Apaisé.

538 41 3
                                    

Guillaume se figea en entendant des petits sanglots sortir de la chambre de son colocataire et meilleur ami, Aurélien. Il se demanda si c'était vraiment des sanglots qu'il entendait et s'il devait entrer dans la pièce pour voir pourquoi il pleurait. Il était sorti voir des amis que ce dernier ne connaissait pas et était rentré plus tôt que prévu, s'ennuyant un peu sans lui. Il avait l'habitude de passer toutes ses journées et même une grande partie de ses soirées avec Aurélien, et maintenant il voyait avec un peu d'étonnement qu'il s'amusait moins lorsqu'il n'était pas dans les parages. Il se décida à entrer dans la chambre et ouvrit la porte doucement. La lampe du couloir éclaira faiblement l'intérieur de la pièce et à la soudaine lumière Aurélien se tourna vers lui. Guillaume s'immobilisa un instant en voyant qu'il pleurait la tête dans ses bras, les genoux remontés contre son corps, avant de s'avancer vers lui prudemment. Il vit son petit air apeuré, ne s'attendant sûrement pas à être découvert dans cet état et il s'assit sur le rebord de son lit, plongeant ses yeux dans les siens.

« Qu'est-ce qu'il se passe, Orel ? »

Aurélien le dévisagea d'un air hésitant avant de détourner furtivement le regard et de revenir poser ses yeux sur lui d'un air timide.

« Tu es... deja rentré, Guillaume ?

— Comme tu peux le voir. Raconte-moi. »

Aurélien se mordit la lèvre et secoua la tête d'un air gêné.

« Orel... soupira-t-il. Tu as fait un cauchemar ?

— N-Non...

— Alors, quelque chose s'est passé aujourd'hui ? Et je ne l'aurai pas vu ?

— Non, c'est pas ça... dit doucement Aurélien en secouant la tête.

— C'est quoi alors ? Dis-moi. Je ne vais pas me moquer. »

Aurélien baissa la tête, semblant se demander s'il devait lui raconter et il le vit se tordre les mains de nervosité.

« J'ai ce qu'on pourrait appeler des... terreurs nocturnes. Je me réveille en sursaut, en me sentant oppressé... Je ne sais pas vraiment pourquoi mais dans ces moments-là je ressens une peur panique et je me met à éclater en sanglots de peur. C'est ridicule, non ? lui demanda Aurélien en lui décochant un petit sourire gêné. À mon âge...

— Ce n'est pas ridicule, Orel. Il n'y a pas d'âge pour être effrayé, dit Guillaume doucement en lui attrapant les mains pour qu'il arrête de se les tordre. Ça a commencé quand ?

— Je ne me souviens plus... J'étais petit, peut-être cinq ans...

— Si jeune ? s'étonna Guillaume en écarquillant les yeux. Et ça t'arrive combien de fois par mois ?

— Par mois...? C'est plutôt... hésita Aurélien en le regardant timidement, plusieurs fois par semaine.

— Quoi ?! s'exclama Guillaume, choqué de la fréquence de ses crises. Plusieurs fois par semaine ? Mais c'est énorme, Orel ! Et je ne l'ai jamais su ? Je ne t'ai jamais entendu ? En vivant depuis trois ans déjà avec toi ?

— Je... j'attend que tu t'endormes par habitude... bégaya Aurélien. Je ne veux pas te réveiller... Te déranger...

— Tu te fous de moi, Orel ? s'exclama Guillaume, abasourdi. Si tu es aussi mal pendant la nuit je veux le savoir ! C'est pas quelque chose que tu devrais me cacher, hein. Tu dois avoir confiance en moi un peu.

— Je te fais confiance, c'est pas ça... s'exclama Aurélien en se redressant précipitamment sur ses genoux et se rapprochant alors de lui, tendant une main dans sa direction. C'est juste que... j'ai rendu mes parents complètement fous avec ça quand j'étais petit et à force comme ils ne savaient plus quoi faire, ils fermaient la porte de ma chambre et mettaient des Boules Quies pour ne plus m'entendre. Ils pensaient que c'était juste un caprice de ma part pour dormir avec eux et du coup, ils ne m'ont jamais vraiment fait consulté...

— Et regarde où ça t'a mené, Orel. Maintenant tu as presque trente ans et une perte de confiance en toi folle. Sans parler du fait que tu te réveilles toujours la nuit complètement apeuré. »

Aurélien le regarda d'un air paniqué et se mit à pleurer. Alors il l'attira à lui et se glissa sous sa couverture.

« Je ne suis pas tes parents, Orel... souffla-t-il dans son oreille. Et je veux que tu viennes me réveiller toutes les nuits où tu auras peur. Tu m'entends ? Toutes les nuits. Et si tu ne le fais pas, je me forcerai à rester éveillé jusqu'à ce que tu t'endormes chaque soir pour vérifier que tu ailles bien.

— Tu vas t'occuper de moi comme d'un gamin, pleura Aurélien dans son cou.

— Non, je vais m'occuper de toi tout court. Et on va rassurer l'enfant qui est en toi et qui est apeuré, d'accord ? Nuit après nuit. On ira voir un docteur, Orel. Ça va s'arranger, tu verras. »

Il l'entendit sangloter quelques minutes encore contre lui avant de le sentir respirer régulièrement contre son cou. L'enfant qui était à l'intérieur de son ami était terrorisé pour une raison mystérieuse et il allait tout faire pour l'aider à se sentir mieux.

***

Aurélien avait commencé à voir un docteur. Un psychiatre. Et dans le même temps, il respectait leur marché. Chaque nuit où il se réveillait en sursaut il venait le réveiller. Guillaume lui ouvrait alors ses bras et lui glissait des phrases rassurantes dans l'oreille tout en caressant ses cheveux ou son dos. Petit à petit, Aurélien avait arrêté de le réveiller pour se glisser simplement à ses côtés dans son lit lors de ces nuits de panique et il se réveillait invariablement avec un bras autour de sa taille, le serrant d'une manière protective contre lui.

Un an passa ainsi, jusqu'à ce que Aurélien arrête progressivement de se réveiller en sursaut. Ils fêtèrent sa guérison presque complète devant un film de son choix, Aurélien blottit contre lui, et il pensa qu'il était devenu dépendant à son contact.

***

Il se leva de son lit et se dirigea vers la chambre d'Aurélien, ouvrant la porte doucement et se dirigeant à tâtons jusqu'à son lit. Il se glissa silencieusement sous les draps et se serra contre lui, l'attirant dans ses bras. Il entendit un petit soupir d'aise quitter les lèvres d'Aurélien et il sourit à ce son.

« C'est à toi d'avoir peur maintenant ? dit doucement Aurélien qui ne devait pas être si endormi que ça et il se mordit la lèvre en sentant son souffle contre sa peau.

— Non, je veux seulement dormir avec toi. J'aime bien ça, je crois. » répondit-t-il dans un sourire.

Aurélien ouvrit les yeux doucement et lui sourit, seulement éclairé par la faible clarté de la lune passant à travers la fenêtre.

« Je t'aime, Guillaume. »

Il sourit à son tour et se pencha vers lui pour embrasser tendrement ses lèvres au goût sucré.

« Moi aussi, Orel. » souffla-t-il contre sa bouche en se reculant doucement.

Aurélien lui décocha un sourire étincelant avant de se blottir contre lui, ramenant ses mains sous son menton et sur son cœur. Il resserra délicatement son étreinte autour de sa taille et déposa un petit baiser sur sa tempe ainsi offerte à lui. Apaisé. C'était le mot.

OS OrelxGringe - Apaisé.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant