CHAPITRE 12

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Chaque éclat de colère m'arrache de nouveaux tiraillements dans la poitrine. Pourtant, je n'ai pas pu me retenir de crier. Je ne veux pas rester ici. Je veux vendre le manoir et m'éloigner le plus loin possible de Chiara. Jusqu'à maintenant, elle a veillé à demeurer en dehors de mon champ de vision, ce qui ne m'empêche pas de ressentir fortement sa présence. C'est certainement à cause d'elle que j'ai autant de mal à respirer. Des actes aussi naturels qu'inspirer ou expirer me coûtent de gros efforts. Mais j'ai conscience que ressasser mes griefs contre elle n'amènera rien de bon. Il faut que je parte loin d'ici, loin de sa sphère d'influence néfaste. Et si je retournais à Los Angeles ? Une grande carrière d'acteur m'y attend. J'en suis persuadé !

L'année passée, Audrey m'a ouvert les portes de Hollywood. Grâce à elle, j'ai pu jouer dans des films à gros budget. Je n'y interprétais pas des rôles d'envergure, et j'étais souvent grimé, de sorte que l'on ne me reconnaissait pas, mais en six mois là-bas, je me suis constitué un joli carnet d'adresses et j'ai renfloué considérablement mon compte en banque. J'aurais pu y rester si je n'avais pas eu le mal du pays et que l'on ne m'avait pas proposé le rôle principal dans une production québécoise.

— Ici, c'est chez toi ! me dit Sandro, qui pose une main sur mon épaule pour me réconforter. Mais peut-être préfères-tu venir dormir à la maison. Vera et Érica font déjà leurs nuits. Elles ne te réveilleront pas.

Ah, ça non ! Plutôt crever que de me retrouver coincé chez lui ! J'aime beaucoup Sandro. Contrairement à mon frère, il n'a pas changé après son mariage. C'est toujours le même type : serviable, fiable et de bonne compagnie. Julia est tout aussi sympathique. Je n'ai guère eu l'occasion de beaucoup discuter avec elle. Elle est d'un abord un peu froid. Bizarrement, je me marre cent fois plus avec sa sœur Audrey. Mais je n'ai rien à lui reprocher. Néanmoins, personne – vous m'entendez, personne ! – ne me fera emménager dans la même maison que deux bébés âgés de 2 mois. Les mouflets me font fuir comme la peste. Ça braille, ça pue, c'est l'enfer !

— C'est plutôt moi... qui risque de les réveiller, répliqué-je par saccades, pour ne pas aviver la douleur dans ma poitrine. Je mène une vie de célibataire, Sandro... Je n'ai pas d'heure pour me lever ni pour me coucher... Je ne viendrai pas chez toi... pas plus que je resterai ici... Je compte vendre le manoir... Chiara est d'accord, n'est-ce pas ?

— Tout à fait d'accord ! Mais on en reparlera dans six semaines, me répond la principale intéressée d'une voix narquoise. Quand tu seras entièrement guéri !

— Il n'en est pas question ! Je veux voir le notaire aujourd'hui même, m'énervé-je, avant de le regretter amèrement.

Car une multitude d'aiguillons me perforent le thorax sur-le-champ.

— Pourtant, il te faudra rester six semaines ici bien tranquillement. Tu n'as pas d'autre choix, mon pauvre ami ! renchérit Sandro, qui me tapote l'épaule. Avec ton bras cassé et ta cheville foulée, tu ne peux plus conduire ni apparaître dans des films. Il te faut un repos complet pour te réparer. On va contacter une infirmière qui viendra s'occuper de toi trois fois par jour. Pour ton bras, on t'a mis une attelle amovible. Tu pourras te laver.

— Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je n'ai rien. Tu délires, mon vieux ! Où es-tu allé chercher tout ça ?

— À l'hôpital, bien sûr, où on t'a fait passer des examens. Mais tu ne t'en souviens probablement pas. D'une part, tu étais trop bourré. De l'autre, les ambulanciers ont été obligés de t'endormir tellement tu hurlais. C'est après la radio que le verdict est tombé ! Je ne sais pas comment tu t'es débrouillé, mais tu t'es salement amoché !

— Moi aussi, j'aimerais bien savoir comment je me suis fait tout ça ! grommelé-je, toujours incapable de bouger.

— Ça, c'est un mystère ! Toujours est-il que dorénavant tu devras t'astreindre à une discipline stricte. Avec tes côtes fêlées, tu es condamné à rester au moins deux semaines sans fournir d'efforts, si tu veux que tes os se ressoudent. Le médecin nous a expliqué que tu ne porterais pas de bandage autour du torse. Tu es donc libre comme l'air, ce qui ne signifie pas pour autant que tu as le droit de faire du sport.

DARK LOVERS : un amour interditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant