07 | le maquillage

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07

JADE

            


TOUS LES MATINS, JE N'ARRIVE JAMAIS à me mettre du mascara. C'est très simple, soit la brosse est trop grande, soit j'en mets trop et ça fait des paquets peu esthétiques. Selon moi, cela relève de la malédiction de mes yeux trop bridés et des cils inexistants que j'essaie de foncer.

En tailleur sur le canapé du salon d'Olympe, j'essaie de me maquiller pour sa soirée d'anniversaire. Rayan est assis à côté de moi, avec ses chaussettes qui puent et le portable à la main. Ma meilleure amie prend sa douche, et nous essayons d'anticiper ce qu'on va bien pouvoir faire de drôle pendant la soirée.

—    Ta meuf vient ? demandé-je en changeant de sujet.

—    Non, zéro incrust', Olympe veut pas, réplique-t-il en soupirant.

—    Ah bon ? Je croyais qu'elle l'aimait bien pourtant.

Il est vingt heures, et je ne sais pas trop à quoi m'attendre de la part de la blonde. Elle a dit que quelques personnes viendraient, mais au vu de sa liste d'invités, j'ai surtout le sentiment qu'elle a convié un peu tout le monde sur un coup de tête. Sauf la petite amie de Rayan, étrangement.

—    T'sais que ma mère commence à accepter le copain de ma sœur ? En ce moment, tout le monde s'entend bien chez moi, c'est super louche, raconté-je en me concentrant sur ma rangée de cils à gauche.

Rayan, toujours très chill, relève la tête.

—    Bah c'est cool non ? Et toi, tu vas leur dire pour ton petit copain ?

—    Mon petit copain ?

—    Saul.

Le souvenir du blond me revient à la tête.

—    Ah oui... Saul...

La vérité, c'est que je ne sors pas vraiment avec lui. Enfin si, sur le papier, mais en réalité, j'ai pas cette impression. Sur le coup, quand il m'a proposé de me mettre en couple avec lui, j'ai dit « non ». Mais il m'a convaincu qu'il n'y avait rien à perdre, et que c'était juste un essai, vu qu'il avait besoin de se changer les idées et que je lui plaisais. Même Olympe, qui avait le seum mais qui était excitée pour moi, m'a encouragé à tester. Donc j'ai dit « pourquoi pas » et il m'a souri le lendemain en classe. J'imagine, que ce n'est pas si sérieux que ça, mais aux yeux du reste du monde, c'est comme si j'étais déjà fiancé au gars.

—    Il est perché ton mec non ?

—    Non, ça va.

On n'a pas vraiment eu de moments romantiques. Et les seuls moments où j'ai cru pouvoir apprendre à le connaître seul, il arrive toujours à incruster Gabriel. Au début, ça me gênait. Au bout d'un moment, je me suis rendue compte qu'il était supportable et qu'à force de passer du temps avec lui, peut-être, qu'on peut être sympa l'un à côté de l'autre.

—    J'ai un souci, avoué-je.

—    Lequel ?

—    J'ai l'impression d'être différente parfois.

Quand je traîne avec Rayan et Olympe, je sais qui je suis, où je veux être et comment me comporter. J'ai cette tendance à m'en ficher de tout, à être blasée ou lever les yeux au ciel en écoutant les histoires. Moi, en somme. Alors que, quand je suis avec les deux autres, j'ai cette manie de sourire plus que prévu, ou réfléchir moins et écouter plus. Et puis, des fois, je me noie un peu dans leur bulle, comme s'ils me coupaient du reste du monde, à trois.

NOS SMILES BRIDÉSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant