Chapitre 45

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Je reste prostrée dans la même position encore un moment après le départ de Luc. Les larmes dévalent mes joues sans que je ne puisse les retenir. Terrifiée à l'idée qu'il puisse ne plus m'adresser la parole. Je ne sais pas si je pourrais le supporter.

Mais, quoi qu'il en soit, ce n'est pas en restant sur mes fesses, dans le couloir du lycée que je risque de le faire changer d'avis. Si je veux le récupérer - ou l'empêcher de partir, c'est selon - il va falloir que je me remette sérieusement en question.

Alors je finis par me lever, les jambes encore engourdies de les avoir gardées repliées trop longtemps et je me dirige comme une automate vers la salle de classe où se réunit le club de photographie. Je marche la tête basse, pour leur cacher que j'ai pleuré mais aussi pour éviter de croiser leur regard quand je récupère mes affaires et que je quitte la pièce sans leur dire au revoir.

La porte claque dans mon dos sans qu'aucun n'ai remarqué mon passage éclair. Tant mieux. Je n'ai aucune envie de bavasser. Et à cet instant, Madison, c'est bien le cadet de mes soucis. Les mots de Luc m'ont atteint. Bien plus que je n'ai voulu le montrer. Mais surtout, ils m'ont donné envie de réfléchir. 

Est-ce que je suis vraiment devenue un clone de celle que j'exècre ? Possible.

Je me suis tellement laissée emportée par ma colère et mon besoin de vengeance que j'en ai perdu de vue mon véritable objectif. J'ai peut-être même un peu oublié mes valeurs au passage.

Alors que je me dirige vers la porte du hall, je fais défiler sur mon téléphone les photos de la page Facebook dédiée à Madison. Et je suis frappée par ce que je vois. Luc avait raison. Je suis complètement passée à côté parce que j'étais trop focalisée sur l'aspect "ridicule" de ces clichés, mais Madison a l'air au fond du gouffre sur chacun d'entre eux. Et malgré ça, ma petite bande de geek et moi nous sommes acharnés sur la peste blonde, sans relâche. On s'est comportés en véritables bourreaux. Sur la dernière photo qui a été postée, celle que je viens de valider, on dirait même qu'elle est en train de pleurer.

Mon dieu, je suis devenue un vrai monstre.

Je lâche un grognement dégoûté avant de ranger mon portable dans mon sac, quand un souffle chaud sur ma nuque me fait sursauter:
- Encore ce bruit ? Je vais finir par croire que c'est ma présence qui te dégoûte, Jamers, et pas ce qu'il y a dans ton téléphone.

La main sur la poitrine, j'essaye de cacher ma surprise à celui qui s'est matérialisé à mes côtés sans même que je ne l'entende approcher. Je hoche la tête, en levant les yeux au ciel, avant de couler un regard noir sur Cooper, qui m'observe, amusé.

- Si tu espères me provoquer une crise cardiaque, continues, tu es sur la bonne voix, lâché-je en bougonnant. Si j'avais su que tu avais abandonné le basket pour devenir ninja, je serais restée sur mes gardes.

Cooper rit à gorge déployée, puis il plie les genoux et se déplace en crabe, comme s'il essayait de passer inaperçu. Raté. Avec son mètre quatre-vingt-dix, et son charisme hors du commun, il attire tous les regards. Surtout le mien. Je ne sais pas à quoi il joue mais c'est assez drôle à voir. Particulièrement quand il essaye de se cacher derrière un poteau, sans grand succès, duquel il finit par bondir quand j'arrive à sa hauteur. Pour se planter devant moi, les yeux fermés, et balancer des coups de pieds et des coups de poings dans tous les sens en criant:

- Yihaa ! Ninja !

La scène est si ridicule que je ne peux qu'exploser de rire. La tête rejetée en arrière, je ne parviens plus à m'arrêter, et cette fois, les larmes qui baignent mes joues n'ont rien à voir avec la tristesse ou l'abattement. Jamais je n'aurais cru possible de retrouver le sourire si facilement, et le fait que ce soit grâce à Cooper est à la fois déstabilisant et terriblement touchant.

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