L'hôpital est un lieu que l'on préfère normalement éviter. Surtout cette partie-là, avec ces gens qui parlent aux murs, qui embrassent des fantômes et accourent vers des silhouettes invisibles en criant des noms qui n'ont jamais existé. Avec ces enfants qui passent leurs jours dans des chambres aux parois tristement décorées de quelques photos de famille, à cause des failles de leur esprit.
On m'avait dit d'attendre dans le couloir, la salle de parole étant encore occupée. Voyant que la personne chargée de m'accompagner était partie s'occuper d'une urgence, je me retrouvai seule, à nager dans ma blouse, et décidai, faute de chaise, de me laisser glisser le long du mur, par terre. Juste une fêlée de plus, qu'est-ce que ça pouvait faire ? L'agitation et la gêne d'être là commençaient à devenir étourdissantes. Il y avait moins de monde la dernière fois.
La tête entre les genoux, je cherchai la quiétude, endormie par les pas des patients. L'étage était calme, personne ne prêtait attention à une lubie de plus.
Au bout d'un moment, animée d'un soudain désir de me dégourdir les jambes, je tentai de me lever avant de réaliser que je n'arrivais pas à me mettre debout. Je m'aperçus alors qu'au-dessus de moi, une petite fée chétive perchée sur un escabeau s'amusait à emprisonner mes épaules de ses petites mains, m'empêchant de bouger. Malgré nos carences évidentes, je pensais tout de même avoir plus de force qu'elle. Je jouai toutefois le jeu et ne repoussai pas ses bras-allumettes. L'enfant aux yeux translucides ne désarmait pas, et nous passâmes plusieurs minutes à guerroyer en silence.
À ce moment-là j'ai souri avec elle ; l'infirmière est venue me chercher et on a ri toutes les deux, éclaté d'un rire si franc. Comme si la soignante à qui j'avais appris à faire confiance était heureuse de voir un sourire s'épanouir sur mon visage, comme si elle me voyait aller mieux. Elle m'a entourée d'un bras, dans un élan spontané qu'elle n'avait sûrement pas pu retenir, comme si au milieu des journées éprouvantes, elle voulait elle aussi laisser sa joie s'exprimer.
Le sourire espiègle de cette petite fille si pâle à l'hôpital n'avait pas de prix. Malgré la maladie, dans ce lieu blanc et clos se produisent des scènes d'une beauté si touchante et pure. Des fragments d'existence qui laissent de nouveau place à l'humain, où tout revient à l'essentiel. Où il n'y a plus ni orgueil, ni souffrance, ni soucis, ni souvenirs, ni passé, ni futur ; juste l'instant présent, juste un sourire qu'on nous lance.
D'une beauté qui redonne l'espoir de vivre.
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Où j'ai trouvé l'Essentiel
Kurzgeschichten"L'hôpital est un lieu que l'on préfère normalement éviter. Surtout cet étage-là, avec ces gens qui parlent aux murs, qui embrassent des fantômes et accourent vers des silhouettes invisibles en criant des noms qui n'ont jamais existé." Car la simpli...