Depuis ce bras de fer (d'où je sortis vaincue, il faut le reconnaitre) avec ma mère, notre relation était devenue très tendue. Elle ne m'adressait la parole que pour me donner deux directives spécifiques : « On va chez grand-mère », « Je sors. Surveille ton petit frère ». A croire que c'était devenu l'hymne national de notre relation. Finies les plaisanteries entre nous. Nos conversations mère /fille en fin de soirée, étaient rangées au placard. Cette situation me plongeait dans une tristesse incommensurable. Jamais ma mère ne m'avait aussi longtemps fait la tête. Toutefois, je dois avouer que non seulement je lui avais tenu tête, mais aussi la manière dont je l'avais faite n'était pas des plus polies. Mais c'était pour la bonne cause ! J'aimais Salem, et ce dernier me le rendait bien. Il ne s'agissait guère d'une amourette : je savais du fond de mon cœur que Salem était l'homme de ma vie.
Par ailleurs, je n'avais pas besoin de « durée dans le temps » pour le comprendre. Ce genre de choses relevait d'une conviction intime dont la foi restait inébranlable. Je savais que Salem était celui que j'attendais. Certes j'étais grandement consciente de la différence d'âge qui nous séparait, mais dites-moi : que représente une année dans l'échelle d'une vie ? Rien. Que dalle. La vie est tellement éphémère, tellement courte...que je me refuse à m'éloigner de l'amour pour des broutilles tel que l'âge. Pour une fois que l'amour consentait enfin à me tendre la main d'une manière sincère, je comptais saisir pleinement cette opportunité. Tant pis, si je me casse la gueule dans quelques jours, dans quelques mois, ou dans quelques années. Au moins, je n'aurais alors aucun regret.
Bref, tout ce que je souhaitais, c'était le soutien de ma mère. L'univers entier pouvait être contre moi, mais tant que ma maman était de mon côté, j'étais le superhéros Sarahwoman l'Invincible. Pour l'instant, ce n'était pas gagné mais je priais fort pour qu'elle change d'avis. J'ose espérer qu'avec le temps, l'orage passerait et qu'elle changerait d'avis.
En outre, malgré son interdiction formelle, je continuais de fréquenter Salem en catimini. Nous nous voyions le plus souvent dans la journée pendant que Maman était au bureau. Malick était mon partenaire de crime. Même s'il ne connaissait pas le fond de l'histoire, il savait que quelque chose clochait et ne répétait jamais à ma mère que je sortais parfois les après-midis. C'était une sorte de contrat tacite entre nous lol.
Autre tâche du tableau : mon retour en France approchait à grands pas. Je n'avais aucune envie d'y retourner, même si j'y étais obligée. Mon devoir envers mes parents était au minimum de boucler mon année de master en faisant ma soutenance. Je leur devais bien ça, après tous les efforts qu'ils avaient déployés dans la mise en œuvre de mon éducation. Il va sans dire que ma famille (Malick surtout, j'étais trop attachée à mon petit frère, je pense que vous avez déjà dû le remarquer lol) allait affreusement me manquer, mais aussi mon Salem d'amour. Je ne sais pas comment je ferai pour survivre. Je pressens déjà des journées entières à écouter en boucle « no air, no air » (ce son était très en vogue à l'époque en 2008).
Ah oui ! Autre chose : ce ne sont pas que mes proches qui vont me manquer terriblement, mais aussi le soleil de notre bien-aimée Afrique-mère. On se rend compte de son importance dans notre vie quotidienne, dans nos humeurs matinales que lorsqu'on s'en éloigne. SniffA moins de 10 jours de mon départ, par un bel après-midi ensoleillé, je décidai de faire un crochet chez Salem puisque Monsieur n'avait pas cours. C'est Naima qui m'ouvrit la porte de leur maison, comme d'habitude, à croire que la petite deviendrait portière d'hôtel quand elle grandirait. Elle me sourit timidement. Je lui fis la bise tendrement. Elle était trop adorable cette petite ! C'est clair qu'elle ne serait pas de ces emmerdeuses de belles-sœurs sénégalaises qui prenaient un malin plaisir à s'immiscer dans les mariages de leurs frères. Minute Sarah ! Tu vas vite en besogne là ! Qui a même parlé de mariage avec Salem ? Il est si jeune, le mariage doit être le cadet de ses soucis présentement. Je sais, j'ai la sale manie de me projeter assez vite dans l'avenir. En effet, j'avais tous les symptômes de la maladie de « l'obsession du mariage ». Je plaide coupable sur ce point. Mais bon, on ne se refait pas. Et de mon humble avis, le mariage et la naissance d'un premier enfant représentent l'apogée de la vie d'une femme.
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TOME 1 : Entre désillusions et trahisons, notre amour survivra-t-il ?
Roman d'amourJe sortis à la hâte de son building dont l'air était devenu étouffant, et m'apprêtai à héler un taxi pour m'y engouffrer moi et ma peine insupportable, lorsqu'Ismaël se pointa. _Ismael : Je t'avais bien dit que je ferai de ta vie un enfer sur terre...