Ardeur Sentimentale - [FR]

XI

Tout ce que lui avait dit Nick, sans craquer au bout de ses phrases, l'avait beaucoup trop bouleversé. Malgré lui, il voulait oublier tout cela. Il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il avait fait de mal pour le mettre dans un tel état. Il faisait tout pour l'aider, pourtant, et le rendre le plus heureux possible. Mais apparemment, il était décidément un bon à rien.

C'est ce qu'il pensait depuis un bon moment, même avant d'arriver à Moonstone. Il était un bon à rien. Parce qu'il se croyait toujours supérieur aux autres, avec la richesse qu'il possédait. En rencontrant Nick, il s'était dit que cela pourrait changer. Mais rien n'avait changé. Même avec tous les efforts qu'il faisait, il n'arrivait pas à le rendre heureux, à le faire sortir de cette dépression. Et il pensait vraiment que tout était de sa faute, mais le problème, c'est qu'il ne savait pas ce qui causait cette déprime constante chez ce garçon qu'il considérait à présent comme son meilleur ami, et peut-être que pour lui, c'était plus que ça. Mais à chaque fois que cette idée apparaissait dans son esprit, il la faisait disparaître, presque inconsciemment, alors c'était quasiment comme s'il n'y avait jamais pensé.

Une fois chez lui, il se précipita dans sa chambre, ne faisant même pas attention à ses parents -- et eux, n'avaient même pas fait attention à lui --, et prit directement tout ce qu'il lui fallait pour oublier tous ces problèmes sans réponses, sans solutions. Il voulait les oublier le plus vite possible, et tira alors sur ses joints le plus rapidement qu'il pouvait, pour que l'effet soit encore plus rapide, et peu importe l'impact que cela avait sur sa santé.

Même s'il essayait de les faire disparaître de ses pensées, il avait besoin d'en parler, avec quelqu'un qui saurait le comprendre, et peut-être lui dire quoi faire. Et pour cela, il n'y avait qu'Alex. Il était presque sûr que s'il l'appelait, il décrocherait, car il lui semblait qu'il n'avait pas tant de cours l'après-midi où cela se passait. Alors, il se précipita sur le téléphone qui se trouvait sur sa table de chevet, en vacillant légèrement, toujours son joint à la bouche, et s'empressa de composer son numéro. Et à son plus grand bonheur, il décrocha presque immédiatement.

Il ne prit même pas la peine de le saluer, et dès qu'il entendit sa voix, une voix assez douce et rassurante, il se mit à pleurer. Ce n'était pas quelque chose qu'il faisait habituellement. C'était quelque chose qu'il n'avait pas fait depuis des décennies, même, depuis qu'il était un enfant.

Il raconta tout ce qu'il avait sur le cœur. Ce que Nick lui avait dit, sans hésiter sur les mots, tout en étant étonnement calme. Et à quel point cela l'avait blessé. A quel point il s'en voulait. Tout ce qu'il voulait, c'était son bonheur, qu'il oublie enfin tout ce qui lui était arrivé avant qu'il ne le rencontre. Il voulait lui offrir une nouvelle vie, remplie de joie, où sa dépression et son anorexie seraient finalement guéries, disparues, et qu'il vivrait enfin comme il l'avait toujours rêvé, comme un adolescent normal de quinze ans.

Alexander ne savait pas vraiment comment réagir, en réalité, car il n'avait jamais fait affaire à un Kyle dans cet état. S'il était ainsi, c'est qu'il devait vraiment tenir à ce mec, pensa-t-il. Pour lui, le blond se cachait des choses à lui-même, qu'il ne voulait pas assumer, soit parce qu'il avait honte, soit parce qu'il avait peur que ce ne soit pas réciproque. Sauf que ça l'était, parce que les paroles de Nick le faisaient clairement sous-entendre.

Il y eut alors un assez long silence, qui était presque dérangeant, le temps que son ami réfléchisse à comment formuler sa question.

« Kyle, tu tiens beaucoup trop à Nick, tu serais pas amoureux de lui, par hasard ? Désolé de dire ça hein, mais tu tiens beaucoup trop à lui et à son bien-être pour que ça ne soit qu'un simple pote.
-Mais non, c'est pas possible ! Si j'étais amoureux de lui, je serais pas attiré par Pirmin...
-Et si tu voulais juste te voiler la face en te faisant croire à toi-même que t'es attiré par cet asiat' ? Parce que justement, en te rabattant vers lui, tu veux pas penser à la possibilité que ton amour pour Nick ne soit pas réciproque ? Mais vu ce qu'il a dit, moi, je peux te dire que ça l'est.
-Je sais pas, Alex... Je sais même pas ce que c'est réellement, l'amour...
-Moi, je sais ce que c'est, et je peux te dire que t'en es atteint, c'est clair.
-Je sais pas... J'vais juste me défoncer pour oublier tout ça.
-J'peux venir ?
-Non... Je préfère rester seul.
-Ok, j'comprends. A demain alors, je suppose ?
-Ouais, à demain. »

Et c'est sur ces mots qu'il raccrocha finalement, avant de tirer sur un énième joint ; il en avait tellement fumé qu'il ne comptait même plus.

Les paroles d'Alex l'avaient fait réfléchir sur le coup, même un peu trop, et avait tout ce cannabis qu'il venait de fumer, il ne voulait vraiment pas solliciter autant son cerveau. Alors il essaya de les oublier grâce à ça, sauf qu'elles ne partaient pas : elles ne cessaient de résonner dans sa tête.

Il entendit la porte de sa chambre s'ouvrir doucement vers ce qui lui semblait la fin de l'après-midi, car le soleil commençait à doucement se coucher, du moins, c'est ce qu'il voyait de sa fenêtre. La personne qui entra n'était autre que Nick, et il lui adressa malgré lui un petit sourire, ne remarquant même pas qu'il était au pied de son lit, avec des multitudes de joints cramés autour de lui, et qu'il en tenait encore un dans sa main, ce qui fit alors soupirer son ami.

« Chacun sa façon d'oublier ses problèmes, à ce que je vois... Mais s'il te plaît, Kyle, réfléchis un minimum à ce que j'ai dit. Je sais que tu n'es pas aussi bête que ça, et que tu comprendras assez vite ce que je voulais te faire comprendre.
-Bien sûr que j'y réfléchirai, Nick. Je veux que ton bien, même si j'réussis pas, là maintenant. Mais j'y arriverai, j'pense. Mais des fois, faut bien se lâcher un peu, tu penses pas ?
-Oui, t'as raison. Mais la façon dont on le fait n'est pas forcément toujours la meilleure... »

​​​​​​​Il soupira de nouveau, et sur ces mots, s'installa dans leur lit -- car oui, ils dormaient à deux : Kyle jugeait que Nick avait besoin de confort, et il s'en fichait si cela faisait "gay", parce que le confort du brun était une chose primordiale. Il n'était même pas 17h, mais il était beaucoup trop épuisé par cette journée.