Chapitre 46

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Trois jours.

Ma dispute avec Luc remonte à trois jours et il refuse toujours de m'adresser la parole. Et même si la situation me fend le coeur, je ne peux pas lui en vouloir. C'est vrai que cette fois, j'ai sacrément merdé. Il n'y a pas d'autre mot.

A trop vouloir ôter un poids de MA poitrine, je l'ai mis dans la situation qu'il cherchait justement à éviter. Je croyais qu'il ne disait rien par peur d'aggraver la situation, alors qu'en fait, il avait fait le choix de subir pour préserver son avenir. Et à cause de moi, il se retrouve privé de cet avenir auquel il travaille d'arrache-pied depuis des semaines. Des années même.

Déjà avant qu'il ne se brouille avec ses parents, Luc a toujours été l'un des meilleurs élèves de Fellpoint. C'était d'ailleurs l'une des plus grandes fierté des Peters, qui ne se privaient jamais de rappeler à qui voulait l'entendre que leur fils était d'une assiduité sans faille, et qu'il aurait assurément un avenir bien plus brillant que la moyenne. Je me souviens, quand nous étions enfants, Cooper et moi nous retrouvions toujours directement à la sortie de la classe, alors que Luc ne nous rejoignait qu'une fois ses devoirs fait. Inutile d'espérer le voir avant, il refusait catégoriquement. Il a toujours eu cette conscience et cette application qui me faisait cruellement défaut.

Dire que tous ses efforts n'auront servis à rien. Et par ma faute en plus.

Assise sur mon lit, je laisse échapper un long soupir alors que mon regard se perd en direction du bureau de mon père. Comme tous les jours depuis mardi soir. Depuis que Luc a déménagé ses affaires de ma penderie pour les installer dans la pièce transformée en chambre d'ami pour l'occasion. Parce que, non content de me snober, monsieur a décidé de le faire juste sous mon nez. Il vit toujours chez moi, mais m'ignore royalement, et ce malgré mes tentatives de réconciliation. 

Sous ses airs de ne pas y toucher, je le soupçonne d'être en fait un maître de la torture. Il doit d'ailleurs s'entraîner depuis des années sans que personne ne le sache. Sinon comment pourrait-il prétendre ne pas me voir, alors que je suis debout devant lui, un paquet de "Sour Patch" dans une main, et une carte "Sorry for being an Ass" dans l'autre ? S'il n'exerçait pas ses talents de bourreaux sur de pauvres petits chatons sans défense, ou pire des bébés phoques, il ne pourrait jamais m'ignorer alors que je brandis LE drapeau blanc. Notre signe de paix bien à nous. Au jardin d'enfant le message de la carte était un peu différent, bien sûr, mais d'aussi loin que je me souvienne, dès que nous nous prenions le bec - et ce n'est pas arrivé souvent - il suffisait que l'un de nous présente ses excuses, de cette manière exactement, et l'autre lui pardonnait aussitôt. Mais il faut croire qu'en grandissant, il est des tords qu'on ne peut réparer avec un peu de sucre et quelques mots.

Et c'est bien dommage !

Parce qu'au-delà du manque évident lié à "l'éloignement", son avis éclairé m'aurait été sacrément utile cette semaine. Encore plus ce soir. Shawn est censé venir me chercher pour aller au bal dans moins de deux heures et je suis toujours affalée sur mon lit, en pyjama. Je devrais probablement commencer à me préparer. Comme j'aurais sûrement dû répondre au message de Cooper qui me demandait si j'avais réfléchis à sa proposition. Mais je suis bien trop perdue pour arriver à faire soit l'un, soit l'autre. 

Alors j'ai pris la décision de ne rien faire du tout. Impossible de me tromper dans ce cas, non ?

Sur le dos, je remonte jusqu'à mon oreiller en m'aidant de mes pieds, et une fois la tête confortablement lovée dans mon édredon, je me saisis de mon téléphone. Je relis encore une fois le dernier texto de Shawn : "Je passerai te prendre à 19h.", plus plat et sans intérêt, tu meurs, et renonce à y répondre. Je trouverais bien une excuse de dernière minute pour me désister.

F*ck it ListOù les histoires vivent. Découvrez maintenant