Amusons-nous

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Etienne et Guillaume devinrent bien vite très amis, oubliant tous les usages inculqués pendant leur enfance, ils se tutoyaient et chahutaient ensemble. En public, ils tentaient de se tenir correctement, mais leur amitié était rapidement devenue évidente pour tout le monde.

Le premier matin, Guillaume avait ri à gorge déployée devant les cheveux naturellement hirsutes d'Etienne. Redressés en pointe sur sa tête, ils lui donnaient une mine ridicule et Etienne avait bien du mal à les attacher dans le ruban. Les fous rires de Guillaume avaient fini par se calmer, et bientôt ils furent deux à s'acharner tous les matins sur les cheveux crépus d'Etienne.

Le vendredi de leur arrivée, après cinq jours de cours, tandis que le maître d'Histoire racontait aux élèves les exploits d'Achille, il fit tomber un petit dessin aux pieds des jeunes pages. Curieux, Etienne et Guillaume se penchèrent pour apercevoir le dessins d'une jeune femme replète, entièrement nue, dans une position lascive. Le maître ramassa bien vite le petit papier mais le mal était fait. Rouges, les deux amis se regardaient en se retenant le mieux possible d'éclater de rire. Etienne se mordait les lèvres à grand peine, s'accrochant des deux mains au petit bureau, les larmes au bord des yeux à cause de ce qu'il venait de voir, tandis que Guillaume avait opté pour des exercices de respiration profonde pour tenter de se relaxer.

La journée se conclut sur le premier cours d'équitation. Les élèves étaient tous avancés dans le domaine, le cheval étant leur principal moyen de locomotion. Néanmoins, on apprenait depuis quelques temps à la Grande Ecurie de Versailles à choyer l'animal au lieu d'être brutal. Les méthodes étant nouvelles, tout cela nécessitait un rééquilibrage. Les jeunes pages étaient libres de choisir leur monture. Il s'agissait de grands chevaux de chasse ou de guerres, qui, même pour un cavalier aguerri, dégageaient une aura impressionnante. Il fallait bien choisir les montures, car les élus deviendrait leur cheval particulier, leur propriété.

Etienne opta pour un cheval bai, à la robe isabelle, possédant une longue crinière noire qu'il caressa doucement. Il s'agissait d'une jument de six ans. Elle était très calme, ses grands yeux noirs donnaient une confiance absolue en Etienne. Il avait toujours beaucoup aimé les animaux et avait attendu ce cours avec beaucoup d'impatience depuis son arrivée. Le contact avec cette jument avait été évident, et dès qu'il sut qu'il avait la possibilité de choisir, il se rua sur elle.

Guillaume, lui, eu soudain plus de mal à faire un choix. Il passait rapidement dans les rangs, s'activant en voyant les autres pages choisir leur monture plus vite que lui. Il était frustré, il voulait avoir le choix. Il s'arrêtait sur un grand cheval noir pangaré. Le sentiment de puissance qu'il inspirait à Guillaume lui donna immédiatement une envie impérieuse de le monter. Ravi de son choix, il offrit une carotte au cheval, en le caressant affectueusement, avec un grand sourire.

« Il s'appelle Eclair Noir ! » lança la maîtresse d'équitation à l'attention de Guillaume.

Sérieusement ? ça dure depuis quand cette manie de donner des noms ridicules aux chevaux ?

« Je vais t'appeler E.N alors, tu mérites mieux qu'Eclair Noir, chuchota-t-il au cheval, en le caressant. ».

« J'espère que vous avez fait connaissance avec vos nouveaux compagnons. Je vous conseille d'être doux et gentils avec eux car désormais, vos vies sont liées. Si vous leur rendez bien, ils seront comme des amis fidèles sur lesquels vous pourrez toujours compter ! Nous allons commencer par les sceller. »

Les pages se regardèrent les uns les autres, surpris. Ils n'avaient presque tous jamais scellés les chevaux eux-mêmes, laissant, pour la plupart, dans leur domaine respectif, le palefrenier se charger de cette tâche.

Envol - L'Ecole des Pages |Tome 2 |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant