'elle n'a pas fait attention au groupe de geek qui se balade toujours avec son appareil photo, sourit-il, fier de lui.

Je luis souris à mon tour, ravie d'avoir quelqu'un à mes côtés dans cette petite vendetta. Même si, à priori, nous ne sommes pas vraiment sur la même longueur d'onde quant à la ligne directrice de notre action anti-Madison.

- Et si tu me montrais ce que vous avez sur elle ?

Il fronce les sourcils un instant, puis finit par hausser les épaules avant de se pencher en avant pour reprendre la souris à ses amis. Il fouille quelques dossiers aux noms étranges, puis finit par afficher une succession de photographies de la reine des garces. On la voit mâcher la bouche ouverte, décoiffée, les yeux rougis après avoir pleuré. Je suis un peu déçue, bien sûr, ce ne sont pas des photos qu'elle utiliserait comme fond d'écran, mais rien qui puisse me servir. 

A moins que...

- Et celle-là, c'est quoi ?

- Oh, elle est ratée, on ne voit même pas qu'elle trempe une frite dans son soda, souffle-t-il, dépité. Tu peux l'effacer Tamy.

- Non, surtout pas ! Envoie-la moi, plutôt. 

- Quoi ? Mais c'est la pire qu'on ait pris... proteste Tommy.

-  Sur messenger si tu veux bien, dis-je à Tamy avant de me tourner vers Tommy, portable en mains. Tu sais, à force de te concentrer sur un point trop précis de ta photo, tu en rates l'essence même.

Et pour appuyer mon argument, je lui montre le cliché que je viens de recevoir, je zoome d'abord sur le verre et la frite en suspens. Puis je déplace la zone agrandie pour qu'elle montre le visage de Madison. Et son doigt qui semble enfoncé dans sa narine. Je doute sérieusement qu'elle se soit curé le nez dans la cafétéria du lycée, mais sur l'image que j'ai sous les yeux, on dirait bien. Et ça me suffit pour ce que je comptais faire.

Rapidement, j'ouvre le logiciel de retouche intégré à mon téléphone. J'entoure une zone, ajoute un petit texte et ajoute l'image sur la page des Seniors de Fellpoint. 

- Et voilà... sourié-je alors que j'entend les notifications arriver sur les portables des membres du club de photographie.

Perplexe, Tommy sort son smartphone de sa poche, il ouvre l'application Facebook et ouvre de grands yeux quand il me tend son iPhone pour me demander:

- C'est toi ?

- Bien sûr.

Je lui répond sans flancher, malgré le fait que j'ai du mal à contenir mon rire en m'imaginant la tête que va tirer Madison, quand elle se verra. Le doigt dans le nez. A la vue de tous. Avec la mention "Barbie Cra-cra" sur son cliché. Elle qui pique déjà une crise auprès de ses amies quand elles postent une photo d'elle qui n'a pas été approuvée. Je suis plutôt fière de mon tour, même si la mine un peu défaite de Tommy me ferait presque douter. J'avale une gorgée de café, pour me donner un peu de contenance et donner l'impression que je maîtrise parfaitement la situation, avant de dire à mes "partisans", sur un ton sans appel:

- Tu vois Tommy, le truc, c'est que je me moques de battre Madison à cette élection. Je me fous  complètement d'être Reine. Ce que je veux, c'est la détruire.

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